Situé dans l’ouest de l’Antarctique, le glacier Thwaites, un géant de glace dont la taille dépasse celle de la Floride, fond deux fois plus rapidement que prévu. Or, le rattachement de ce glacier dit « de la fin du monde » au reste du continent tient à peu de choses et pourrait dans l’avenir devenir une menace pour les populations côtières.

Une étude publiée plus tôt cette semaine dans la revue Nature Geoscience indique que le glacier de près de 120 kilomètres recule à une vitesse de 2,1 km par an, soit deux fois plus vite que les précédentes prédictions faites entre 2011 et 2019. Des mesures réalisées grâce à des véhicules robotisés munis de capteurs et dont les données sont retransmises par satellite aux chercheurs ont permis d’en arriver à cette conclusion.

La portion du glacier qui est rendue à la mer et qui flotte (ce qu’on appelle la plateforme) menace sérieusement de se détacher dans les prochaines années ou décennies. Or, un tel scénario risque d’affaiblir et de rendre plus instable le reste du glacier.

« Thwaites tient par le bout de ses ongles et nous devrions nous attendre à de grands changements dans une courte période de temps lorsque le glacier se sera retiré au-delà d’une crête peu profonde dans son lit », a déclaré Robert Larter, scientifique britannique et coauteur de l’étude, dans une entrevue avec le Washington Post.

Plus près de nous, Michel Lamothe, professeur au département des sciences de la Terre et de l’atmosphère à l’Université du Québec à Montréal, rappelle que le glacier Thwaites est sous étroite surveillance depuis un bon moment par les géologues et glaciologues. Et qu’il n’est pas un cas unique.

Tout un secteur de la péninsule qu’on appelle la calotte antarctique ouest est concerné. Il y a, dans cette grande baie, une famille de glaciers, tels le Thwaites et le Pines, qui sont extrêmement instables. Nous avons envers ces formations des craintes qui sont réelles.

Michel Lamothe, professeur au département des sciences de la Terre et de l’atmosphère à l’Université du Québec à Montréal

Hausse du niveau de la mer

Des craintes ? Oui, dans le sens qu’une fonte, dislocation, voire disparition de ces glaciers, en tout ou en partie, pourrait se traduire par une importante hausse du niveau de la mer. « Si le glacier Thwaites en venait à s’effondrer entièrement, le niveau de la mer monterait de 65 centimètres », lit-on sur le site thwaitesglacier.com, géré par un regroupement scientifique international.

D’autres sources comme la fonte du Groenland et l’expansion thermique de l’eau (plus elle est chaude et plus elle occupe de l’espace) sont aussi responsables de la hausse du niveau de la mer. Une récente étude de glaciologues estime que le réchauffement actuel de la planète entraînera une perte de 3,3 % de la calotte du Groenland et une montée de 27,4 cm des eaux.

À plus long terme, bon nombre de scientifiques évoquent une hausse de 1 à 3 mètres du niveau de la mer. Cela affecterait 40 % de la population mondiale, qui vit à moins de 100 km des côtes.

Rappelons aussi que dans une étude publiée la semaine dernière, la revue Science incluait la fonte de la calotte glaciaire et celle de l’Antarctique ouest dans les cinq points de bascule les plus rapprochés dans le temps qui vont se traduire par de graves perturbations climatiques.

Au fait, qu’est-ce qui fait ainsi reculer le glacier Thwaites et ses voisins en Antarctique ? L’eau qui les borde.

« L’impact climatique le plus important pour la calotte antarctique est le réchauffement de l’eau de mer autour des plateformes », note Michel Lamothe.

Depuis l’an 2000, le Thwaites a perdu 1000 milliards de tonnes de glace et il a contribué à lui seul à 4 % de la montée des eaux sur la planète.

Avec The Washington Post et thwaitesglacier.org