Finies les règles tatillonnes sur la longueur des shorts et des jupes ou l’obligation de dissimuler les épaules et le ventre : l’école secondaire Robert-Gravel, dans le Mile End, vient d’adopter un nouveau code vestimentaire non genré.

Robert-Gravel, qui offre un programme particulier en arts de la scène, est l’une des rares écoles du centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) à n’imposer aucun uniforme. Son code vestimentaire comportait néanmoins des interdits répandus dans de nombreux établissements, comme les jupes et shorts trop courts, les leggings non recouverts d’une robe ou d’une jupe, les camisoles à bretelles fines et les ventres dénudés.

Tout cela a disparu du nouveau code adopté par le conseil d’établissement mercredi soir. Il reste quelques lignes directrices : les « sous-vêtements et [les] parties intimes ne doivent pas être visibles », le « couvre-chef » doit rester dans le casier, et la tenue doit être exempte de certaines inscriptions (discriminatoires, à caractère sexuel, violentes, etc.).

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Maude Painchaud Major

Il y a une amélioration, je suis quand même vraiment satisfaite. Je pense que ça peut donner espoir.

Maude Painchaud Major, mère d’une élève de l’école secondaire Robert-Gravel qui a fait pression contre l’ancien code vestimentaire

« Humblement, je suis très fier de mon équipe », a souligné le directeur de l’école, Ronald Jean-Pierre, rencontré à son bureau.

Le cheminement n’a cependant pas été de tout repos.

« Contrôle du corps des filles »

Peu après son arrivée, il y a un peu plus d’un an, M. Jean-Pierre a annoncé la révision du code « trop genré », à laquelle un comité d’enseignants et de spécialistes s’est attelé l’automne dernier.

Mais en attendant, c’est l’ancien code qui s’appliquait. Choquées par ce document « complètement archaïque, sexiste, vraiment axé sur le contrôle du corps des filles », et par certaines interventions d’enseignants chargés de le faire respecter, des mères de jeunes filles de première secondaire sont « parties en guerre », raconte Mme Painchaud Major.

« Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il y avait des enseignants qui pensaient exactement comme ces parents-là. Il fallait se trouver une façon que tout fonctionne et que tout le monde s’accorde », fait valoir M. Jean-Pierre.

À la fin de l’automne, le directeur a demandé aux enseignants de cesser d’intervenir sur « tout élément genré » – ce qui, à terme, a entraîné la suspension de l’ancien code.

« On a vu des épaules, des bretelles spaghettis, des bretelles de soutien-gorge », mais aucune situation « problématique », témoigne-t-il.

Au terme d’un processus laborieux, marqué par « un tollé » sur « les réseaux sociaux », mais aussi « une vague de courriels et de messages positifs de parents », un projet de code a été présenté à la fin d’avril.

Mme Painchaud Major a notamment suggéré que des expressions comme « à caractère sexuel » soient clarifiées. « Est-ce que deux femmes qui s’embrassent, c’est un dessin à caractère sexuel ? Si oui, c’est un problème. »

« C’est sûr qu’on sourit quand on entend ça », dit le directeur. « Le centre de services et le ministère de l’Éducation nous ont envoyé des posters d’homosexuels qui s’embrassaient, c’était affiché dans toutes les écoles, rappelle-t-il. Faites-nous confiance ! »

Solution aux crises ?

Les autres écoles publiques devraient-elles se débarrasser de leurs codes restrictifs, pour éviter les crises comme celle vécue à Père-Marquette la semaine dernière ?

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Ronald Jean-Pierre, directeur de l'école secondaire Robert-Gravel

M. Jean-Pierre, qui travaille dans le système scolaire depuis 22 ans, refuse d’endosser l’habit du prêcheur.

« Je parle pour ma réalité à Robert-Gravel », souligne-t-il.

Le petit établissement de 465 élèves, « déjà tellement permissif », a un historique, rappelle son directeur, en évoquant l’épisode de 2016, où des élèves ont accroché des soutiens-gorges aux casiers pour protester contre l’obligation du « port des sous-vêtements », jugée sexiste.

Les codes vestimentaires sont cependant dénoncés en maint endroit, témoigne Mme Painchaud Major qui, à titre de formatrice en éducation à la sexualité, visite une trentaine d’écoles par an. « Quand on parle de double standard en classe, les jeunes nomment souvent le code vestimentaire comme sexiste. Ils sont troublés, conscients que de façon générale, c’est inégalitaire. »

Une réflexion longuement mûrie

Dès sa troisième année du primaire, Élizabeth Houle a été choquée par le code vestimentaire scolaire

PHOTO FOURNIE PAR ÉLIZABETH HOULE

Élizabeth Houle, élève de cinquième secondaire à l'école Rive-Nord

On hypersexualise les enfants : à partir de 7 ans, on leur dit que leurs bretelles sont minces, que leurs shorts sont trop courts. C’est sexiste et ça n’inculque pas de bonnes valeurs.

Élizabeth Houle

L’élève de cinquième secondaire à l’école Rive-Nord, à Bois-des-Filion, en a fait son projet personnel au Programme d’études internationales (PEI) – un essai de 4000 mots dans lequel elle dénonce le fardeau excessif imposé aux filles.

« Ça m’a fait prendre conscience de beaucoup de choses qui ont contribué à changer ma position sur le sujet », nous a souligné sa mère, Christine Briand.

Élizabeth préférerait que les écoles n’aient pas de code de vestimentaire, mais « il y en a qui ne vont pas accepter ça », reconnaît-elle. « Dans mon essai, j’ai essayé de faire des compromis : le mettre un peu moins strict, faire confiance aux élèves. »

Elle a eu 100 %.

Un demi-siècle de manifs

« Ça me fait tout drôle de lire qu’il y a eu une manifestation au sujet d’un vêtement à Père-Marquette alors qu’il y a environ 50 ans, j’ai participé à une manifestation pour le port du jeans à la même école », nous a écrit Daniel Dubois cette semaine.

Vérification faite, l’établissement, alors appelé « polyvalente Père-Marquette », a été le théâtre d’une grève étudiante de quelques jours en 1971. Les élèves se plaignaient « notamment des déficiences du mobilier dans leur école, de la pénurie de manuels, de l’interdiction de fumer et de porter des “jeans” », rapporte La Presse du 20 octobre. « Le directeur de l’école, M. André Gagné, a laissé savoir à La Presse que le port des “jeans” était le seul in­terdit concernant la tenue vestimen­taire », précise l’article.

Lisez « Des élèves dénoncent une vérification “inappropriée” du code vestimentaire » Lisez « Des élèves se rebellent contre le port obligatoire du soutien-gorge »