Une campagne de Québec destinée à trouver des enseignants a attiré 6000 candidatures cet été, mais seules 371 de ces personnes ont été recrutées avant la rentrée des classes. Qui plus est, près de la moitié des candidatures d’aspirants profs n’ont pas été retenues.

Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, assurait en août que toutes les classes auraient un prof à la rentrée, notamment grâce à une campagne de recrutement d’enseignants lancée au printemps et appelée « Répondez présent ».

CAPTURE D’ÉCRAN DU SITE DU GOUVERNEMENT DU QUÉBEC

Publicité de la campagne « Répondez présent »

« Excellente nouvelle », écrivait son cabinet tout juste avant la rentrée : cette campagne, qui s’adressait notamment aux bacheliers et aux retraités de l’enseignement, avait permis de récolter des milliers de candidatures.

« C’est 6000 personnes qui ont exprimé le désir de devenir enseignant. Oui, ce sont des gens pour venir combler des postes dans nos classes », affirmait alors en entrevue le ministre Jean-François Roberge.

Lisez l’article « “Il y aura un enseignant dans chaque classe”, assure Roberge »

Or, en date du 19 août dernier, seules 371 personnes issues de cette banque avaient été recrutées par les centres de services scolaires, démontrent des chiffres obtenus par La Presse en vertu de la loi sur l’accès à l’information.

À quelques jours de la rentrée, près de la moitié des 6000 candidatures avaient été rejetées par les centres de services scolaires (2745), et le reste d’entre elles (2965) n’avaient pas encore été traitées.

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Jean-François Roberge, ministre de l’Éducation

« Reste à finir les entrevues, à les embaucher et à les accompagner professionnellement », admettait en août le ministre Roberge.

À titre d’exemple, les chiffres du ministère de l’Éducation indiquent que le centre de services scolaire de Saint-Hyacinthe a donné 13 contrats à des candidats ayant répondu à cette campagne de publicité, tandis que le CSS des Découvreurs, à Québec, a ainsi ajouté 12 suppléants à ses effectifs.

« Pas si simple », être enseignant

Ces chiffres démontrent qu’exercer le métier d’enseignant, « ce n’est pas si simple », dit Mélanie Hubert, présidente de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE).

Il ne suffit pas de lancer un appel à tous sur les réseaux sociaux ou sur la place publique pour dire : venez en grand nombre. Des fois, on dirait qu’on a la pensée magique, qu’il s’agit d’aimer les enfants et d’avoir un peu d’expérience avec des jeunes. Enseigner, c’est plus complexe.

Mélanie Hubert, présidente de la Fédération autonome de l’enseignement

Le grand nombre de candidatures rejetées montre qu’au moins, une « sélection rigoureuse » est faite par les centres de services scolaires, dit pour sa part Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE).

« Sinon, on se retrouve avec un autre problème : les gens sont en classe et il faut les sortir parce qu’ils ne sont pas capables de faire la job », explique M. Prévost.

Mais ces chiffres sont aussi une « mauvaise nouvelle » si on les compare aux 6000 candidats souhaitant devenir enseignants qu’a d’abord « fait miroiter » Québec.

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Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement

Si on s’attend à régler le problème de pénurie en lançant ce type de message là, ça ne fonctionnera pas.

Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement

« II y a des limites à faire du recrutement par publicité. L’appel était très large », abonde Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE). Elle souhaite que Québec fasse un bilan de cette campagne, notamment pour expliquer à ceux dont la candidature n’a pas été retenue les raisons de ce rejet.

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Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement

Le président de la FQDE souhaite que l’éducation s’invite dans la campagne électorale, notamment au débat des chefs de ce jeudi. « Pourquoi les gens ne vont pas en éducation ? Il y a un exercice important à faire », dit Nicolas Prévost.

Les retraités peu nombreux

Cette campagne de recrutement estivale, affirmait aussi le ministre Jean-François Roberge en août, allait permettre de ramener des retraités dans le réseau de l’éducation, « des gens ultra-compétents, qui ont le brevet d’enseignant ».

En date du 19 août, 673 retraités de l’enseignement avaient démontré leur intérêt. De ce nombre, seuls 78 enseignants avaient été retenus, soit pour un contrat ou de la suppléance.

Comme ces chiffres sont issus d’une collecte « s’étant terminée le 19 août 2022, les données ont pu varier depuis », précise le ministère de l’Éducation.

Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse

En savoir plus
  • 160
    Nombre de postes d’enseignant à temps plein à pourvoir
    source : Ministère de l’Éducation, 7 septembre 2022