L’implantation de la réforme de la consigne sur les contenants de boisson se fera graduellement, envisage maintenant le gouvernement Legault, une perspective qui rassure les détaillants, qui affirmaient qu’une entrée en vigueur complète à une date unique serait un échec.

« C’est une intention sur laquelle on travaille présentement », a confirmé à La Presse le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette.

Québec garde le cap sur la date du 1er novembre pour commencer l’implantation de sa réforme, mais propose maintenant de commencer par les contenants d’aluminium et d’attendre « dans les mois qui vont suivre » pour ajouter les autres matières, comme le plastique, le verre et les contenants multicouches, qui servent par exemple à embouteiller le lait.

« Les appareils [pour récolter les contenants en aluminium] sont déjà en place, sont déjà en mesure de recevoir ces contenants-là. C’est l’étape la plus simple », a expliqué le ministre Charette.

La consigne sur les autres types de contenants suivrait en une ou deux phases supplémentaires, précise le ministre, qui tranchera la question « dans les prochaines semaines » ; les modifications réglementaires requises devront ensuite être adoptées par le Conseil des ministres.

« Il y a eu différents projets pilotes au cours de la dernière année et demie. Il y a des leçons à tirer de ces projets pilotes », a justifié le ministre, disant vouloir éviter qu’un élargissement trop rapide de la consigne se traduise par des ratés.

« On veut surtout éviter une expérience frustrante pour les consommateurs qui auraient de la difficulté à se faire rembourser la consigne payée », dit-il, évoquant notamment des enjeux de logistique importants, pour l’aménagement d’espaces réservés à la récupération des contenants et la mise sur pied de circuits de transport.

On avance de façon très encourageante, mais on va se donner quelques mois de plus dans certains cas pour s’assurer du succès de l’opération.

Benoit Charette

L’élargissement de la consigne à tous les contenants de boisson de 100 millilitres à 2 litres fera doubler le nombre de contenants consignés, qui passeront de 2,5 milliards à 5 milliards par année au Québec.

Son entrée en vigueur était initialement prévue pour l’automne 2022, mais avait été repoussée au 1er novembre 2023.

L’Association des détaillants en alimentation du Québec (ADAQ), qui réclamait un nouveau report au 1er janvier 2025 pour éviter que « le réseau plante » dès le premier jour, accueille favorablement la proposition du ministre.

« On est contents, a déclaré à La Presse son vice-président Stéphane Lacasse. Ça nous donne plus de temps. »

L’ADAQ soutient que la réforme de la consigne est beaucoup plus complexe que celle de la collecte sélective, « dont le système existe déjà », avec des circuits de camions déjà en place, et dont seule la gestion change, détaille M. Lacasse.

« Il faut monter le système », résume-t-il.

Le ministre Benoit Charette prévient toutefois que l’élargissement graduel se fera plus rapidement que ce que souhaitait l’ADAQ : « Ce ne sera pas 2025. »

Des « défis » à surmonter

L’organisme chargé de concevoir et de gérer le nouveau système de consigne, l’Association québécoise de récupération des contenants de boissons (AQRCB), estimait lui aussi qu’un élargissement complet le 1er novembre s’annonçait « compliqué ».

« Il faut tenir compte du fait que les contenants de verre et de plastique apportent certains défis qui n’existent pas dans le système actuel », a expliqué à La Presse son président-directeur général, Normand Bisson.

Le poids beaucoup plus élevé du verre impose une logistique de récupération, d’entreposage et de transport différente, illustre-t-il, tandis que le plastique tend à reprendre sa forme après avoir été compacté.

« Une bouteille de plastique prend environ trois fois le volume d’une canette d’aluminium », indique M. Bisson.

Implanter la réforme par phases est donc « intéressant », affirme M. Bisson, qui y voit une façon de « s’assurer que tout est bien en place et va bien se passer ».

Cette modification est en revanche critiquée par Équiterre, qui y voit un « manque de sérieux ».

« Il y a des lobbys et des producteurs d’emballages qui ont mené des campagnes agressives pour s’opposer à la réforme ; ils ont visiblement eu l’oreille du gouvernement », affirme Amélie Côté, analyste en réduction à la source de l’organisation, qui s’inquiète de l’impact qu’aura cette décision sur la participation citoyenne.

En savoir plus
  • 300 millions
    Nombre supplémentaire annuel de contenants en aluminium qui seront consignés à partir du 1er novembre
    Source : ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs