Pour renflouer ses coffres, le centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) veut se départir de sept immeubles qu’il possède, évalués au total à près de 28 millions. « Nous ne sommes pas des gestionnaires immobiliers », dit Stéphane Chaput, son directeur général adjoint. Or, certains organismes communautaires subissent les impacts de ce changement de cap.

L’intention est claire : le plus important centre de services scolaire de la province ne veut plus gérer des immeubles qu’il n’utilise pas pour faire l’école. Il demande donc à Québec de l’autoriser à en vendre sept, qui sont évalués au total à près de 28 millions.

En entrevue avec La Presse, le directeur général adjoint du CSSDM a expliqué vouloir se départir des bâtiments qui « n’ont plus de vocation scolaire ».

« Les garder dans notre parc [immobilier], ça nous coûte énormément cher par année, simplement pour les laisser vides, ou avec des locataires dont le loyer ne couvre même pas le coût de fonctionnement. Nous ne sommes pas des gestionnaires immobiliers », a déclaré Stéphane Chaput.

Au total, ce sont sept bâtisses dont la valeur totalise 27,7 millions dont souhaite se départir le CSS. Elles sont situées dans les quartiers Rosemont, Ahuntsic, Saint-Michel et Plateau Mont-Royal.

Malgré leur mauvais état, « le conseil des commissaires les gardait parce qu’ils disaient : on a des locataires à l’intérieur. Le bâtiment était dans un état suffisamment potable pour que les locataires ne soient pas à risque », dit M. Chaput, qui rappelle que le CSSDM ne reçoit aucun financement pour les entretenir.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Le CSSDM possède 37 bâtiments excédentaires, dont celui-ci, rue Berri, à l’angle du boulevard René-Lévesque. Dans ce cas, l’enveloppe et l’intérieur de la bâtisse seront refaits et cet espace pourrait servir en cas de fermeture d’urgence d’une école. « On sait qu’on va avoir un besoin scolaire dans cinq ou sept ans, mais entre-temps, il pourrait nous servir », dit le directeur adjoint du CSSDM, Stéphane Chaput.

La vente rapportera de l’argent, toutefois. Qu’en fera-t-on ?

« Si je vends un bâtiment de 10 millions, mais qu’on a investi 6 millions dans les dernières années, il en reste 4 », répond M. Chaput. Il ajoute que malgré la dette du CSSDM, cet argent est « généralement remis dans les bâtiments ».

Des organismes communautaires « orphelins »

À la Coalition montréalaise des tables de quartier, on dit avoir vu un changement de ton de la part du centre de services scolaire quant aux locaux loués à des organismes communautaires.

« On a compris qu’avant, il y avait une tolérance, un statu quo par rapport au maintien du parc immobilier, mais qu’avec l’abolition des commissions scolaires, [le CSS] se voit attribuer des budgets très limités pour accomplir son mandat scolaire », dit Gessica Gropp, chargée de projet sur les locaux communautaires.

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Gessica Gropp, chargée de projet à la Coalition montréalaise des tables de quartier

Quand un bâtiment est repris par le centre de services pour le vendre ou pour y loger des élèves, les organismes se retrouvent « orphelins », aux prises avec la hausse vertigineuse des loyers à Montréal, dit Mme Gropp.

Souvent, poursuit Gessica Gropp, les organismes qui sont logés dans d’anciennes écoles donnent des services aux élèves, par exemple de l’aide alimentaire, de l’aide aux devoirs, des cours de francisation.

Qu’est-ce qui va arriver s’ils ferment dans des milieux défavorisés ? C’est à n’y rien comprendre. Ça fait 40 ans qu’on bâtit un réseau d’organismes communautaires et on sabote ça, une adresse à la fois, sans que ça émeuve personne au gouvernement.

Gessica Gropp, chargée de projet à la Coalition montréalaise des tables de quartier

Les locataires ne sont pas mis à la porte de « façon sauvage », plaide le directeur adjoint du CSSDM, Stéphane Chaput, qui assure que les locataires ont l’heure juste.

« Nous faisons tout ce qui est possible pour permettre [aux organismes communautaires] d’éviter des [ruptures] de service, mais cette collaboration ne peut se faire au détriment de notre mission d’éducation », ajoute Alain Perron, porte-parole du CSSDM.

L’été dernier, Solidarité Ahuntsic a interpellé les médias pour dénoncer la vente prochaine d’un bâtiment occupé par 13 organismes communautaires du quartier, une « surprise totale », dit son directeur, Rémy Robitaille.

« On sait qu’il y a de l’amiante dans les murs, la plomberie à refaire. Malgré le processus d’aliénation, le CSSDM doit procéder à des travaux de plusieurs dizaines de milliers de dollars. J’imagine que c’est pour faciliter la mise en vente », explique M. Robitaille.

Un « héritage »

À la Coalition montréalaise des tables de quartier, Gessica Gropp rappelle que lors de la déconfessionnalisation des écoles, la Commission scolaire de Montréal a hérité d’un « parc immobilier gigantesque ».

« C’est un héritage de toutes les confessions, de toutes les communautés qu’on a à Montréal. Dans les années 1990, il y avait une volonté de rendre ces bâtiments accessibles, par exemple pour en faire des coopératives d’habitation. Aujourd’hui, on s’est éloigné de ça et on les privatise », déplore Mme Gropp.

La liste des étapes qui doivent être franchies avant qu’un bâtiment soit mis en vente est longue, mais l’une des premières à franchir est d’en aviser le ministère de l’Éducation. Or, à Québec, le porte-parole du Ministère, Bryan St-Louis, indique qu’il n’y a « présentement aucune demande d’autorisation pour aliéner un immeuble en cours au MEQ de la part du CSSDM ».

« Nous en sommes au début du processus », confirme Alain Perron, porte-parole du CSSDM.

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    Nombre d’immeubles excédentaires que possède le centre de services scolaire de Montréal
    Source : CSSDM