La Ville de Sainte-Catherine a été contrainte de déplacer le lieu d’une activité de conte destinée aux enfants tenue par la drag queen Barbada, dimanche, en raison d’un rassemblement s’y opposant tenu devant la bibliothèque, sous haute surveillance policière. Des contre-manifestants soutenant la cause LGBtQ+ s’étaient aussi déplacés.

« Nous avons pris la décision de déplacer le lieu du conte pour assurer la sécurité des participants et pour qu’ils puissent profiter de l’activité à laquelle ils s’étaient inscrits », a confirmé la directrice des communications de la municipalité, Amélie Hudon. Le lieu final de l’activité, tenu « secret », a été communiqué à la vingtaine de familles qui s’étaient inscrites.

  • Le militant antivaccin François Amalega-Bitondo (avec le porte-voix) était au nombre des opposants à l’évènement rassemblés dimanche matin.

    PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

    Le militant antivaccin François Amalega-Bitondo (avec le porte-voix) était au nombre des opposants à l’évènement rassemblés dimanche matin.

  • Des patrouilleurs de la Régie intermunicipale de police Roussillon ont assuré une présence pendant la manifestation et la contre-manifestation.

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    Des patrouilleurs de la Régie intermunicipale de police Roussillon ont assuré une présence pendant la manifestation et la contre-manifestation.

  • « Les drag queens dans les bars spécials [sic] comme les danseuses pas dans nos écoles », pouvait-on lire sur l’une des pancartes.

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    « Les drag queens dans les bars spécials [sic] comme les danseuses pas dans nos écoles », pouvait-on lire sur l’une des pancartes.

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Sur les réseaux sociaux, une invitation à protester contre la tenue de l’activité circulait depuis quelques jours. « Les drag queens n’ont pas leur place dans nos écoles. Leur place est dans les établissements 18 ans et plus ! Opposons-nous », lisait-on sur l’affiche, qui a notamment été promue par François Amalega-Bitondo, connu pour son militantisme antivaccin pendant la pandémie.

Plus d’une centaine de personnes – certaines s’opposant à l’activité et d’autres soutenant la cause – se sont déplacées dimanche matin. Des pancartes affichant « laissez les enfants se découvrir par eux-mêmes » ou encore « la culture drag queen n’est pas pour les enfants » ont été vues dans la foule.

Quant à eux, les contre-manifestants ont appelé à éteindre « le fascisme », faisant jouer de la musique et scandant aussi plusieurs slogans. « Le vent de droite ne passera pas », lisait-on sur une pancarte du collectif Montréal Antifasciste, qui s’était rendu sur place pour l’occasion.

Le tout s’est déroulé sous une forte présence policière. Des patrouilleurs de la Régie intermunicipale de police Roussillon séparaient en effet les deux groupes en rangs tout au long du rassemblement. Des agents de la Sûreté du Québec (SQ) ont aussi été appelés en renfort pour entourer les manifestants. Des manifestants en pleine altercation ont dû être maîtrisés par les policiers à l’aide de gaz irritants. Certaines arrestations ont également été réalisées, a pu constater La Presse. La foule s’est finalement dispersée en fin de matinée.

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Un policier réalise une arrestation sous les yeux d’un autre manifestant.

« On trouve ça regrettable »

Amélie Hudon, elle, affirme que la Ville de Sainte-Catherine « a reçu beaucoup plus de commentaires favorables que défavorables », même si la municipalité reconnaît avoir reçu « certains » propos de « mécontentement ». « Sur Facebook, on a eu énormément de commentaires de partout au Québec. Ça s’est passé dans plusieurs types de réseaux », a-t-elle dit, évaluant à « une vingtaine » le nombre de plaintes transmises aux autorités.

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La directrice des communications de la Ville de Sainte-Catherine, Amélie Hudon

« C’était vraiment une activité unique. Nous sommes très fiers d’avoir tenu cette activité qui valorisait la tolérance, la diversité et une société inclusive, exempte de discrimination. On trouve ça regrettable que les gens veuillent troubler un évènement adapté aux enfants. Il y a eu beaucoup de désinformation sur la nature de l’activité », a persisté Mme Hudon.

La Ville affirme qu’elle ne prévoit pas pour le moment d’autres activités avec Barbada. « S’il y avait d’autres heures du conte, que ce soit Barbada ou d’autres invités, c’est sûr que la Ville va suivre de près la situation. On va toujours valoriser la sécurité de ses citoyens de façon prioritaire », a conclu la porte-parole.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

La drag queen Barbada

Les jeunes et la diversité

Pour le directeur général de l’organisme Interligne, Pascal Vaillancourt, il est « inquiétant » que « ces gens-là se fassent entendre de plus en plus fort ». « Ça reste des groupes assez minoritaires, mais l’ampleur de leurs voix sur les réseaux sociaux et dans l’espace public, c’est grandissant. On dirait que depuis la pandémie, les commentaires homophobes ou transphobes sont plus présents », affirme-t-il.

La réalité, poursuit M. Vaillancourt, est que « l’art de la drag s’est beaucoup démocratisé dans les dernières années ». « Les gens qui manifestent contre ça, je pense qu’ils ne connaissent pas du tout ça. C’est un personnage, la drag. C’est de l’art. Et le spectacle qui est fait chez Mado, ce n’est pas le même qui est fait à la bibliothèque. Le but, c’est justement de mettre ces enfants-là en lien avec la diversité », explique-t-il.

« Si les manifestants avaient eu une heure de conte comme ça dans leur jeunesse, je pense qu’on n’en serait pas là », conclut d’ailleurs Pascal Vaillancourt, dont le groupe appelle les gouvernements à « mieux financer les organismes » communautaires qui « font de l’éducation populaire » et qui luttent contre les préjugés à l’égard des communautés LGBTQ+.

Pour l’instant, le service de nuit de la ligne d’écoute LGBTQ+ d’Interligne pourra continuer de fonctionner pour quelque temps, grâce à des dons totalisant 98 000 $. Le service menaçait de fermer le 31 mars.