La Ville de Montréal a finalement présenté mercredi matin son règlement attendu de longue date sur l'inclusion des logements sociaux, surnommé « 20-20-20 ». D'abord craintifs, les promoteurs immobiliers ont salué les aménagements apportés par l'administration Plante, ce qui permettra de limiter l'impact sur le coût des logements neufs.

Le nouveau « Règlement pour une métropole mixte » exigera à partir de 2021 que les promoteurs incluent 20 % de logements sociaux, 20 % de logements abordables et de 10 à 20 % de logements de familiaux dans leurs projets. Montréal dit ainsi vouloir encourager la construction de 600 logements sociaux, 1000 logements abordables et 500 logements familiaux chaque année. Au passage, la Ville espère aussi récolter 13,7 millions pour acheter des terrains ou afin de subventionner d'autres unités de logement social.

Le projet de règlement ratisse large. Tout projet de 5 unités et plus sera assujetti au volet logements sociaux, alors que la mesure actuellement en vigueur s'applique uniquement pour les projets de 100 unités et plus.

Montréal dit vouloir assurer le caractère accessible des logements sur son territoire par des mesures ciblant les besoins des ménages à faible revenu. « Nous croyons avoir développé un outil qui permettra d'avoir un effet structurant et stimulant dans la construction de logements sociaux, abordables et familiaux, sans compromettre la vitalité et l'abordabilité du marché résidentiel dans son ensemble », a dit Robert Beaudry, responsable du dossier de l'habitation au comité exécutif.

La Ville indique que le règlement sera appliqué avec souplesse, en tenant compte des secteurs géographiques dans son application. Les exigences et les critères varient ainsi selon les quartiers. Par exemple, les exigences pour des logements de 3 chambres sont moindres au centre-ville qu'ailleurs dans la ville. Néanmoins, la Ville estime que le prix des condos va augmenter de 1 à 4 % en raison de l'entrée en vigueur du règlement.

Le règlement fera l'objet de consultation publique en septembre. Il sera adopté au début de 2020. Il entrera en vigueur le 1er janvier 2021.

Première réaction positive des promoteurs

L'un des promoteurs immobiliers les plus influents de Montréal a réagi de façon positive à l'annonce. « On est heureux du chemin parcouru avec la Ville », soutient Laurence Vincent, coprésidente de la société Prével, un promoteur qui se spécialise dans des produits résidentiels accessibles aux premiers acheteurs dans les quartiers centraux.

Selon elle, les fonctionnaires et les élus municipaux ont écouté les doléances des promoteurs, sans toutefois leur donner raison sur toute la ligne.

Avant de prendre connaissance du contenu des grandes lignes du règlement, Mme Vincent craignait pour l'abordabilité du logement à Montréal. Elle salue maintenant la majoration des allocations versées dans le cadre du programme Accès Logis, servant à subventionner la construction de logements sociaux.

L'allocation pour le terrain passe en effet de 12 000 $ la porte à 54 000 $ la porte pour une unité au centre-ville. L'allocation de 12 000 $ était gelée depuis 2009. La Ville accepte de plus d'indexer les montants.

Malgré une première réaction favorable, tout n'est pas parfait pour autant, reconnaît Mme Vincent. Elle et ses pairs comptent d'ailleurs se faire entendre en consultation publique à l'automne.

Autre élément positif, dit-elle, les projets réalisés de plein droit, ceux qui ne nécessitent pas de dérogation au zonage, profitent d'un sursis d'un an avant d'être assujettis au nouveau règlement. « La Ville a entendu les promoteurs pour qui c'était un enjeu, s'est réjouie Mme Vincent. Ils ont besoin de prévisibilité et un an, ça donne de la prévisibilité. »

Toutefois, pour les projets de grande envergure qui se décident plus d'un an en avance, précise Mme Vincent, un délai d'un an avant la mise en vigueur du règlement n'est pas suffisant.

Un surcoût de 3 à 5 %

Au net, cette version du règlement réduit son impact négatif appréhendé sur l'abordabilité des unités de condos. Mandatée par l'Institut de développement urbain (IDU) et le lobby des constructeurs d'habitations, la firme d'experts immobiliers Altus avait calculé au début du processus, quand les détails du règlement restaient inconnus, que le prix des condos au centre-ville risquait d'augmenter de 16 % à la suite de l'adoption du règlement. On évalue que le règlement ferait en sorte que les unités ordinaires subventionneraient les unités sociales ou abordables.

« Nous sommes satisfaits que notre étude préliminaire ait pu contribuer à jeter les bases d'une discussion sur le sujet, dit Vincent Shirley, directeur au Groupe Altus. Maintenant que le cadre du règlement est précisé par la Ville, nos analyses d'impacts démontrent désormais un effet sur les prix variant entre 3 et 5 % des projets de condo type dans les quartiers centraux et le centre-ville. »

Les promoteurs n'obtiennent pas le boni de zonage qu'ils demandaient. L'IDU avait émis publiquement le souhait que les projets de plein droit qui deviennent assujettis à la politique d'inclusion, ce qui n'était pas le cas auparavant, soient compensés par un zonage plus permissif. La Ville n'a pas retenu la suggestion.

Autre déception chez les adeptes de la brique et du mortier, le règlement ne s'applique qu'aux 19 arrondissements de la ville-centre, sans toucher aux villes défusionnées de l'île ni à la proche banlieue. « Il n'y a aucune raison pour qu'on ne soit pas tous sur le même pied. C'est un règlement qui devrait vraiment être métropolisé », croit Mme Vincent.