(Montréal) Les températures suffocantes de la dernière semaine ont une fois de plus démontré les effets multiplicateurs des îlots de chaleur dans les centres urbains. Afin de contrer ce phénomène aux conséquences mortelles, Québec solidaire réclame une politique réservant 1 % des investissements en infrastructures publiques à des projets de verdissement.

« Le gouvernement nous a dit qu’il était prêt à accélérer ses investissements en infrastructures pour relancer l’économie du Québec. Nous, on dit “OK, mais fais-le intelligemment” et ça passe par le 1 % du verdissement », réclame la porte-parole de QS, Manon Massé.

Il suffit de marcher quelques minutes dans la rue avant de se réfugier sous la canopée d’un parc pour comprendre instantanément l’avantage d’un couvert feuillu à l’intérieur des zones urbaines. Selon la définition d’îlot de chaleur de l’Institut national de la santé publique (INSPQ), ces lieux où l’asphalte et le béton ont chassé la verdure affichent des températures de 5 à 10 degrés plus élevés qu’à l’intérieur d’un parc d’arbres matures au même endroit.

Contrairement à ce que certains pourraient croire, ces îlots de chaleur ne sont pas un problème montréalais. Une carte interactive développée par l’INSPQ montre clairement que chaque agglomération de la province souffre de ces surchauffes.

Au-delà de leur effet immédiat sur la température, les arbres permettent aussi d’assainir l’air, les espaces verts soulagent la pression sur les puisards et la verdure améliore de manière générale la qualité de vie des résidants.

Enjeu de santé

En février dernier, une coalition de 600 médecins, 600 professionnels de la santé et 45 organisations de la santé ont réclamé précisément cette politique au gouvernement du Québec. Selon le niveau des dépenses en infrastructures prévu avant la pandémie, c’est environ 170 millions par année qui seraient investis en verdissement si l’on respectait cette règle du 1 %.

« Ce n’est pas une somme énorme et avec tous les bienfaits que cela procure, on serait fou de s’en passer ! », observe la députée Ruba Ghazal, porte-parole du parti en matière d’environnement.

Cette somme permettrait de concrétiser des projets pour intégrer des espaces verts dans les rues, les stationnements, sur les terrains des écoles, des hôpitaux, des lieux de soins, des garderies ou dans de nouveaux parcs.

Ce genre d’améliorations auraient l’effet « de mieux protéger la santé de la population et, ainsi, de diminuer les coûts en santé », souligne la coalition signataire de la lettre transmise au gouvernement de François Legault.

Le Dr Alain Poirier, spécialiste en santé publique, avait alors rapporté que le verdissement réduirait le risque de maladie cardiovasculaire de 9 %. Il ajoutait que les effets positifs d’un couvert optimal incluent également une réduction du stress, de la dépression, de l’autisme, du diabète, du risque d’hypertension artérielle, du risque d’embonpoint ou d’obésité, de l’asthme, de la mortalité respiratoire, de la mortalité par cancer et de la mortalité générale prématurée.

« La lettre a été signée par 600 médecins et 600 professionnels de la santé. Qu’est-ce que ça prend de plus ?, s’interroge Manon Massé. Ça prend un parti politique qui dit : "voilà, ça prend le 1 % du verdissement" et au gouvernement du Québec : "fais ta job !" ».

La chef parlementaire de Québec solidaire fait remarquer qu’il existe déjà une « politique du 1 % » en art public qui oblige l’acquisition d’une œuvre intégrée à l’architecture de tout bâtiment public. Elle souhaite simplement que l’on ajoute un autre point de pourcentage qui soit dédié à verdir l’environnement des lieux publics.

La députée Ruba Ghazal, porte-parole du parti en matière d’environnement, mentionne que la simple plantation d’arbres réduit le niveau de pollution alors que chaque individu mature absorbe des dizaines de kilogrammes de particules fines en suspension dans l’air.

La Fondation canadienne de l’arbre estime qu’un grand feuillu peut retenir jusqu’à 20 kilogrammes de poussière chaque année.

L’exemple de Jeanne-Mance

Située en plein centre-ville de Montréal, la Corporation d’habitation Jeanne-Mance a vu le jour il y a 60 ans. Manon Massé cite ce développement de logements sociaux en exemple d’aménagement vert. D’abord, au cœur de son complexe, on retrouve deux parcs, dont un accueille un jardin communautaire cultivé par les locataires.

Au fil des ans, des améliorations se sont ajoutées comme la plantation d’un verger avec de pommiers, des poiriers et autres arbres fruitiers. Les citoyens peuvent y circuler et y faire des provisions de fruits au temps des récoltes.

Autre projet intéressant, le stationnement a été amputé de quelques cases afin de créer des noues végétalisées qui servent à retenir les eaux de pluie pour réduire les problèmes d’inondation. Parallèlement, ces bandes de verdure ont eu l’effet d’offrir un espace accueillant pour les résidents qui autrefois avaient des voitures devant leur porte.

« On se rend compte que les espaces extérieurs deviennent un prolongement de l’habitation. C’est une vraie plus-value pour les gens qui vivent dans des appartements modestes pas très spacieux », décrit la directrice générale de la corporation Clotilde Tarditi.

De l’avis de Mme Tarditi, il est impératif de changer la manière de voir le développement du logement en intégrant le verdissement comme élément essentiel.

« Ça prend une volonté de développer la ville de façon équilibrée, croit-elle. Oui, on a besoin de logements supplémentaires, y compris des logements sociaux, mais soyons intelligents dans la manière dont on développe des unités. »

On ne construit pas que des logements, mais des milieux de vie, ajoute-t-elle. Ce qui veut dire qu’il faut y mettre du vivant et pas que du béton.