Le néonicotinoïde imidaclopride, un pesticide interdit en Europe depuis 2018, continuera d’être permis au Canada à certaines conditions, a annoncé mercredi le gouvernement fédéral. Ottawa avait pourtant annoncé son intention de l’interdire il y a trois ans en raison de ses risques pour les organismes aquatiques.

« Santé Canada a conclu qu’une interdiction complète du pesticide imidaclopride n’est pas justifiée », a déclaré le directeur général des évaluations environnementales de l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA), Scott Kirby, au cours d’une conférence téléphonique.

L’évaluation de Santé Canada indique que lorsqu’elles sont assorties de mesures additionnelles d’atténuation des risques, la plupart des utilisations de produits contenant de l’imidaclopride sont conformes aux normes actuelles de protection de la santé humaine et de l’environnement. Ottawa a donc établi des « restrictions supplémentaires » qui entreront en vigueur d’ici deux ans.

La décision porte sur un des trois types de néonicotinoïdes homologués à des fins agricoles au pays : l’imidaclopride. Une décision similaire a été adoptée pour le clothianidine et le thiaméthoxame le 31 mars dernier.

« La décision s’harmonise presque parfaitement avec les deux autres néonicotinoïdes qui a été rendue il y a quelques semaines, mais je suis quand même étonnée », affirme Louise Hénault-Ethier, directrice du Centre Eau Terre Environnement et professeure associée à l’Institut national de la recherche scientifique. Elle s’attendait à une décision plus sévère pour ce troisième type de néonicotinoïdes, puisqu’il est en usage depuis plus longtemps au Canada.

Néfastes pour les organismes aquatiques

L’ARLA, qui relève de Santé Canada, avait annoncé en 2018 son intention d’interdire les usages extérieurs des néonicotinoïdes en raison de leurs risques sur les organismes aquatiques. De plus, son utilisation serait en partie responsable de la chute des populations d’abeilles et d’insectes pollinisateurs.

Les néonicotinoïdes sont des insecticides solubles dans l’eau et très persistants dans l’environnement. Ils vont avoir une bonne mobilité pour passer des champs agricoles pour se retrouver dans les cours d’eau.

Louise Hénault-Ethier, directrice du Centre Eau Terre Environnement

Les néonicotinoïdes sont interdits en Europe depuis 2018. Seule l’utilisation en serre demeure permise. La France a également interdit tous les pesticides qui agissent comme des néonicotinoïdes, empêchant l’industrie de remplacer ces pesticides par d’autres produits ayant des conséquences similaires.

Nouvelles restrictions

Les nouvelles mesures pour l’utilisation de l’imidaclopride comprennent l’affichage sur les étiquettes des directives, dont une réduction du taux d’application et du nombre d’applications. L’équipement de protection individuelle pour l’application de traitements de semences sera modifié, et des zones tampons lors de la pulvérisation devront être respectées.

« C’est comme si Santé Canada se déresponsabilisait en disant que ce qui est marqué sur l’étiquette fait office de prescription de la loi. Mais ce n’est pas tout le monde qui lit ce qui est écrit sur l’étiquette, surtout pour un produit qu’ils sont habitués d’utiliser », affirme Mme Hénault-Ethier.

Les conditions d’utilisation doivent être indiquées sur toutes les étiquettes des produits d’ici 24 mois. « Les gens ont deux ans pour se conformer à leur réévaluation. C’est complètement ridicule », s’indigne à son tour la deuxième vice-présidente du syndicat des apiculteurs et apicultrices commerciaux du Québec, Julie Fontaine.

Certaines utilisations de l’imidaclopride seront éliminées pour réduire les risques préoccupants pour l’environnement.

Les pesticides néonicotinoïdes

Les pesticides de la classe des néonicotinoïdes sont utilisés pour protéger des cultures agricoles contre divers insectes. L’application de l’imidaclopride se fait communément au moyen d’équipement au sol, d’équipement aérien, d’équipement de traitement des semences, d’injections dans les arbres, de points d’appât et de traitements localisés des animaux de compagnie.

Les pesticides néonicotinoïdes sont utilisés dans le domaine de l’agriculture sur une grande variété de cultures depuis les années 1990. Au Québec, les trois néonicotinoïdes autorisés au Canada sont maintenant « sous prescriptions agronomiques ». Ils ne peuvent donc être utilisés qu’avec l’accord d’un agronome.

« Une chance que le gouvernement du Québec a légiféré pour rendre ces produits-là sous prescription. Le Québec est des années-lumière en avant du Canada. Le Canada devrait nous regarder aller », s’exclame Mme Fontaine.