(Ottawa ) Le Canada doit de toute urgence accorder une plus large place au dossier des changements climatiques dans la conduite de sa diplomatie à l’étranger, comme le font déjà les autres pays du G7.

Tel est le plaidoyer que fait l’ancienne ambassadrice du Canada pour les changements climatiques Patricia Fuller, dans un rapport qui sera publié mardi par l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa.

Un tel coup de barre s’impose tandis que le Canada souffre d’un déficit de crédibilité certain à l’étranger. Même s’il a adopté des politiques plus ambitieuses en matière de lutte contre les changements climatiques, le Canada n’a pas réussi à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d’une manière significative au cours des dernières années, contrairement à la majorité des autres pays du G7, lit-on dans le rapport, intitulé « Le changement climatique et l’engagement international du Canada ».

Mme Fuller, qui est l’auteure principale du rapport et qui a eu une longue carrière au sein de la diplomatie canadienne en plus de travailler sur la politique de tarification du carbone du gouvernement Trudeau, plaide ainsi pour que le ministère des Affaires étrangères mette davantage l’accent sur les questions liées aux changements climatiques dans l’élaboration de ses politiques.

Elle souligne d’ailleurs que des alliés du Canada ont des envoyés pour le climat qui relèvent des Affaires étrangères. C’est le cas notamment des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni. L’Allemagne est allée plus loin en confiant la direction des travaux internationaux sur les changements climatiques au ministère des Affaires étrangères.

Au Canada, cet émissaire relève du ministère fédéral de l’Environnement. Pis encore, la division Climat et énergie du ministère des Affaires étrangères a été supprimée à la suite de compressions budgétaires imposées par l’ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper au milieu des années 2000.

Un autre voyant rouge apparaît sur le tableau de bord : l’accès aux marchés est susceptible d’être de plus en plus lié aux politiques climatiques. À titre d’exemple, l’Union européenne est en train d’élaborer son mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Cette taxe devrait s’appliquer aux entreprises situées dans des pays n’ayant pas réduit leurs GES.

« La priorité accordée aux changements climatiques par nos partenaires internationaux continuera de croître, non seulement chez nos partenaires du G7 qui mettent en œuvre des politiques ambitieuses, mais aussi chez des pays vulnérables du Sud qui subissent les pires effets du changement climatique. Notre influence et notre capacité à faire avancer nos intérêts au niveau mondial seront affectées, de manière négative ou positive, par la perception de notre contribution à la tâche », affirme Patricia Fuller dans le rapport.

Le partage du fardeau de la réponse aux changements climatiques, tant en ce qui concerne la réduction des émissions que le soutien à l’adaptation dans les pays en développement, sera un facteur de plus en plus important dans les relations internationales.

Patricia Fuller, dans le rapport « Le changement climatique et l’engagement international du Canada »

D’anciens mandarins fédéraux tels que Daniel Jean, Ruth Archibald, Kerry Buck, Masud Husain et John McNee ont contribué à la rédaction du rapport dans lequel on accouche de quelques recommandations. Entre autres choses, on propose de créer un réseau climat, environnement et énergie dans toutes les missions diplomatiques à l’étranger, comme l’a fait le Royaume-Uni, pour mieux expliquer les mesures adoptées par le Canada pour lutter contre les changements climatiques et analyser les programmes des pays qui pourraient avoir des retombées au Canada. On recommande aussi d’analyser les politiques et les activités diplomatiques du Canada à travers le prisme des changements climatiques et de l’énergie.

La Presse a obtenu une copie de ce rapport qui sera publié au moment où la 27e Conférence annuelle des Nations unies sur les changements climatiques (COP27) se déroule à Charm el-Cheikh, en Égypte. Le premier ministre Justin Trudeau ne participera pas à la conférence. Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, dirige la délégation canadienne.

PHOTO AHMAD GHARABLI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le chancelier allemand Olaf Scholz livre un discours lors de la COP27 à Charm el-Cheikh, en Égypte

La crise climatique qui se fait déjà sentir aura des conséquences profondes sur l’ordre mondial, soutient-on dans le rapport. Les vagues de chaleur meurtrières, les inondations soudaines, les sécheresses prolongées et la hausse du niveau de la mer provoqueront de plus en plus de pertes humaines. Ces évènements vont entraîner le déplacement forcé de millions de personnes.

Et pour que le Canada soit en mesure d’y répondre d’une manière efficace et ordonnée, il importe d’accorder au ministère des Affaires étrangères les outils adéquats.

« Qu’il s’agisse de crises humanitaires liées au climat, de déplacements de populations, de l’insécurité alimentaire croissante ou des changements de pouvoir économique liés à la transition énergétique, l’importance d’une approche stratégique canadienne face à ces défis […] n’a jamais été aussi grande », soutient-on dans le rapport.