Le décrochage scolaire a augmenté de 2,5 points de pourcentage pendant la pandémie, mettant fin à une tendance à la baisse depuis 20 ans au Québec. « Une hausse préoccupante », estime le ministère de l’Éducation, qui l’attribue en partie à la pandémie.

Ce qu’il faut savoir

  • Le taux de sortie sans diplôme ni qualification au secondaire a atteint 16,3 % en 2021-2022, soit le taux le plus élevé depuis dix ans.
  • Le ministère de l’Éducation parle d’une hausse « préoccupante ».
  • La pandémie et la pénurie de main-d’œuvre sont pointées du doigt.

Le taux de sorties sans diplôme ni qualification au secondaire* était de 16,3 % en 2021-2022, contre 13,8 % en 2020-2021, selon de nouvelles données du ministère de l’Éducation.

Il s’agit du taux le plus élevé depuis 10 ans.

Le décrochage scolaire affichait une baisse constante depuis 20 ans au Québec, passant de 22 % en 1999-2000 à 13 % en 2016-2017. Il était demeuré relativement stable dans les dernières années.

Chez les garçons, la hausse est encore plus marquée. Le taux de sorties sans diplôme ni qualification au secondaire a bondi de 2,9 points de pourcentage, s’élevant à 20 % lors de l’année scolaire 2021-2022.

Par comparaison, le même taux a augmenté de 2,1 points de pourcentage chez les filles, atteignant 12,7 %.

« Les données sont préoccupantes et démontrent une fois de plus que la pandémie a été difficile pour nos élèves », a réagi le cabinet du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville.

Pas de surprise dans le milieu

« Est-ce que ça m’étonne ? Malheureusement, non », laisse tomber Andrée Mayer-Périard, présidente du Réseau québécois pour la réussite éducative.

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La présidente du Réseau québécois pour la réussite éducative, Andrée Mayer-Périard

Selon elle, la pandémie a augmenté les facteurs de risque liés au décrochage. « Ça peut être des problèmes de santé mentale, des retards scolaires que le jeune a l’impression de ne pas pouvoir surmonter », énumère-t-elle.

Sans oublier l’effet des confinements répétés et des cours en ligne sur la motivation. « On le sait, certains jeunes ont été très fragilisés », explique-t-elle.

« C’est triste, parce que ça faisait un bout de temps que le décrochage s’améliorait », déplore Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement.

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Le président de la Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement, Nicolas Prévost

Selon lui, la pénurie de main-d’œuvre a aussi contribué à retirer des jeunes des bancs d’école dans les dernières années.

Beaucoup d’employeurs ont descendu leurs critères d’embauche. C’est sûr que c’est attirant pour nos petits gars de se faire offrir un travail qui peut paraître payant.

Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement

Andrée Mayer-Périard raconte avoir entendu des échos similaires de la part de centres de formation générale aux adultes, qui offrent aux décrocheurs la possibilité de compléter leur diplôme.

« Quand ils appelaient les jeunes, ils se faisaient souvent dire qu’ils avaient trouvé un emploi bien rémunéré », rapporte-t-elle.

Le ministère de l’Éducation a rappelé qu’il était « complexe d’attribuer une ou plusieurs causes à la variation du taux de sorties sans diplôme ni qualification ».

Il a néanmoins souligné « le contexte pandémique très particulier » qui pourrait avoir eu un effet sur « la décision de certains élèves de quitter l’école en 2021-2022 ».

« À ces perturbations s’ajoute aussi la grande accessibilité du marché du travail au cours de ces années. »

Manque de ressources

La tendance sera-t-elle inversée avec le retour à la normale ? C’est du moins ce qu’espèrent les acteurs du milieu scolaire interrogés.

« C’est sûr que ça nous préoccupe. Maintenant, est-ce que c’était seulement circonstanciel ? On le sent moins présentement, mais c’est certain qu’il va falloir suivre ça de près », souligne Nicolas Prévost.

D’autant plus que le taux d’absence continue d’être élevé, note-t-il.

L’un des principaux facteurs de décrochage, c’est l’absentéisme.

Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement

Président de l’Association québécoise du personnel de direction des écoles, Carl Ouellet déplore le manque de professionnels pour encadrer les élèves vulnérables, plus à risque de décrocher.

« Ces jeunes-là ont besoin de ressources en psychologie, en psychoéducation, en toxicomanie. On veut bien leur donner des services, mais on manque de personnel », dit-il.

Appelé à réagir, le cabinet de Bernard Drainville a assuré ne faire « aucun compromis sur la réussite éducative ». « On travaille tous les jours pour inverser cette tendance », a-t-il fait valoir.

« Pour éviter le décrochage, la motivation des élèves est essentielle. On construit des écoles nouvelle génération et on les modernise. On travaille aussi afin qu’à terme, tous les élèves qui le veulent puissent avoir accès à un projet pédagogique particulier, ce qui est une source de motivation pour plusieurs. »

Dans le dernier budget, 544,5 millions supplémentaires ont été alloués à soutenir la réussite des élèves, notamment via un plan de rattrapage afin d’éviter les effets négatifs des récentes grèves, a-t-il ajouté.

* Ce taux inclut aussi les élèves qui ont quitté le réseau scolaire parce qu’ils ont émigré dans un autre pays ou parce qu’ils sont décédés.