Des immeubles centenaires délabrés défigurent une entrée du cœur historique de Montréal, déplorent plusieurs observateurs

L’impatience gronde face à un ensemble de bâtiments en très mauvais état qui enlaidit l’une des principales entrées touristiques du Vieux-Montréal.

Les immeubles centenaires de la rue Saint-Antoine, entre Clark et Saint-Urbain, appartiennent depuis 2020 au Palais des congrès de Montréal, qui prévoit agrandir ses installations à cet endroit.

En attendant la réalisation du projet – qui ne semble pas soulever d’enthousiasme à Québec –, les immeubles actuels prennent la poussière. Leur allure s’est encore dégradée l’an dernier avec l’installation d’une imposante structure métallique pour soutenir l’une des façades. Le tout devant les yeux des milliers de touristes qui sortent du métro Place-d’Armes ou des autocars qui se stationnent juste devant.

« Ça fait dur », a déploré le défenseur du patrimoine Dinu Bumbaru, de Héritage Montréal.

Le temps que le projet du Palais des congrès avance – qui n’est pas à la vitesse grand V –, ce serait peut-être une bonne idée d’avoir une stratégie temporaire d’amélioration […] pour que ça ne soit pas pénible.

Dinu Bumbaru, défenseur du patrimoine chez Héritage Montréal

« Avoir des bâtiments à l’abandon n’est pas digne de Montréal, surtout au centre-ville », a lancé pour sa part Aurélie de Blois, porte-parole de Tourisme Montréal. « Toute amélioration de la trame urbaine est un plus pour notre destination. »

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Le Palais des congrès de Montréal prévoit agrandir ses installations.

En décembre dernier, le ministre des Finances du Québec a publiquement affirmé que la taille actuelle du Palais des congrès était suffisante, avant que son bureau ne précise que le projet d’agrandissement était toujours à l’étude.

Pendant des années, avant leur expropriation pour 22 millions en 2020, les terrains ont été visés par des réserves foncières de Québec qui ont bloqué leur aménagement. Un projet de tour de 20 étages comprenant 142 logements a notamment été torpillé.

« Travaux de consolidation »

Le Palais des congrès de Montréal, pourtant un organisme public, a refusé toutes les demandes d’entrevue de La Presse sur cette situation. Il a aussi refusé de transmettre les expertises effectuées sur ces bâtiments.

Dans un courriel non signé, on nous a indiqué que ces bâtiments « avaient été laissés à l’abandon depuis plus de 10 ans » avant leur achat en 2020. « Immédiatement, le Palais a demandé que des expertises soient réalisées pour faire un état des lieux, continue la missive. Celles-ci ayant démontré la vétusté de ces bâtiments, le Palais des congrès a promptement entamé les travaux de consolidation requis afin de sécuriser les lieux. »

L’organisme a ajouté qu’il avait procédé à l’installation « d’échafaudages de protection sur la façade », à la « réintroduction de l’électricité pour chauffer les bâtiments durant l’hiver » et à la « consolidation générale des bâtiments ». Le Palais des congrès a ajouté qu’il était conscient qu’un énorme ventre-de-bœuf se développait sur un mur de briques de l’un des immeubles.

« Un incontournable »

L’élu responsable de l’urbanisme au sein de l’administration Plante, Robert Beaudry, représente le district où se trouve cet ensemble de bâtiments.

En entrevue téléphonique, il a dit vouloir connaître « très rapidement » les intentions du gouvernement du Québec quant à l’agrandissement du Palais des congrès « pour travailler une démarche sur ces bâtiments-là ».

Ça va être important pour nous comme administration de nous asseoir avec eux [le Palais des congrès] pour savoir ce qu’est le plan de match.

Robert Beaudry, responsable de l’urbanisme à la Ville de Montréal

Pour Tourisme Montréal, la solution au problème ne fait pas de doute : « Ces bâtiments cesseront de gêner la vue lorsqu’ils seront transformés vers la vocation souhaitée : l’agrandissement du Palais des congrès, a écrit Aurélie de Blois. Pour Tourisme Montréal, c’est un incontournable. Chaque année, la capacité insuffisante du Palais est un obstacle à quelques dizaines d’organisations potentiellement intéressées par Montréal pour y tenir leurs évènements d’affaires. »

« Des éléments très rares »

Robert Beaudry et Dinu Bumbaru ont signalé que malgré leur piètre état, les bâtiments en cause ont tout de même une valeur patrimoniale certaine.

« Il y a des bâtiments, pour certains, qui sont très intéressants. On a eu la chance de visiter celui qui est du côté de la rue Saint-Urbain. L’extérieur a pour l’instant besoin d’un peu d’amour, mais l’intérieur a des éléments très rares des intérieurs du XIXsiècle, a dit M. Bumbaru. Ce ne sont pas juste des façades. »

Il serait franchement déplorable que la solution du Palais des congrès consiste à détruire ces bâtiments, a-t-il ajouté, surtout qu’ils sont situés aux abords de la zone patrimoniale du Vieux-Montréal, qui commence juste de l’autre côté de la rue Saint-Antoine.

Les détruire, « ce n’est pas ça qu’on veut », a-t-il dit. « On ne peut pas jeter des morceaux de ville à terre et mettre du gazon à la place. »

Des chantiers, encore des chantiers

  • Le pont d’étagement Saint-Laurent est en réfection, un chantier qui mine la beauté du Vieux-Montréal.

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Le pont d’étagement Saint-Laurent est en réfection, un chantier qui mine la beauté du Vieux-Montréal.

  • Intersection des rues King et William, à la limite ouest du Vieux-Montréal

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Intersection des rues King et William, à la limite ouest du Vieux-Montréal

  • Chantier sur la rue King, tout près de la rue William

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Chantier sur la rue King, tout près de la rue William

  • Legs retardataire du 375e anniversaire de Montréal, la place des Montréalaises est toujours en chantier.

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Legs retardataire du 375e anniversaire de Montréal, la place des Montréalaises est toujours en chantier.

  • La place des Montréalaises

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    La place des Montréalaises

1/5
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Les bâtiments délabrés ne sont pas les seuls à miner le coup d’œil à l’entrée du Vieux-Montréal. Plusieurs travaux majeurs ceinturent le quartier, dont la réfection du pont d’étagement Saint-Laurent et les chantiers de deux legs retardataires du 375e anniversaire de Montréal célébré en 2017, soit la place des Montréalaises et le square Viger.