Un microprogramme en bioéthique et en éthique de l'environnement voit le jour à l'Université Laval. Une formation inédite qui ratisse large.

L’accès aux espaces verts en ville est-il un droit ? Jusqu’où irons-nous pour améliorer les capacités humaines ?

Nos progrès technologiques suscitent des questions complexes. Voilà qu’un nouveau microprogramme offert à l’Université Laval tente d’y répondre.

« On est dans une phase de très forte ébullition intellectuelle et de recherche de repères », remarque Marie-Hélène Parizeau, professeure à la faculté de philosophie.

D’où l’intérêt de mettre sur pied cette formation inédite avec Cory-Andrew Labrecque, professeur et vice-doyen de la faculté de théologie et de sciences religieuses.

L’idée a germé pendant la pandémie. L’accès à la verdure en ville est-il un droit ? Une condition à la santé ? Enfermé à la maison pendant des mois, la question devenait soudain centrale.

« On s’est dit qu’il fallait déjà trouver de nouvelles voies pour l’après-pandémie », explique Mme Parizeau à La Presse.

Deux ans plus tard, un microprogramme de 15 crédits voit le jour.

Pour faire simple, la bioéthique est l’étude de problèmes éthiques causés par les innovations technologiques en médecine et en biologie, explique Mme Parizeau.

La discipline est née au tournant des années 1970 chez des philosophes et des théologiens (qui étudient la religion).

Rare partenariat

Il existe déjà des programmes de bioéthique au Québec. L’Université de Montréal, par exemple, offre une maîtrise en bioéthique. Or, ce microprogramme multidisciplinaire s’en distingue pour deux raisons.

La première : la formation inclut tout un volet sur l’éthique de l’environnement.

PHOTO FOURNIE PAR CORY-ANDREW LABRECQUE

Cory-Andrew Labrecque, professeur et vice-doyen de la faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval

Tu ne peux pas parler de la santé des êtres humains sans parler de la santé de la Terre. Il y a un lien à mon avis assez clair entre ces deux disciplines.

Cory-Andrew Labrecque, professeur et vice-doyen de la faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval

Ces préoccupations deviennent aussi de plus en plus prioritaires chez les étudiants.

Le microprogramme est aussi le fruit d’un — rare – partenariat entre la faculté de philosophie et la faculté de théologie et des sciences religieuses. « On voulait renouer avec les origines de la discipline », explique M. Labrecque.

L’avantage ? « Les grandes questions de la bioéthique étaient déjà posées dans les grandes disciplines de la philosophie et de la théologie », répond le professeur.

Des réponses dans la littérature ancienne

Prenons l’exemple de la mort. Elle hante l’humain depuis toujours. Quel est notre rapport à elle maintenant qu’on peut la déjouer avec des traitements de plus en plus efficaces ? Ou la provoquer pour alléger des souffrances ?

Des pistes de réponses se trouvent dans la littérature ancienne, croit M. Labrecque. L’art de bien mourir est une collection de textes chrétiens qui abordaient ces questions il y a plus de… 600 ans !

Aide médicale à mourir, intelligence artificielle, proportionnalité des soins : « ce sont de vieilles questions, mais dans de nouveaux contextes. La philosophie et la théologie ont des ressources, des traditions, des façons de penser », ajoute Marie-Hélène Parizeau.

PHOTO ARCHIVES LE SOLEIL

Marie-Hélène Parizeau, professeure à la faculté de philosophie de l’Université Laval

Parfois, elles ont des points de vue convergents. D’autres fois, elles divergent. C’est le cas sur la question de l’avortement.

« Ce sont des dialogues qui font écho à nos sociétés. Regardez ce qui se passe aux États-Unis. C’est incroyable. C’est dire qu’un consensus social peut être détricoté et que des forces à l’intérieur peuvent renverser des choses qu’on croyait acquises », remarque Mme Parizeau.

« Voilà un bel exemple où, justement, on a des choses à discuter ensemble pour comprendre ce qui se passe », ajoute-t-elle.

Une formation ouverte à tous

L’objectif du microprogramme, donc, est de créer une formation qui soit « plus approfondie » pour les étudiants en philosophie et en théologie — mais pas uniquement.

Des cours d’éthique sont déjà offerts aux étudiants de la faculté de médecine et de la faculté des sciences et de génie à l’Université Laval.

« Il y en a toujours quelques-uns qui ont envie d’aller plus loin », dit Marie-Hélène Parizeau.

Les deux professeurs, qui ont tous deux étudié en sciences avant de changer de trajectoire, insistent : cette formation ne peut être que bénéfique pour ces étudiants.

« Quand j’étais étudiant en médecine, c’est ce que je voulais : des cours en philosophie et des cours en théologie, parce que c’est un autre vocabulaire, une autre façon de voir le monde. Et il y a une richesse là-dedans », raconte M. Labrecque.