(Montréal) La prochaine saison hivernale coûtera tout près de 200 millions à la Ville de Montréal, selon Maja Vodanovic, membre du comité exécutif.

Une armée de travailleurs devra répandre divers abrasifs, déneiger et déblayer la neige des quelque 10 000 kilomètres de rues de Montréal cet hiver, ainsi que des trottoirs et de certaines pistes cyclables.

Plus tôt en novembre, la mairesse Valérie Plante avait cité la hausse des coûts de déneigement - allant jusqu’à 100 % d’une année à l’autre dans certains arrondissements - comme l’une des raisons pour lesquelles elle a dû augmenter les taxes foncières de 4,9 %, en moyenne, en 2024.

En entrevue à La Presse Canadienne, Mme Vodanovic, qui est également mairesse de l’arrondissement de Lachine, a déclaré que le budget total de neige cette année est estimé à 197 millions, soit environ 10 millions de plus que l’an dernier. Elle a imputé la hausse à la forte inflation, à la pénurie de main-d’œuvre et au changement climatique.

« Beaucoup de nos contrats augmentent, malheureusement, avec les taux d’intérêt et avec la pénurie [de main-d’œuvre] et surtout de camionneurs », dont beaucoup sont dans la soixantaine, a-t-elle signalé.

Le coût des camions de déneigement a littéralement explosé ces dernières années, selon la mairesse d’arrondissement, en raison des perturbations de la chaîne d’approvisionnement liées à la pandémie de COVID-19 et à la guerre en Ukraine, où de nombreuses pièces étaient fabriquées.

Et même si certains pourraient penser que des hivers plus doux induits par le changement climatique réduiraient les coûts, il existe d’autres défis. Montréal connaît davantage de cycles de gel-dégel, ce qui l’oblige à intervenir plus souvent pour éviter les blocages de canalisations et la glace dangereuse.

Les fortes chutes de neige s’étalaient autrefois entre les mois de novembre et de mars, mais elles se concentrent désormais en janvier et février. Résultat : les entreprises de déneigement font fonctionner toutes leurs machines en même temps sur une période plus courte, embauchant davantage de personnes et les obligeant à travailler en heures supplémentaires.

D’autres villes canadiennes voient également leurs coûts augmenter.

Edmonton affirme que son budget de déneigement augmente chaque année et atteindra jusqu’à 68,5 millions d’ici 2026, un coût que le superviseur général des opérations d’infrastructure sur le terrain de la ville, Val Dacyk, attribue en partie au changement climatique, notamment aux températures chaudes qui créent de la neige fondante et des inondations.

Winnipeg a prévu un budget de 36,26 millions pour l’exercice 2023, contre 34,7 millions en 2022, bien que les coûts réels du déneigement aient été plus élevés, dont 87,18 millions en 2022.

Le budget d’entretien hivernal de Mississauga, près de Toronto, a augmenté de 1,1 million pour atteindre 26,82 millions pour l’exercice 2023.

Même Vancouver, avec son climat beaucoup moins rigoureux, a vu ses coûts augmenter régulièrement, passant de 3,8 millions en 2018 à 7,4 millions en 2022, période pendant laquelle la quantité de neige reçue par la ville a également augmenté.

Toronto a déclaré que son budget d’entretien hivernal pour 2024, qui s’élève à plus de 100 millions par an, est toujours en cours d’élaboration, mais qu’il sera « supérieur à celui de 2023 » en raison de « la hausse des coûts de l’équipement, de la main-d’œuvre et des conditions générales du marché ».

Aucune autre ville au Canada ne dépense autant en neige que Montréal. En plus d’être la grande ville la plus enneigée d’Amérique du Nord, son centre-ville est dense, ce qui signifie qu’il y a peu de place pour mettre la neige et qu’il fait trop froid pour la laisser fondre, a mentionné Maja Vodanovic. Ces conditions obligent la Ville à entreprendre plusieurs fois par année des opérations complexes de déneigement, qui comprennent le remorquage de voitures, le déneigement au milieu de la rue avant de le charger dans des camions et de l’acheminer vers l’une des plus de 20 décharges, une opération qui a été estimée ces dernières années à environ 1 million par centimètre de neige enlevée.

Jean-Philippe Meloche, professeur adjoint en urbanisme à l’Université de Montréal, affirme que la gestion des chutes de neige constitue un défi de taille pour les élus en raison de la nature variable de la météo et de la colère des citoyens si elle n’est pas bien faite. « L’hiver est une obsession pour les élus municipaux ».

De plus, le marché du déneigement n’est pas compétitif, selon le professeur Meloche, ce qui réduit les options des villes pour les entrepreneurs et rend l’industrie vulnérable à la collusion-bien qu’il ait ajouté que le recours à des entreprises privées reste généralement moins cher que le recours aux travailleurs municipaux.

Les coûts augmentent en raison de l’inflation des machines et de la main-d’œuvre, mais la qualité du déneigement augmente également, a-t-il observé.

Au cours des dernières décennies, la Ville déversait la neige polluée dans les rivières qui entourent l’île de Montréal, plutôt que de l’emmener dans des décharges à neige, a-t-il ajouté. De plus, Montréal et d’autres villes canadiennes s’attendaient à ce que les résidants restent à la maison lorsque le temps était mauvais.

« Aujourd’hui, nous savons que s’il y a une tempête, les gens vont sortir de toute façon, et nous ne voulons pas qu’ils se blessent, notamment parce qu’ils peuvent réclamer des dommages et intérêts à la Ville après des blessures subies sur les trottoirs glacés. »

Maja Vodanovic est d’accord. La mairesse de Lachine, qui est originaire de Croatie, dit se souvenir à quel point elle a été impressionnée la première fois qu’elle a vu de la neige et la réaction des équipes municipales. « C’est comme une armée qui déblaie la neige et rend la ville vivable en hiver », a-t-elle constaté. « C’est tout simplement un exploit et à mon avis, nous ne le reconnaissons pas suffisamment. »