Le coup de pouce politique du Syndicat des débardeurs et de son vice-président à un confrère du port de Montréal devenu conseiller municipal leur vaut des amendes de 44 000 $.

La preuve découverte par le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) et qui a été utilisée par l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec pour sanctionner le vice-président du syndicat, le mois dernier, est sans équivoque. En octobre 2009 et en avril 2010, le comité exécutif du Syndicat des débardeurs SCFP - section locale 375 a voté des résolutions pour assumer les coûts de la participation des syndiqués à des soirées de financement du parti politique Vision Montréal.

Or, le Syndicat des débardeurs n'a pas la qualité d'électeur en vertu de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités. Cela n'a toutefois pas empêché le syndicat d'appuyer l'ancien collègue de ses membres Mario Blanchet, qui était conseiller d'arrondissement dans Rivières-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles. M. Blanchet n'est plus en poste depuis 2013.

L'enquête du DGEQ a abouti en 2014. Trois constats d'infraction ont ainsi été envoyés au syndicat pour avoir fait du financement illégal (deux contributions de 150 $ et une de 100 $). Les faits reprochés se sont produits entre 2010 et 2012.

Une amende de 500 $ a été imposée pour la première infraction. Mais les deux récidives ont entraîné chacune l'amende maximale, soit 10 000 $. Avec les frais, la facture totalisait donc 25 680 $ ; elle a été entièrement payée par le syndicat.

La Presse a tenté de savoir si les frais d'avocats et les amendes avaient été payés à même les cotisations de l'ensemble des débardeurs. Le Syndicat des débardeurs SCFP - section locale 375 n'a toutefois pas rappelé La Presse. Et une visite au bureau syndical n'a pas permis de rencontrer les responsables. Au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui chapeaute le 375, on a indiqué que la responsabilité du dossier relève uniquement de la section locale.

Acte dérogatoire à l'honneur

Après le règlement du dossier, le rapport d'enquête du DGEQ a permis à l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (CPA) de porter plainte contre Sylvain Charron, qui est à l'origine des contributions financières illégales. M. Charron est vice-président du Syndicat des débardeurs. Au moment des faits, il agissait à titre de secrétaire-trésorier. M. Charron est membre de l'Ordre des comptables généraux accrédités du Québec en plus d'être comptable professionnel agréé.

Le 7 septembre dernier, le conseil de discipline de l'Ordre des CPA a rendu une décision à l'encontre de M. Charron. Après que ce dernier se fut reconnu coupable des trois infractions, il a écopé de trois amendes totalisant 18 000 $.

En formulant une proposition au comité exécutif pour que le syndicat contribue financièrement à Vision Montréal, Sylvain Charron «a commis un acte dérogatoire à l'honneur et à la dignité de la profession».

Devant l'Ordre, M. Charron a affirmé ignorer que ses gestes étaient contraires à la loi. Il a plaidé que la décision syndicale n'a pas été prise «dans l'exercice de sa profession de comptable». Il a également souligné qu'il subissait «un stress continu», car il est «constamment sous enquête».

Selon M. Charron, «son dossier ne doit pas être associé à celui des professionnels ayant été impliqués dans des scandales de financement occulte de partis politiques». Il a dit avoir remboursé le syndicat dès qu'il a été informé de l'irrégularité de sa situation. Rien n'indique toutefois s'il a assumé les amendes ou si elles ont été refilées au syndicat.