(Montréal) Le déferlement de pluie, d’orages violents et même de tornades survenu jeudi n’est pas un phénomène rare en soi, mais l’ampleur du territoire couvert par l’énorme cellule orageuse étonne.

La cellule est devenue propice à la formation de tornades au sud d’Ottawa, qui en a bel et bien subi une, et les alertes de tornade se sont ensuite déplacées jusqu’à Sainte-Anne-de-la-Pérade, à mi-chemin entre Trois-Rivières et Québec.

En d’autres termes, le rouleau compresseur atmosphérique s’est déplacé sur une distance d’environ 450 kilomètres.

« Très peu fréquent »

« C’est effectivement une très grande zone. C’est très peu fréquent qu’on ait une grande couverture comme ça d’orages aussi bien organisée », reconnaît le météorologue Simon Legault, d’Environnement Canada.

« C’était la même masse orageuse qui se maintenait, qui s’entretenait, qui perpétuait les risques à travers le radar. On voyait la rotation dans le nuage, mais on ne sait jamais si ça touche le sol à partir du radar. »

Un cocktail aux ingrédients précis

Il faut une rencontre de plusieurs phénomènes météorologiques pour obtenir ce genre de cellule, explique son collègue Antoine Petit, également météorologue à l’agence fédérale.

« Le principal ingrédient est un cisaillement du vent. C’est un vent qui va changer de direction et de force à différents niveaux d’altitude.

« Parfois, l’intensité, c’est trop, parfois ce n’est pas assez. Parfois, le changement de direction n’est pas suffisant, parfois il est trop brusque », explique-t-il. Mais quand les conditions de cisaillement sont optimales, c’est à ce moment que peut se former ce qu’on appelle une supercellule.

Mais ce n’est pas tout, précise M. Petit. « Il faut aussi un déclencheur et hier (jeudi) on l’avait : c’était le front froid qui balayait tout le monde et qui arrivait du Midwest américain, qui a traversé les Grands Lacs hier après-midi et qui était assez costaud. »

La table était mise

Le terrain avait été particulièrement bien préparé par une petite pluie le matin et le soleil sorti ensuite qui a déstabilisé la masse d’air en la réchauffant. Avec le cisaillement optimal et l’entrée du front froid, tout y était pour une tempête parfaite.

On pourrait s’étonner que toutes les municipalités aient été prises par surprise, mais il est difficile de se préparer, fait valoir Simon Legault. « On ne peut pas prévoir ça longtemps d’avance, mais on sait à tout le moins que le mois de juillet est propice pour avoir de la chaleur et de l’humidité et des risques d’orages. »

Deux tornades confirmées

Au moins deux tornades sont confirmées jusqu’ici, soit une à Ottawa et une à Mirabel. Dans les secteurs de Vaudreuil et de Sorel-Tracy, « on parle de nuages en entonnoir pour le moment. Ce sont donc des embryons de ce qui pourrait être devenu des tornades », avance Simon Legault. Les expertises viendront déterminer si elles ont touché le sol, critère obligatoire pour confirmer une tornade.

Les experts du projet Northern Tornadoes sont toutefois encore à Ottawa pour analyser les dommages et déterminer la force de cette première tornade. « Ensuite, ils vont venir au Québec. Donc ça peut prendre encore quelques jours, peut-être pas avant la semaine prochaine », indique M. Legault.

Contrairement à ce qui avait été avancé plus tôt dans la journée, ce n’est pas la première fois que Montréal est sous le coup d’une alerte de tornade, affirme Simon Legault. « Selon nos statistiques, c’est la cinquième fois qu’il y a une alerte de tornade qui est lancée pour Montréal. La dernière fois, c’était le 25 mai 2012. Avant ça, c’était en 2009 et en 1999. C’est très peu fréquent et je ne crois pas qu’une tornade ait touché terre sur cette période. »

Vents puissants et pluies diluviennes

À défaut de tornade, tout le corridor affecté a reçu beaucoup de pluie et encaissé de forts vents.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Quelques centimètres de pluie s’accumulaient sur la rue Gauthier, à Montréal.

Au moins 50 millimètres de pluie ont été enregistrés à peu près partout, des niveaux qui ont atteint et dépassé les 80 millimètres à Montréal et à Nicolet, notamment. « Quand on parle de recevoir 80 mm en deux heures, à Montréal, la moyenne est de 90 mm pour un mois de juillet, souligne Simon Legault. Et même si la moyenne est plus près de 100 mm à Québec, on peut dire que c’est presque l’équivalent d’un mois de pluie en peu de temps, en quelques heures. Ce n’est pas pour rien que les systèmes ne peuvent pas supporter autant de pluie. »