Les projets du futur Réseau express métropolitain (REM) annoncés sans concertation avec les réseaux de transport existants sont en train de réduire à néant des centaines de millions de dollars d’investissements publics, sans parler des années d’efforts qu’il a fallu pour conquérir des usagers du transport collectif dans un bastion de l’automobile solo : la banlieue nord-est de Montréal.

Dans une lettre ouverte adressée à La Presse*, le directeur général de la société exo, responsable du réseau de trains de banlieue de la métropole, Sylvain Yelle, déplore que dans la réalisation de la première phase du REM, comme dans l’annonce du trajet du futur REM de l’Est, on a fait très peu de cas de l’avenir du train de banlieue de Mascouche. Et encore moins de sa clientèle, ajoute-t-il en entrevue.

« Nos inquiétudes ne concernent pas seulement l’infrastructure ou le matériel roulant qui pourraient devenir sous-utilisés, écrit M. Yelle. Elles sont réellement centrées sur les usagers de cette ligne qui l’ont adoptée depuis 2015 et sur la qualité des services de mobilité qui leur seront offerts. »

« Dans l’état actuel des choses, poursuit-il, la ligne [de train] exo5 Mascouche pourrait être largement abandonnée par les usagers bien avant l’arrivée du REM de l’Est, réduisant à néant une ligne dont l’investissement collectif représente 750 millions de dollars. »

Effondrement

La ligne de train de Mascouche, inaugurée en 2014, emprunte sur une bonne partie de son parcours une infrastructure ferroviaire flambant neuve, dont elle est la seule utilisatrice, et qui sera de moins en moins utilisée. Ce n’était déjà pas la ligne la plus fréquentée du réseau exo, mais elle n’a vécu que quatre ans sans entraves, note M. Yelle.

Dès 2019, les premiers travaux de construction du futur REM ont directement mené à une nette dégradation des services, qui a touché la clientèle. Sans ces travaux, la ligne exo5 aurait probablement dépassé le seuil des 2 millions de passagers cette année-là.

Avec la fermeture définitive du tunnel du mont Royal et son accès rapide vers le centre-ville, puis la pandémie, la fréquentation du train de Mascouche a chuté à moins de 400 000 déplacements en 2020. Et selon les plus récentes données d’exo, en 2021, la ligne a transporté environ 110 000 passagers. Des lignes d’autobus de la Société de transport de Montréal transportent plus de gens que cela en une semaine.

Et ce n’est pas fini

En entrevue, Sylvain Yelle affirme que les dommages aux services offerts par le train de Mascouche sont déjà évidents, peut-être irréparables, et qu’on « n’a pas encore le portrait final, mais on sait que la ligne va vraiment souffrir de la situation actuelle ». Et sa clientèle, encore plus. Un retour à l’affluence d’avant la pandémie serait surprenant.

En attendant l’ouverture de la branche ouest du REM, en 2024, les usagers du train de Mascouche doivent descendre pour une correspondance « peu attrayante » dans le nord de la ville, avec au moins une demi-heure de parcours additionnel à faire pour le centre-ville, en métro ou en autobus.

Or, une analyse dévastatrice du projet du REM de l’Est, révélée par La Presse il y a une semaine, laisse croire à exo que le pire est encore à venir. Le tracé du métro aérien de 10 milliards proposé par la Caisse de dépôt et placement du Québec ferait directement concurrence au train de Mascouche et à la ligne verte du métro de Montréal.

LISEZ « Le REM de l’Est déraille »

Selon l’analyse de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), pas moins de 94 % des usagers quotidiens de ce REM de l’Est… proviendraient des réseaux publics existants.

Les gares de l’Est se vident

En entrevue, le directeur général d’exo assure qu’il n’a pas lu cette étude, qui reste confidentielle malgré la fuite médiatique. Il affirme toutefois avoir pris connaissance de la conclusion la plus importante de l’ARTM du point de vue des opérateurs : le REM de l’Est produira peu de nouveaux usagers des transports collectifs, et ce, « alors qu’on est en train d’abandonner ceux que nous avons déjà ».

Selon exo, les gares du train de Mascouche située dans l’est de Montréal se videraient rapidement de ce qu’il leur reste d’usagers si on réalise le REM de l’Est. Pourquoi prendre un train jusqu’à la station A40 de correspondance du REM, si on peut avoir accès au réseau du REM directement, à quelques pas des gares de trains actuelles ?

« Il ne nous resterait que les trois gares dans la couronne nord de la banlieue à Mascouche, Terrebonne et Repentigny, desservies par un mode lourd de transport en commun de moins en moins performant. Quelle qualité de services on pourrait donner ? On ne peut pas faire de miracles. »

* LISEZ « Et si on parlait des usagers de la ligne Mascouche ? »

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Nombre de gares à l’origine prévues pour le train de Mascouche (train de l’Est). De ce nombre, il en reste 10, dont 3 en banlieue (Mascouche, Terrebonne, Repentigny).

745 millions

Budget original, en 2014, pour le train de Mascouche

53 km

Longueur du tracé original du train de Mascouche