Le manque prolongé d’électricité a donné bien des maux de tête aux commerçants et restaurateurs de Montréal, qui enregistrent des pertes pouvant s’élever à des milliers de dollars.

« Je suis angoissé, stressé, ça fait depuis mercredi que je ne dors pas », déplore Guillaume Vaillant, propriétaire de la boulangerie Guillaume, située sur le boulevard Saint-Laurent, près de l’avenue Laurier.

Les réserves étaient faites pour le long week-end de Pâques quand la tempête a frappé mercredi. Le commerce a perdu le courant dès 17 h, et la panne s’est prolongée jusqu’à 15 h vendredi. Entre-temps, les réfrigérateurs se sont réchauffés. Toutes les pâtes pétries ont dû être jetées, déplore le boulanger. Les pertes s’élèvent à 15 000 $ « pour les matières premières », estime-t-il. « Et je ne compte pas les ventes manquées et la main-d’œuvre. Avec ça, je dois être proche de 25 000 $ ! »

Maigre consolation : le courant est revenu juste à temps pour sauver le contenu du congélateur, qui avait atteint - 4 °C. Du moins, c’est ce qu’espère l’artisan. « J’espère ne pas avoir perdu mes croissants en plus, parce que ce serait environ une semaine de production gaspillée. »

Des glaces déglacées

Chez Les Givrés, qui possèdent trois bars laitiers dans les quartiers d’Hochelaga, du Vieux-Rosemont et de Villeray, les pertes sont moins grandes, mais la bataille n’est pas encore gagnée.

En effet, l’endroit où l’entreprise fabrique ses glaces, sur le Plateau Mont-Royal, n’avait toujours pas retrouvé l’électricité en fin de journée vendredi. « Ça fait 48 heures », a souligné le copropriétaire, Alexandre Deslauriers, au bout du fil. « Nos chambres congélateurs sont très bien isolées, et avec la masse des produits congelés, on voit qu’elles gardent leur froid. Mais [samedi] matin, ça va être la limite », estime-t-il.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Les bars laitiers Les Givrés n’ont eu d’autre choix que de fermer boutique tant que dure la panne d’électricité.

Les succursales du Vieux-Rosemont et de Villeray ont déjà passé deux jours sans électricité, donc le contenu des réfrigérateurs sur place est perdu, explique M. Deslauriers. « Jusqu’à présent, on a peut-être perdu 3000 $ par point de vente, calcule-t-il. Mais si je perds la fabrique, je vais être rendu dans les 60 000 $ de pertes. »

Ce n’est pas faute d’avoir voulu installer des génératrices. Les copropriétaires ont réussi à mettre la main sur deux machines, mais l’électricien censé les installer leur a fait faux bond.

L’aventure fait d’ailleurs réfléchir à des façons d’être mieux préparé dans l’avenir. « Mais c’est compliqué, on est à Montréal, au deuxième étage, c’est une question d’espace aussi », réfléchit M. Deslauriers.

Pile au mauvais moment

Pour le restaurant végane TULA, qui vient d’ouvrir ses portes boulevard Saint-Laurent, mère Nature a bien mal choisi son moment avec cette tempête. « On avait tellement de réservations qu’on avait fait beaucoup de mises en place pour les dîners et les soupers de la fin de semaine de Pâques », explique le propriétaire, Abhishek Arun.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Le restaurant végane TULA, sur le boulevard Saint-Laurent

Comme sur le reste du boulevard Saint-Laurent, l’électricité s’est volatilisée mercredi pour revenir en fin de matinée deux jours plus tard. Les réfrigérateurs ont dû être vidés. « C’était vraiment terrible, on a jeté beaucoup de stocks », se désole M. Arun.

Le menu du restaurant comprend des produits frais, comme des légumes, du tofu et de la noix de coco, explique-t-il. « Ce sont des choses qui se gâtent rapidement. Si c’était congelé, ça aurait été correct, mais on ne congèle pas beaucoup ici, on place les choses dans le frigo. »

Dans le chaos, des clients ont décidé d’annuler des réservations, même si l’électricité est revenue. D’autres se sont heurtés à des portes fermées, les propriétaires n’ayant pas pu tenir à jour les réseaux sociaux, leurs appareils électroniques étant déchargés, explique M. Arun. « C’est vraiment triste, surtout qu’on est ouverts depuis seulement un mois. »

La question des indemnisations et d’un meilleur soutien de la part du gouvernement et de la Ville revient dans le discours des trois commerçants.

« ​​Moi, le gouvernement ne va pas me donner un chèque », dénonce Guillaume Vaillant, faisant allusion aux ententes tarifaires entre Hydro-Québec et certaines entreprises. « Mais c’est nous [les petites entreprises] qui créons des emplois, qui payons des impôts. Tant Hydro-Québec que la Ville de Montréal, ils ont augmenté les tarifs et l’impôt foncier. Et ils ne peuvent entretenir les arbres ? C’est complètement incohérent », déplore-t-il.