Lucy Francineth Granados, qui vit à Montréal depuis neuf ans, devra rester incarcérée jusqu'à sa déportation vers le Guatemala, le 27 mars prochain.

C'est la décision qui a été rendue jeudi par l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) après une audience tenue au Complexe Guy-Favreau. Une soixantaine de manifestants s'étaient d'ailleurs réunis jeudi midi devant l'édifice du boulevard René-Lévesque pour dénoncer l'arrestation de Mme Granados.

Lucy Francineth Granados a été arrêtée mardi matin à son domicile par des agents de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Selon l'organisme Solidarité sans frontières, les agents auraient fait un usage de la force « injustifié » et auraient même blessé Mme Granados au bras pendant son arrestation.

Mme Granados avait refusé de se conformer à un ordre de déportation vers le Guatemala après que sa demande de statut de réfugiée eut été rejetée. Elle a plutôt déposé l'été dernier une demande de résidence permanente pour motifs humanitaires. Solidarité sans frontières soutient qu'un agent de l'ASFC l'aurait menacée de ne pas étudier sa nouvelle demande si elle ne se présentait pas à leurs bureaux afin d'être déportée. 

Il n'a pas été possible d'obtenir des commentaires de l'ASFC ou de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (CISRC).

« Cette menace, ce chantage, c'était illégal de la part d'un agent de l'ASFC », affirme Mery, une bénévole de Solidarité sans frontières présente à la manifestation. Selon l'organisme, Mme Granados était menacée par les Maras, un dangereux gang criminel qui sévit en Amérique latine.

Lucy Francineth Granados a quitté le Guatemala après la mort de son mari il y a une dizaine d'années. Elle a traversé le Mexique à bord du tristement célèbre train La Bestia (La Bête), une ligne de trains de marchandises fréquemment utilisée par les immigrants illégaux. Elle est arrivée à Montréal en 2009. Ses trois enfants vivent avec leur grand-mère au Guatemala. La mère serait le seul soutien financier de la famille.

La présidente de la Fédération des femmes du Québec, Gabrielle Bouchard, était sur place pour se porter garante de Mme Granados devant l'ASFC. Mais selon Viviana Mevina, organisatrice communautaire au Centre des travailleurs immigrants, le tribunal a jugé trop risqué de libérer Mme Granados à quelques jours de son expulsion. « Son avocat m'a dit qu'elle est en état de choc. »

« La détention de Mme Granados a été maintenue pour risque de fuite », signale Véronique Lalime, conseillère en communication à l'ASFR. Une prochaine audience pour réévaluer si elle doit rester détenue ou non est prévue le 29 mars. Cependant, Mme Lalime ne peut confirmer si Mme Granados sera bien expulsée deux jours plus tôt, le 27 mars.

Solidarité sans frontières et le Centre des travailleurs immigrants demandent par ailleurs au ministre fédéral de la Sécurité publique, Ralph Goodale, de suspendre l'expulsion de Mme Granados.

Mais le ministère de la Sécurité publique a refusé de commenter l'affaire, « pour des raisons de vie privée ». Le cabinet du ministre signale toutefois que, selon la loi, lorsque toutes les voies d'appel sont épuisées, « l'ASFC doit exécuter les mesures de renvoi dès que possible ».

Solidarité sans frontières et le Centre des travailleurs immigrants prévoient tenir une manifestation aujourd'hui devant l'hôtel de ville de Montréal pour demander à la mairesse Valérie Plante de prendre la défense de Mme Granados.

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40 000: Il y aurait 40 000 personnes sans statut légal vivant à Montréal, selon les dernières estimations.

Ville sanctuaire: En 2017, le conseil municipal a déclaré que Montréal était une « ville sanctuaire », donc une ville où les sans-papiers peuvent recevoir des services municipaux sans craindre d'être déportés. C'était une belle déclaration, rien d'autre, rappelle MeStéphane Handfield, avocat spécialisé en immigration. Dans les faits, ça ne veut rien dire, ça n'a aucune valeur légale.

Statut de réfugié: Pour qu'une personne obtienne le statut de réfugié, elle doit faire la preuve que sa vie serait personnellement menacée si elle devait retourner dans son pays. Elle doit prouver qu'elle serait persécutée en raison de sa race, de sa religion, de ses idées politiques ou de son orientation sexuelle.