Parce qu'elles mentionnaient les énergies fossiles, des vidéos tournées par des groupes de défense de l'environnement pour être diffusées à la COP24 sur le climat ont été interdites par les organisateurs, une décision dénoncée comme une censure par leurs producteurs.

Dans des courriels obtenus par l'AFP, l'ONU demande aux ONG de retirer des images faisant référence à « l'énergie sale » et aux « pipelines », assurant qu'elles enfreignent des règles de la convention sur le climat.

Quelque 200 pays sont réunis en Pologne pour tenter de donner vie à l'accord de Paris sur le climat visant à limiter le réchauffement à +2 °C, idéalement +1,5 °C, par rapport à l'ère préindustrielle.

Plus de 20 000 diplomates, ministres, journalistes, militants et représentants d'industries ont participé à cette 24e Conférence de l'ONU sur le climat pendant ces quinze derniers jours. Dont des groupes de pression aux objectifs très différents.

Les défenseurs de l'environnement dénoncent la présence des « ONG à intérêt commercial », appelées BINGO (Business interest NGO), qui représentent des grandes entreprises du secteur de l'énergie.  

Ils les accusent d'utiliser leurs contacts pour influencer les négociateurs des États, qui se sont engagés à Paris en 2015 à limiter leurs émissions de gaz à effet de serre.

Des ONG pro-environnement, qui ont préféré rester anonymes, avaient préparé une série de films courts destinés à être diffusés pendant cette COP24 sur de grands écrans, près de l'entrée du centre de conférence de Katowice, capitale polonaise du charbon.

Mais après avoir soumis leurs films pour une évaluation qu'elles pensaient de pure forme, l'ONU s'est opposée à plusieurs images mentionnant des activités liées aux énergies fossiles.

Dans un courriel, le bureau de l'ONU chargé de cette tâche a ainsi demandé qu'une image où les mots « énergies sales » apparaissaient soit retirée, ainsi que les phrases « interdire la participation des entreprises liées aux énergies fossiles » et « pourquoi les politiques approuvent-ils toujours les pipelines, les centrales à charbon et la fracturation hydraulique ».

« Réduits au silence »

La convention de l'ONU sur le climat interdit « les activités se moquant de l'ONU, des États membres, des organisations ou de tout individu ou des critiques qui seraient contre les règles de base du protocole ».

Mais les militants assurent que leurs vidéos ne violaient pas ces règles, vu qu'aucun pays ni aucune entreprise ne sont nommés.

« Sinon, les vidéos sont de bonne qualité et ce serait dommage de les exclure à cause d'une ou deux images », explique l'ONU dans un des courriels.

Selon le récent rapport des scientifiques du GIEC, qui montre les « nettes » différences d'impacts entre un monde à +1,5 °C ou +2 °C, il faudrait réduire les émissions de CO2 de près de 50 % d'ici 2030 par rapport à 2010, pour rester sous +1,5 °C.

« Pendant qu'on nous réduit au silence, les mêmes entreprises liées au gaz, au charbon et au pétrole responsables de la crise (climatique) sont autorisées à placarder les murs avec leurs logos et leur propagande », a dénoncé Pascal Sabido, chercheur et militant au Corporate Europe Observatory.

« Comment ces négociations peuvent-elles nous aider à garder les énergies fossiles sous terre, comme le recommande le GIEC, si nous ne sommes pas autorisés à mentionner l'énergie sale ou les gazoducs ? », explique-t-il à l'AFP.

Un porte-parole de l'ONU a assuré à l'AFP que l'Organisation a « exercé son jugement pour s'assurer que les vidéos diffusées à cet endroit précis sont appropriées ».

La Pologne, qui préside cette COP24, s'est retrouvée sous le feu des critiques pour avoir choisi comme commanditaires de la conférence des entreprises liées aux énergies fossiles.

Une autre ONG n'a pas pu la semaine dernière distribuer des prospectus listant ces commanditaires.  

« La présidence polonaise semble avoir vraiment peur de donner les noms des pays ou des entreprises (liées aux énergies fossiles), alors même qu'ils sont accrédités » à la conférence, lance Eilidh Robb, bénévole de la Coalition des jeunes pour le climat britannique.