Des citoyens dénoncent la coupe d’un vaste terrain « riche en biodiversité » par Aéroports de Montréal.

Un terrain en friche de la superficie de 10 terrains de football où se trouvaient, selon un groupe citoyen, 4000 plants d’asclépiades qui servent de nourriture aux papillons monarques, une espèce en déclin, a été coupé récemment par Aéroports de Montréal (ADM), locataire des terrains.

« C’est un endroit riche en biodiversité : il y a des plantes dont certaines atteignaient 3 mètres, des arbustes, des renards, des coyotes, des lapins, on a recensé plus de 150 espèces d’oiseaux qui nichent là, note Benoît Gravel, ornithologue amateur et membre du groupe citoyen Technoparc Oiseaux. C’est un endroit exceptionnel, et chez nous, c’est l’incompréhension de voir qu’il a été fauché. »

M. Gravel s’explique mal que l’endroit, appelé informellement « champ des monarques » et intouché depuis 2012, ait été coupé maintenant. C’est en visitant les lieux le 24 juin qu’une membre de Technoparc Oiseaux a réalisé qu’il avait été coupé.

PHOTO FOURNIE PAR TECHNOPARC OISEAUX

Le « champ des monarques » avant la coupe

« Beaucoup d’oiseaux nichent au sol ici, dit M. Gravel. J’ai personnellement retrouvé trois nids d’oiseau au sol qui ont été fauchés, on voit qu’il restait des plumes. À ce temps-ci de l’année, les oiseaux sont juvéniles, ils ne volent pas encore. On pense qu’il y a énormément d’oiseaux qui sont morts, mais leurs faucheuses ont tout ramassé. Ils n’ont rien laissé sur place. »

C’est le gouvernement fédéral qui est propriétaire des terrains, qui sont loués à ADM. Les terrains sont de zonage industriel : l’an dernier, la société Medicom voulait y construire une usine pour y fabriquer des masques médicaux, avant de renoncer au projet.

Fauché malgré les mobilisations

En entrevue, Alexandre Boulerice, député fédéral de Rosemont–La Petite-Patrie et chef adjoint du Nouveau Parti démocratique, dit être « consterné » de voir que ces milieux ont été fauchés.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Alexandre Boulerice, député fédéral de Rosemont–La Petite-Patrie et chef adjoint du Nouveau Parti démocratique

« Ça fait des mois qu’on est intervenus, j’ai été manifester sur place, j’ai écrit une lettre au ministre des Transports, Omar Alghabra, et au ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault… »

Le gouvernement fédéral est propriétaire du terrain et a une responsabilité de conservation de ce milieu humide avec une grande diversité biologique, mais il ne bouge pas, il s’en lave les mains et dit qu’il a un bail avec ADM.

Alexandre Boulerice, député fédéral de Rosemont–La Petite-Patrie et chef adjoint du Nouveau Parti démocratique

M. Boulerice note que des monarques et la grive des bois sont présents sur les terrains, qui, dans leur totalité, forment un espace aussi grand que le mont Royal, dit-il.

« Il n’y a pas beaucoup de milieux naturels aussi vastes qui sont en friche sur l’île. Quand M. Guilbeault se vante des actions de son gouvernement pour la biodiversité, et d’avoir la conférence internationale à l’automne, eh bien, dans notre cour, on a un enjeu sur lequel on aurait dû agir. Ce saccage aurait dû être évité. »

PHOTO FOURNIE PAR TECHNOPARC OISEAUX

Des urubus dans le « champ des monarques » après la coupe

M. Boulerice dit souhaiter que Transports Canada et le ministère fédéral de l’Environnement et du Changement climatique modifient le bail d’ADM pour y inclure la protection intégrale des terrains.

Des procédures « normales d’entretien »

Éric Forest, conseiller aux communications corporatives d’Aéroports de Montréal (ADM), note que le terrain en question est une terre en friche où était situé jadis un golf.

« Il y a deux semaines, l’équipe d’entretien d’ADM a procédé à la tonte du gazon sur une section du site aéroportuaire, notamment en raison de la présence d’herbe à poux et d’herbes longues, qui constituent des nuisances. Nos équipes n’ont certainement pas « rasé » le terrain, tel qu’allégué par certains groupes, mais ont procédé à une coupe comme il est standard de le faire dans le cadre des opérations normales d’entretien du site aéroportuaire. »

Aucune espèce sensible, aucun habitat sensible ou aucune zone protégée n’est présent dans ce secteur, dit-il.

Il n’y a pas de « champs de monarques » à cet endroit précis. La situation géographique du site, son historique et la faible présence d’asclépiades ne revêtent aucun attribut d’habitat essentiel.

Éric Forest, conseiller aux communications corporatives d’ADM

« D’ailleurs, aucun signalement de monarque n’a été fait à cet endroit sur le site de Mission monarque en 2022 », renchérit M. Forest.

PHOTO FOURNIE PAR TECHNOPARC OISEAUX

Le « champ des monarques » après la coupe

En 2019, ADM a pris l’engagement de préserver et de protéger les terrains à haute valeur écologique et a créé le parc écologique des Sources. « Inauguré en avril 2021, le parc écologique des Sources à YUL permet à tous les Montréalais de bénéficier d’un parc écologique couvrant près de 2 millions de pieds carrés, au nord du site aéroportuaire de YUL, et qui représente un lieu unique pour l’observation des oiseaux et de la faune. Il s’agit d’un milieu à valeur écologique élevée, qu’ADM s’est engagée à protéger et à mettre en valeur au bénéfice de la communauté. »

Tout projet de construction réalisé sur les terrains du site aéroportuaire est notamment sujet à la réalisation d’une évaluation des effets environnementaux, conformément à la législation en vigueur, note-t-il.