(Québec) Face à l’exode du réseau public d’un nombre croissant de professionnels qui viennent en aide aux élèves ayant des besoins particuliers, les parents, eux, demandent à être systématiquement consultés à l’avenir lorsque vient le moment d’élaborer le plan d’intervention de leur enfant pour les services qui sont toujours offerts.

La Presse a obtenu les résultats de deux sondages effectués sur les réseaux sociaux de la Fédération des comités de parents auprès de ses membres, en 2021 et en 2023, afin de mesurer leur satisfaction face aux services offerts aux élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA). Les principaux constats des répondants sur le terrain, qui se sont maintenus entre les deux coups de sonde, sont que :

  • « L’enfant doit être en échec avant qu’un plan d’intervention puisse être mis en place.
  • Malgré la présence d’un plan d’intervention, il n’est pas toujours utilisé de façon optimale par tous les intervenants de l’école.
  • Quand l’enfant est en réussite, il arrive qu’on lui enlève son plan d’intervention.
  • Des parents disent qu’ils ne sont pas invités à la rencontre [pour élaborer le] plan d’intervention, que le plan se retrouve dans le sac d’école ou qu’ils le reçoivent par courriel.
  • On leur impose une date de rencontre, qui aura lieu même s’ils ne peuvent pas y assister. »

Dans les sondages, près d’un parent sur cinq a également affirmé ne pas être consulté par les écoles quand ils élaborent le plan d’intervention de leur enfant. Ils exigent d’être des acteurs « incontournables » dans l’évaluation des besoins.

Selon Nancy Gaudreau, professeure titulaire au département d’études sur l’enseignement et l’apprentissage à l’Université Laval, dont les recherches portent entre autres sur les plans d’intervention, impliquer les parents et les enfants dans le processus peut faire une réelle différence quant à l’adhésion aux mesures mises en place.

« Dans certains milieux, c’est devenu un document administratif qui répond à la loi, qui est mis dans un classeur, que les parents ne connaissent pas et que les enseignants finissent par oublier », dit-elle. Mme Gaudreau - dont l’équipe de recherche a créé la trousse « J’ai mon plan » pour outiller les équipes-écoles dans l’élaboration et la mise en œuvre des plans d’interventions - reconnaît par ailleurs le manque de ressources dans le réseau scolaire et souligne les efforts de nombreux intervenants pour que les parents et les enfants soient davantage impliqués.

Aider tous les enfants

Alors que le bras de fer se poursuit entre Québec et les syndicats représentant les professionnels de l’éducation pour le renouvellement des conventions collectives, les comités de parents pressent les deux camps de trouver des compromis.

On ne parle même plus de réparer le réseau, il faut le reconstruire. On est rendus là.

Mélanie Laviolette, présidente de la Fédération des comités de parents du Québec

Plus tôt cette semaine, le président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement, Nicolas Prévost, expliquait à La Presse que la désertion des professionnels qui viennent en aide aux élèves ayant des besoins particuliers signifie « qu’on n’est pas capables de donner le service parce qu’on n’a pas de monde [et que] les professionnels qu’on a [sont] saupoudrés entre les élèves ».

« Ça n’aide pas les élèves et ça brûle nos ressources », dénonçait-il.

Mélanie Laviolette, de la Fédération des comités de parents, renchérit que dans ce contexte, « les services sont donnés aux enfants qui ont le plus de difficultés flagrantes ».

« Un enfant qui est à la limite de l’échec scolaire, mais qui réussit quand même, c’est peut-être cet enfant-là qui écope un peu plus [en ce moment]. On va attendre qu’il soit en échec pour lui donner de l’aide au lieu de le rattraper quand il est en pente descendante », déplore-t-elle.

Des aides à la classe, mais quelle aide ?

Dans un contexte où il manque à la fois des enseignants (qualifiés ou non) et des psychologues, des orthophonistes, des psychoéducateurs et des techniciens en éducation spécialisée dans les écoles, Québec mise plus que jamais sur l’ajout d’aides à la classe pour alléger la tâche des profs.

Dans le cadre des plus récentes offres gouvernementales pour renouveler les conventions collectives du secteur public, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a rappelé son objectif d’en ajouter dans 15 000 classes primaires publiques.

L’objectif est de « maximiser le temps consacré par les enseignants à l’enseignement », alors que les aides à la classe – surtout des éducatrices en service de garde scolaire – auront pour rôle de fournir une assistance aux élèves et d’aider l’enseignante dans ses tâches non pédagogiques.

Line Massé, professeure titulaire au département de psychoéducation et de travail social de l’UQTR et directrice du laboratoire de recherche et d’intervention sur les difficultés d’adaptation psychosociale à l’école, rappelle toutefois que les aides à la classe ne peuvent pas remplacer le travail des professionnels.

« Si les personnes n’ont aucune formation, je ne suis pas sûre de la qualité de l’aide qui sera offerte et du soutien qui sera fait. Elle ne va pas développer les habiletés des élèves. Elle va faire en sorte que l’élève soit moins dérangeant. C’est peut-être un soutien pour l’enseignant, mais ce n’est pas un soutien adéquat pour l’élève afin qu’il développe ses habiletés et ses compétences », dit-elle à La Presse.

Selon elle, Québec doit améliorer les conditions de pratique des professionnels afin qu’ils cessent de quitter le réseau public. Le ministère de l’Éducation rappelle aussi que « le service particulier à l’élève qui en a besoin doit continuer malgré l’ajout d’une ressource d’aide à la classe ».