Un projet de mine d’or est prévu en plein cœur de l’habitat essentiel du caribou forestier, en Abitibi-Témiscamingue. Au moins 14 autres espèces en péril sont présentes sur le site de la mine, qui émettra près de 60 000 tonnes de gaz à effet de serre (GES) par année dès 2026, si elle voit le jour.

« Sur les deux plans, la crise climatique et la crise de la biodiversité, ce projet-là ne répond à aucun besoin. Au contraire, il [les] aggrave », affirme Rodrigue Turgeon, porte-parole de MiningWatch Canada et de la Coalition Québec meilleure mine. « C’est exactement le type de projet qui va à contresens des actions qui doivent être menées. »

Le projet Marban, de la société Minière O3, prévoit l’exploitation de trois fosses à ciel ouvert pendant 10 ans à environ 15 km au nord-ouest de Val-d’Or. Une usine traitera jusqu’à 16 400 tonnes de minerai par jour, et des dizaines de millions de tonnes de résidus miniers seront accumulées sur place.

Le promoteur justifie ce projet par « la hausse des investissements pour les métaux précieux comme l’or depuis 2020 », peut-on lire dans une description initiale préparée par la firme WSP et soumise dans le cadre du processus d’évaluation d’impact environnemental fédéral. Il souligne également les retombées économiques potentielles pour la région, incluant 115 emplois directs et des « revenus fiscaux et fonciers significatifs ».

Or, « le projet Marban est situé dans l’habitat essentiel du caribou forestier de Val-d’Or », indique le même document, précisant que « les aires protégées provinciales pour le caribou ne couvrent pas le site » de la future mine, bien qu’il s’agisse d’une population en péril et protégée au Québec et au Canada.

Quatorze autres espèces en péril

Sept espèces d’oiseaux, cinq espèces de chauves-souris, une espèce de tortue et une espèce de plante en péril ont aussi été observées sur le site. Elles ont toutes un statut particulier, soit en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP), au fédéral, de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables (LEMV), au provincial, ou des deux. Leur statut va du moins grave « susceptible d’être désignée » en vertu de la LEMV jusqu’à « en voie de disparition », la désignation la plus critique avant l’extinction locale prévue dans la LEP.

D’autres espèces en péril pourraient être présentes, bien qu’elles n’aient pas été observées sur le site, puisque des habitats potentiels s’y trouvent ou qu’elles ont été trouvées à proximité, incluant sept autres espèces d’oiseaux, une espèce de couleuvre et deux espèces de salamandres.

Selon Myrzah Tavares Bello, vice-présidente au développement durable de Minière O3, il est trop tôt dans le processus pour préciser les effets que la mine aura sur ces espèces et les mesures de mitigation à mettre en place.

Émissions de GES et de gaz toxiques

La mine émettra environ 59 025 tonnes en équivalent dioxyde de carbone de GES par année d’exploitation, indique WSP. Selon les calculs d’un outil en ligne de l’Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis, cela représente autant de GES que l’ajout de 12 718 véhicules à essence sur les routes.

Le promoteur précise que « la réalisation du projet n’engendrera pas la réduction ni l’élimination d’émissions de GES ailleurs au Canada », mais plaide que la transition énergétique apportera « une demande croissante [pour] de l’or ».

Mme Tavares Bello explique que le portrait des émissions de GES pourrait être amené à changer, et que la minière mène des « études d’optimisation » afin de réduire son empreinte carbone, entre autres.

En plus des GES, la mine émettra du dioxyde d’azote et du dioxyde de soufre, deux gaz toxiques pouvant causer des problèmes respiratoires et des pluies acides, selon l’EPA.

« Un plan de gestion de la qualité de l’air et du contrôle des poussières sera établi dans une phase ultérieure du projet », indique la description initiale.

Ces émissions, en plus des poussières et des possibilités de contamination de l’environnement par des métaux lourds issus des résidus miniers, inquiètent M. Turgeon, de MiningWatch Canada. Il souligne que des habitants du quartier Dubuisson de Val-d’Or vivent à « 1 km à peine » du site projeté, dans une zone où se trouvent déjà d’autres mines importantes, comme celle de Canadian Malartic.

Mme Tavares Bello confirme la présence de résidants à proximité, mais assure « qu’on va développer le tout pour ne pas avoir des risques à la santé de ces personnes-là, et pour mitiger les nuisances » de la future mine. La vice-présidente souligne que la minière a entamé des consultations il y a « à peu près deux ans » et qu’elle intègre déjà les commentaires des résidants dans ses plans.

En attente de réponses

La Presse a envoyé le 22 décembre une série de questions sur le projet Marban, ses effets potentiels et les mesures de mitigation envisagées aux cabinets des ministres de l’Environnement provincial et fédéral, de même qu’à l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC) et au ministère de l’Environnement du Québec (le projet fait aussi l’objet d’une évaluation provinciale). Aucun de ces organismes n’avait répondu à nos questions en date du 27 décembre.

La Ville de Val-d’Or, dans un commentaire soumis la semaine dernière à l’AEIC, fait part de ses préoccupations par rapport au projet, notamment en ce qui concerne les impacts sur la faune, la qualité de l’eau et la valeur foncière des propriétés à proximité.

« Il nous semble invraisemblable d’autoriser des projets miniers dont la faisabilité dépend uniquement de la destruction d’écosystèmes naturels de grande valeur, écrit la Ville, surtout à la suite de la COP 15. »

Les 15 espèces en péril présentes sur le site du projet de mine
  • Le caribou, population boréale (Rangifer tarandus)

    PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

    Le caribou, population boréale (Rangifer tarandus)

  • Le pygargue à tête blanche (Haliaeetus leucocephalus)

    PHOTO WIKIPEDIA COMMONS

    Le pygargue à tête blanche (Haliaeetus leucocephalus)

  • Le gros-bec errant (Coccothraustes vespertinus)

    PHOTO WIKIPEDIA COMMONS

    Le gros-bec errant (Coccothraustes vespertinus)

  • Le quiscale rouilleux (Euphagus carolinus)

    PHOTO WIKIPEDIA COMMONS

    Le quiscale rouilleux (Euphagus carolinus)

  • L’hirondelle de rivage (Riparia riparia)

    PHOTO WIKIPEDIA COMMONS

    L’hirondelle de rivage (Riparia riparia)

  • L’hirondelle rustique (Hirundo rustica)

    PHOTO WIKIPEDIA COMMONS

    L’hirondelle rustique (Hirundo rustica)

  • L’engoulevent d’Amérique (Chordeiles minor)

    PHOTO WIKIPEDIA COMMONS

    L’engoulevent d’Amérique (Chordeiles minor)

  • La paruline du Canada (Wilsonia canadensis)

    PHOTO WIKIPEDIA COMMONS

    La paruline du Canada (Wilsonia canadensis)

  • La chauve-souris cendrée (Lasiurus cinereus)

    PHOTO WIKIPEDIA COMMONS

    La chauve-souris cendrée (Lasiurus cinereus)

  • La chauve-souris rousse (Lasiurus borealis)

    PHOTO WIKIPEDIA COMMONS

    La chauve-souris rousse (Lasiurus borealis)

  • La chauve-souris argentée (Lasionycteris noctivagans)

    PHOTO WIKIPEDIA COMMONS

    La chauve-souris argentée (Lasionycteris noctivagans)

  • La petite chauve-souris brune (Myotis lucifugus)

    PHOTO PICASA, WIKIPEDIA COMMONS

    La petite chauve-souris brune (Myotis lucifugus)

  • La chauve-souris nordique (Myotis septentrionalis)

    PHOTO JOMEGAT, WIKIPEDIA COMMONS

    La chauve-souris nordique (Myotis septentrionalis)

  • La tortue serpentine (Chelydra serpentina)

    PHOTO WIKIPEDIA COMMONS

    La tortue serpentine (Chelydra serpentina)

  • La fougère-autruche (Matteuccia struthiopteris var. pensylvanica)

    PHOTO WIKIPEDIA COMMONS

    La fougère-autruche (Matteuccia struthiopteris var. pensylvanica)

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Liste des espèces en péril dont la présence est confirmée sur le site :

  • Le caribou, population boréale (Rangifer tarandus)
  • Le pygargue à tête blanche (Haliaeetus leucocephalus)
  • Le gros-bec errant (Coccothraustes vespertinus)
  • Le quiscale rouilleux (Euphagus carolinus)
  • L’hirondelle de rivage (Riparia riparia)
  • L’hirondelle rustique (Hirundo rustica)
  • L’engoulevent d’Amérique (Chordeiles minor)
  • La paruline du Canada (Wilsonia canadensis)
  • La chauve-souris cendrée (Lasiurus cinereus)
  • La chauve-souris rousse (Lasiurus borealis)
  • La chauve-souris argentée (Lasionycteris noctivagans)
  • La petite chauve-souris brune (Myotis lucifugus)
  • La chauve-souris nordique (Myotis septentrionalis)
  • La tortue serpentine (Chelydra serpentina)
  • La matteuccie fougère-à-l’autruche (Matteuccia struthiopteris)