Le maire de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, Luc Rabouin, veut freiner une « deuxième vague d’embourgeoisement » en luttant contre les propriétaires qui expulsent leurs locataires sous le prétexte de « rénovations majeures ». Il voit là un « modèle d’affaires » de plus en plus populaire, qui leur permet d’augmenter leurs revenus en douce.

Depuis son élection, en octobre dernier, Luc Rabouin remarque qu’un « nombre impressionnant de personnes » se plaignent d’être évincées de leur logement par leur propriétaire, sous prétexte que l’unité sera grandement transformée.

« Invoquer une subdivision ou un agrandissement, c’est devenu le cheval de Troie qui permet d’obtenir facilement des évictions, a évoqué Luc Rabouin en entrevue avec La Presse. Mais on se rend compte que les travaux ne se font jamais et que le propriétaire loue à nouveau le logement, mais en doublant le prix. »

« Toutes les catégories sociales »

D’autres arrondissements sont pris eux aussi avec ce problème de « propriétaires mal intentionnés », avance le maire du Plateau-Mont-Royal, qui assistait à une assemblée publique virtuelle sur le sujet, mardi soir.

Alors que le taux d’inoccupation des appartements oscille autour de 1,5 % à Montréal, les arrondissements de Rosemont–La Petite-Patrie, du Sud-Ouest et du Plateau-Mont-Royal ont adopté une motion au cours des derniers mois pour régir la subdivision et la réduction du nombre de logements. Une manière de protéger les locataires qui se font évincer et, aussi, de ne pas diminuer le nombre de logements existants.

« Ceux qui ont décidé d’intervenir, ce sont vraiment les arrondissements des quartiers centraux. Là où le marché immobilier s’est emballé et où des investisseurs ont comme modèle d’affaires d’expulser les locataires pour augmenter leurs revenus », explique M. Rabouin, qui ajoute que les locataires visés sont de « toutes les catégories sociales », allant de familles aux revenus modestes aux professionnels.

« Il est impossible d’établir un portrait fiable des évictions, car la majorité des expulsions se réalise en dehors de tout contrôle judiciaire », peut-on tout de même lire dans un document de l’arrondissement portant sur le règlement d’urbanisme du Plateau. On y précise tout de même que pour la décennie 2010-2020, c’est environ 100 cas d’éviction pour agrandissement ou subdivision qui ont été rapportés au Comité logement du Plateau-Mont-Royal. Et preuve que le phénomène est en augmentation : on recense 50 cas uniquement pour l’année 2019-2020.

Le Plateau a déjà eu une vague d’embourgeoisement. Or, on perçoit une deuxième vague, mais vraiment sévère. Et là, ce ne sont pas juste les gens qui ont des logements pas chers qui se font expulser. On veut freiner cette deuxième vague.

Luc Rabouin

Mardi soir, lors de l’assemblée publique virtuelle à propos de la modification de ce règlement, « plusieurs citoyens ont souligné leur désaccord », a indiqué Gisèle Bourdages, chef de division de l’urbanisme, du patrimoine et des services aux entreprises du Plateau-Mont-Royal. Mais elle a préféré ne pas les lire publiquement étant donné le nombre trop élevé de commentaires et de questions de citoyens.

L’animatrice de la rencontre citoyenne et conseillère d’arrondissement, Marie Plourde, a ajouté que tous les commentaires seraient analysés dans les prochaines semaines pour apporter d’autres modifications au règlement, avant qu’il soit adopté lors d’une prochaine séance du conseil d’arrondissement. « Il n’y a rien qui presse », a-t-elle affirmé.

« Mais attention : on ne réglera pas tous les problèmes avec ce règlement, a lancé en entrevue le maire du Plateau-Mont-Royal en guise d’avertissement. La Régie du logement doit aussi faire sa part dans toute cette histoire. »

Lisez le document du Plateau