(Québec) Les enfants des parents à qui l’on a promis pour la première fois une liste d’attente centralisée et efficace ont aujourd’hui 18 ans. La patience est toujours de mise, mais, d’ici un an, un « vrai » guichet unique, « plus simple et plus fiable », doit voir le jour pour obtenir une place en garderie.

Nouveauté : les parents auront enfin une idée approximative du rang de leur enfant sur les listes d’attente des CPE et des garderies privées subventionnées.

Le nouveau guichet doit également, en principe, empêcher les services de garde de contourner la loi et de sélectionner de façon arbitraire les enfants à qui ils donnent une place. C’est une pratique répandue qu’a dénoncée la vérificatrice générale du Québec en 2020.

La ministre de la Famille, Suzanne Roy, publie ce mercredi dans la Gazette officielle un projet de règlement sur les modalités de ce « guichet unique d’accès aux services de garde éducatifs à l’enfance ». L’initiative fait suite à une loi adoptée l’an dernier par son prédécesseur Mathieu Lacombe et visant surtout à accélérer la création de places.

Le gouvernement Legault crée des places à un rythme plus important qu’avant, mais la demande est toujours élevée, selon ses statistiques.

Quelque 37 000 enfants étaient inscrits sur les listes d’attente de la Place 0-5 au 31 juillet. C’est 4000 de plus qu’au 31 décembre. Sans en avoir l’assurance, Québec a des raisons de croire qu’une partie de l’augmentation résulterait de l’arrivée de demandeurs d’asile – qui ne peuvent toutefois obtenir une place subventionnée.

Fin de la Place 0-5

Le nouveau guichet sera géré par le ministère de la Famille et remplacera la Place 0-5, liste d’attente centralisée qui était sous la responsabilité d’une coopérative depuis 2013. Québec a rapatrié la Place 0-5 au Ministère en novembre dernier à la suite des critiques de la vérificatrice générale et dans la foulée d’une fuite massive de données personnelles révélée par La Presse en 2021.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Suzanne Roy, ministre de la Famille

« Ce qui change le plus, ça va être l’obligation que l’on crée des deux bords », affirme Suzanne Roy en entrevue. Les CPE et les garderies privées subventionnées seront obligés de recourir au guichet pour combler leurs places, tandis que les parents devront y inscrire leur enfant pour en obtenir une.

Par l’entremise de ce guichet, les parents auront la possibilité de mettre le nom de leur enfant sur la liste d’attente d’autant de services de garde qu’ils le souhaitent, selon leurs préférences.

L’ordre des enfants sur la liste de chaque service de garde sera désormais déterminé en fonction de la date d’entrée souhaitée en service de garde et non plus de la date d’inscription au guichet.

En gros, on veut répondre plus efficacement au besoin réel des parents qui doivent retourner au travail et prioriser les enfants dont l’entrée en CPE tarde par rapport au souhait exprimé.

Les enfants seront répartis en ordre de priorité selon cinq catégories :

  • Catégorie 1 : les enfants du personnel qui ont déjà un frère ou une sœur dans le service de garde
  • Catégorie 2 : les enfants du personnel de service de garde
  • Catégorie 3 : les enfants dont le frère ou la sœur fréquente déjà le service de garde
  • Catégorie 4 : les enfants qui n’ont pas de place en service de garde ou qui n’ont pas de place en CPE ou en garderie privée subventionnée
  • Catégorie 5 : les enfants qui ont déjà une place en CPE ou en garderie privée subventionnée

Québec uniformise ainsi les critères d’admission des services de garde. La vérificatrice générale avait dénoncé des critères douteux et le manque d’encadrement du Ministère quant à leurs politiques d’admission.

Un CPE ou une garderie privée subventionnée devra aviser le guichet lorsqu’une place se libère et doit être comblée. Ce dernier lui fournira le nom de l’enfant se situant en haut de la liste. Jusqu’ici, le service de garde choisissait lui-même l’enfant dans la liste. Cela ne sera plus possible, explique la ministre. Le nouveau système rendra plus équitable l’accès aux services et évitera « l’attribution parallèle de places ». Il sera « plus simple et plus fiable », promet-elle.

Il y aura des garde-fous contre un parent qui, par exemple, tenterait de faire passer son enfant avant les autres en inscrivant une date d’entrée souhaitée en service de garde plus hâtive que la date réelle de son besoin. Un parent perdra sa place si l’enfant ne fréquente pas le service de garde dans les 30 jours après qu’il a été contacté, un délai jugé raisonnable par la ministre. Le nom de l’enfant sera de plus retiré de la liste d’attente de ce service de garde – mais sera conservé dans les autres.

Le ministère de la Famille donnera accès sur son site web à des détails et des exemples sur la mécanique du nouveau guichet ce mercredi.

Code de couleurs

Selon le projet de règlement, les parents pourront en tout temps « connaître la situation approximative de leur enfant » dans la liste d’attente de chaque service de garde où ils ont inscrit leur enfant. Ce ne sera pas le rang exact, car, selon Suzanne Roy, ce serait « plus complexe et amènerait plus de questionnements » compte tenu de la mécanique qui sera mise en place. La ministre envisage plutôt un code de couleurs.

Le rouge signifierait que l’enfant se trouve dans le bas de la liste ; le jaune, que l’espoir est permis ; le vert, que l’on est près d’obtenir une place.

Pour les garderies privées non subventionnées et les services de garde en milieu familial, Québec créera plutôt une « réserve de clientèle ». Les parents auront la possibilité d’inscrire leur enfant dans cette réserve par l’entremise du guichet. Et ces garderies pourront combler leurs places en puisant dans la réserve.

Le projet de règlement fera l’objet d’une consultation. Le nouveau guichet sera « en rodage de sécurité » à compter de juin 2024 et sera opérationnel l’automne suivant, donc dans un an, selon l’objectif de la ministre. Il n’a toujours pas été baptisé. « On l’appelle la vraie liste d’attente, mais il faudra trouver un nom plus agréable », convient Suzanne Roy.

À voir les noms des CPE, souvent originaux, il ne manquera pas d’idées dans le réseau.

Un peu d’histoire

C’est en 2005 qu’un premier gouvernement, celui de Jean Charest, a annoncé son intention de créer des listes d’attente centralisées pour répondre aux critiques des parents. Cela a pris la forme de guichets régionaux pour ensuite devenir un site unique, la Place 0-5, sous le gouvernement de Pauline Marois, en 2013. Il y a toujours eu des critiques au fil du temps, ce qui pousse le gouvernement Legault à promettre à son tour un guichet simple et efficace.

Consultez le site du ministère de la Famille