L’Amérique du Nord a généré 10 % de toutes les émissions de méthane dans le monde cette année, calcule la firme montréalaise GHGSat, dont les satellites traquent ce gaz particulièrement nocif pour le climat.

Le continent nord-américain se classe ainsi en troisième position des régions les plus émettrices de méthane en 2022, derrière l’Asie centrale, à 38 %, et l’Asie de l’Est, à 26 %.

Suivent le Moyen-Orient (8 %), puis l’Europe et l’Afrique, ex æquo à 6 %, révèlent les données de l’entreprise, dévoilées en marge de la 27e conférence des Nations unies sur le climat (COP27), qui se tient à Charm el-Cheikh, en Égypte.

Le méthane (CH4), qui a un effet sur le réchauffement climatique 86 fois plus puissant que le dioxyde de carbone (CO2) sur une période de 20 ans, représente 17 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) d’origine humaine, mais est responsable d’environ 30 % du réchauffement de la planète depuis l’ère préindustrielle.

Il est l’objet d’efforts ciblés de réduction de ses émissions, particulièrement depuis l’adoption l’an dernier, à la COP26 à Glasgow, de l’Engagement mondial sur le méthane, par lequel les pays signataires – 130 à ce jour – conviennent de réduire les émissions mondiales de méthane de 30 % d’ici 2030 par rapport à leur niveau de 2020.

Une telle réduction pourrait diminuer de 0,2 °C le réchauffement planétaire d’ici 2050.

Énergies fossiles

Pas moins de 85 % des émissions de méthane mesurées en 2022 par GHGSat proviennent du secteur des énergies fossiles, particulièrement en Asie.

Le Turkménistan est « de très, très loin le pays où l’on voit le plus d’émissions » dans le sous-secteur du pétrole et du gaz, a indiqué Jean-François Gauthier, vice-président responsable des mesures et initiatives stratégiques de GHGSat, dans un entretien avec La Presse.

Ces émissions sont fréquemment attribuables à des torchères dysfonctionnelles qui ne brûlent pas ou pas complètement le méthane émis lors de l’extraction de pétrole.

« C’est souvent de l’équipement russe d’époque qui n’a pas été entretenu », explique M. Gauthier, précisant que GHGSat a identifié de 80 à 90 sites au Turkménistan qui émettent continuellement de grandes quantités de méthane.

Dans le sous-secteur du charbon, dont l’extraction libère aussi de grandes quantités de méthane, la Chine, la Russie et le Kazakhstan sont les pays qui ont généré le plus d’émissions dans la dernière année.

Mais les États-Unis ne sont pas en reste ; GHGSat a, par exemple, repéré dimanche soir une fuite de méthane à un taux de 0,44 tonne par heure à San Juan, au Nouveau-Mexique.

Ordures ménagères

Les sites d’enfouissement d’ordures ménagères ont généré pour leur part 14 % des émissions de méthane de 2022.

C’est beaucoup moins que le secteur des énergies fossiles, car il y a moins de dépotoirs que de sites liés à l’industrie fossile, explique M. Gauthier, mais cette donnée en cache une autre : le taux moyen d’émissions de méthane des sites d’enfouissement mesuré en 2022 était de 3,6 tonnes par heure, ce qui est deux fois plus que toute autre industrie.

En Argentine, il y a un dépotoir qui est l’un des sites les plus prolifiques au monde en termes d’émissions de méthane. Ce sont des dizaines et des dizaines de tonnes à l’heure.

Jean-François Gauthier, vice-président responsable des mesures et initiatives stratégiques de GHGSat

GHGSat a aussi repéré dans la dernière semaine des émissions de méthane à 2,7 tonnes par heure provenant d’un site au Pakistan et à 1,3 tonne par heure provenant d’un autre en Inde.

Ces exemples démontrent que les émissions de biogaz des sites d’enfouissement ne sont pas captées partout, comme cela se fait à certains endroits au Québec, indique M. Gauthier.

« Et souvent, certains de ces dépotoirs sont immenses », dit-il.

Nouveaux satellites

Avec trois nouveaux satellites lancés en 2022, GHGSat en a maintenant six à sa disposition pour mesurer les émissions de méthane dans le monde ; elle prévoit en lancer quatre autres en 2023.

L’entreprise identifie le méthane en mesurant l’absorption de la lumière du soleil par les gaz présents dans l’atmosphère.

« C’est comme une empreinte digitale, illustre Jean-François Gauthier. C’est tellement précis. »

Ses satellites ont permis de détecter davantage d’émissions de méthane, dont plusieurs ont fait les manchettes, comme la plus importante fuite de l’année dans le monde, observée à la mine de charbon de Raspadskaya, en Russie, avec un taux mesuré de 87 tonnes de méthane par heure.

PHOTO VIKTOR DRACHEV, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

La mine de charbon de Raspadskaya, en Russie, en 2010

Ils ont aussi permis de mesurer l’intensité des fuites provoquées par le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2, en mer Baltique, construits pour acheminer le gaz russe en Europe.

GHGSat lance ce mercredi à la COP27 sa nouvelle plateforme de données sur les émissions de méthane à l’intention des entreprises du secteur de l’énergie, des mines, de l’agriculture ou de la gestion des ordures ménagères en présence de Pierre Fitzgibbon, ministre québécois de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie.

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  • 0,8 tonne/heure
    Fuite de méthane mesurée le 6 novembre dans une installation iranienne du secteur pétrogazier
    source : GHGSat