Un inspecteur du travail a fait expulser des travailleurs du chantier du REM qui avaient fumé du cannabis pendant leur pause, l’été dernier, une illustration d’un problème plus large dans la construction, selon le plus grand syndicat de l’industrie.

Le fonctionnaire s’apprêtait à quitter le chantier après une brève visite le 8 juin dernier lorsqu’il a remarqué « une forte odeur de cannabis » dans le stationnement où les travailleurs mangeaient leur dîner.

« Je rappelle au maître d’œuvre l’interdiction d’œuvrer sur un chantier de construction avec les facultés affaiblies », relate le rapport de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). « Le maître d’œuvre identifie les travailleurs qui consomment du cannabis et les informe qu’ils ne peuvent plus revenir sur le chantier pour la journée. »

PHOTO FOURNIE PAR LA CNESST

Photo du chantier prise par l’inspecteur de la CNESST le jour de l’inspection sur le chantier du REM

Au cœur du problème : le risque de blessure lorsque l’on travaille avec des outils puissants ou que l’on conduit de la machinerie lourde avec les facultés affaiblies.

Un tel évènement ne surprend pas le moins du monde la FTQ-Construction, qui estime que le problème est « répandu » sur les chantiers du Québec. « Je ne suis pas surpris, ce n’est pas le premier chantier où il y a des odeurs de cannabis », a dit Simon Lévesque, responsable des dossiers de santé et de sécurité au syndicat. « Sur l’heure du midi et même pendant le travail, parfois dans les toilettes ou dans des passages, ça sent le cannabis. »

Les travailleurs consomment pour différents motifs, a-t-il expliqué. Certains pour cesser d’avoir « mal aux épaules », par exemple, « ça va leur permettre de suivre la cadence ».

La légalisation du cannabis en 2018 n’a rien changé, à son avis : « Ça fait longtemps que ça sent le cannabis sur les chantiers de construction. »

Dangers accrus

Pour une raison inconnue, la CNESST a refusé d’accorder une entrevue à La Presse au sujet du risque posé par le cannabis sur les chantiers du Québec.

Simon Lévesque a fait valoir qu’en vertu de la loi, c’est à l’employeur de s’assurer que ses employés ne travaillent pas sous l’effet de l’alcool ou de la drogue.

Ce que je trouve particulier, c’est que ce soit l’inspecteur de la CNESST qui décèle des odeurs de cannabis sur les lieux de travail.

Simon Lévesque, responsable des dossiers de santé et de sécurité à la FTQ-Construction

Guillaume Houle, porte-parole de l’Association de la construction du Québec (ACQ), a refusé de se prononcer sur la prévalence du problème. Mais « il faut prendre la situation au sérieux, peu importe le nombre de fois où ça survient, c’est clair », a-t-il dit.

« Ce sont des situations qui peuvent arriver, au même titre qu’il arrive qu’un travailleur se présente sous l’effet de l’alcool », a continué M. Houle. L’employeur doit « prendre des mesures disciplinaires, prendre des mesures pour que cette personne-là ne puisse pas atteindre à sa propre sécurité ou à la sécurité des autres travailleurs ».

« Tous les chantiers de construction sont extrêmement dangereux, donc avoir un travailleur sous l’effet de l’alcool ou de la drogue, ça pourrait avoir des conséquences assez majeures », a-t-il ajouté.

« Tolérance zéro » au REM

Quant au chantier du REM, trois travailleurs ont été expulsés pour de bon du projet, a assuré le maître d’œuvre du chantier, le consortium NouvLR. L’évènement s’est produit sur le segment du projet situé à Deux-Montagnes.

« NouvLR applique la tolérance zéro pour quiconque se présente au travail sous l’influence de l’alcool et de drogues incluant le cannabis, et retire donc immédiatement de ses chantiers et bureaux toute personne qu’elle présume avoir des facultés affaiblies », a indiqué le directeur des communications, Marc-André Lefebvre, par courriel.

« Dans le cas précis que vous soulevez, les trois personnes concernées étaient des travailleurs d’une entreprise sous-traitante. Dès le signalement, nos gestionnaires de chantier ont immédiatement pris la situation en charge et ont sommé les travailleurs de quitter le chantier de façon sécuritaire, a continué M. Lefebvre. NouvLR confirme que ces personnes n’ont plus jamais travaillé sur un de ses chantiers. »

La CNESST a aussi refusé de donner davantage d’information sur son intervention.