Confrontés aux violents incendies qui ont touché leur sanctuaire cet été, les condors de Californie, une espèce menacée, ont vécu un test de survie à grande échelle, après avoir été protégés pendant des années par les biologistes: ils ont dû vivre entièrement par leurs propres moyens.

Interdits d'accès à cause des flammes, les spécialistes du condor ont espéré que ces grands charognards s'en remettraient à leur instinct, ce qu'ils ont fait à leur plus grand soulagement. Les oiseaux ont trouvé de l'air et de la nourriture, notamment un baleine et un lion de mer échoués sur les falaises de Big Sur.

«C'est incroyable. En fait, ils ont fait ce qu'ils étaient censés faire», a observé Kelly Sorenson, la directrice générale de la Société pour la faune Ventana, qui gère le sanctuaire. «Je pensais franchement que nous perdrions quatre à six animaux. Nous pouvons reconstruire le parc, mais nous n'avons qu'un temps limité pour relancer l'espèce». Cette ONG près de Big Sur est la seule organisation à but non lucratif en Californie à préparer le retour de condors élevés en captivité à la vie sauvage, dans le cadre d'un effort général de sauvegarde de l'espèce.

L'incendie estival, sur près de 500km2 qui a touché la forêt du parc national Los Padres, a détruit la volière de l'association et les enclos, ainsi que des milliers de dollars de matériel. Quelque 43 oiseaux surveillés par la société ont dû quitter les lieux, mais sept oisillons d'un an et leur guide adulte ont pu être sauvés par les gardes-côtes américains, par avion le lendemain du début des incendies, le 21 juin dernier.

Pendant dix-sept jours, les biologistes n'ont pas eu accès à la zone, se contentant de suivre leurs mouvements grâce aux émetteurs électroniques. «Nous nous sentions tellement impuissants», a souligné Kelly Sorenson.

Finalement, les biologistes ont constaté que tous les oiseaux avaient survécu, sauf un oisillon vivant dans un nid très en hauteur et un condor libéré dans la nature deux ans auparavant.

En juillet, Kelly Sorenson et un biologiste de la société Joe Burnett ont grimpé jusqu'au site où ils étaient nourris et ont découvert que le mâle de référence du groupe surveillait le canyon. «Ils ont survécu par eux-mêmes, sans nous», s'est félicitée Kelly Sorenson. «Cela démontre qu'ils peuvent le faire».

Le condor a été déclaré espèce en danger en 1967, quand la population, estimée à 50 ou 60 individus à cette époque, était en fort déclin en raison du braconnage, de la destruction de son habitat et l'empoisonnement au plomb.

Dans les années 80, le gouvernement américain avait donné son feu vert à un programme ambitieux et coûteux pour que la vingtaine de condors californiens survivants soient mis en captivité, dans le cadre d'un plan d'élevage en captivité.

Après avoir appris aux oisillons à survivre dans la nature à l'aide de poupées et d'autres outils, la réintroduction en forêt a débuté dans les années 90. Malgré quelques revers, comme les lignes électriques à haute tension qui perturbent leur navigation, pas moins de 332 condors ont été recensés, dont la moitié vit sous surveillance en Arizona, en Californie et en Basse-Californie (Mexique).