Cinq jours après l’arrestation de trois entraîneurs de l’école Saint-Laurent, qui ont été accusés de plusieurs crimes sexuels, une coalition réclame l’adoption « rapide et urgente » d’un projet de loi pour « prévenir et combattre » les violences sexuelles en milieu scolaire.

« Ça me fait mal chaque fois que je constate l’inaction du gouvernement. Plusieurs jeunes souffrent en silence », affirme l’intervenante Clorianne Augustin, cocoordonnatrice du collectif La voix des jeunes compte, qui représente des jeunes femmes de 15 à 21 ans. Elle affirme que « des violences sexuelles se produisent quotidiennement dans nos écoles » et que, « d’après les nombreux témoignages reçus jusqu’à aujourd’hui, nous savons que la situation à l’école Saint-Laurent n’est pas du tout un cas isolé ».

De 2 à 8 % des athlètes subissent au moins une violence sexuelle en contexte sportif, et les deux tiers des victimes ont moins de 18 ans, selon des données de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) avancées lundi. À peine un tiers de ces jeunes révéleraient avoir été victimes d’une agression, dit le collectif, qui déplore qu’il soit encore « excessivement difficile de dénoncer », faute de mécanismes « clairs ».

Dans le cas de Saint-Laurent, on a vraiment sacrifié des jeunes filles pour des bannières, pour la renommée de l’école, pour de l’argent ! Il faut redéfinir ce qu’est un excellent programme sportif.

Ernest Edmond, fondateur de l’organisme Les Ballons Intensifs

Retirer « le système d’impunité »

Pour la cofondatrice de Québec contre les violences sexuelles, Mélanie Lemay, qui a déclaré avoir été elle-même agressée sexuellement à 17 ans par un joueur de football de son école, la réalité est qu’il n’y a « aucune conséquence » pour les gens qui « se ferment les yeux » sur ces violences. « Il faut retirer ce système d’impunité avec des formations obligatoires, de la sensibilisation, pour que ces gens ne puissent plus juste se lancer la balle sans agir », fustige-t-elle.

« Ça ne peut pas être une approche partisane », affirme le fondateur de l’organisme Pour 3 points, Fabrice Vil, en insistant sur la nécessité d’avoir une « approche concertée ». « Les mécanismes en place en ce moment sont insuffisants. Il y a une culture du silence à laquelle il faut s’attaquer tous ensemble », explique-t-il à La Presse, se disant « optimiste » de voir ces changements survenir.

« Nous sommes bombardés de messages nous incitant à dénoncer, comme si c’était facile, sans tenir compte de comment nous, on se sent. De ce dont on a besoin. On ne se sent pas à l’aise de dénoncer, on ne se sent pas en sécurité. On pense que c’est notre faute, on a des idées noires. Surtout quand on sait que le personnel de l’école est au courant, mais que personne ne dit rien ou ne fait rien », renchérit de son côté Kenza Chahidi, membre du groupe La voix des jeunes compte.

Tous ces acteurs demandent au ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, « d’écouter les jeunes » en adoptant une loi-cadre qui s’appliquerait dans tous les milieux éducatifs, du préscolaire jusqu’au secondaire, en passant par la formation générale ou professionnelle. Un tel cadre est déjà en place dans les cégeps et les universités. La coalition demande des « protocoles d’intervention » clairs qui s’appliqueraient systématiquement, ainsi qu’un budget dédié pour l’embauche de ressources spécialisées dans les écoles.

Québec jure être en action

Au cabinet du ministre Roberge, on dit tout mettre en place pour faire des écoles « un milieu épanouissant », avec entre autres la réforme du Protecteur de l’élève, « qui sera plus indépendant, plus transparent et plus accessible, et qui sera un outil essentiel pour améliorer le traitement des plaintes et lutter contre les violences et l’intimidation à l’école », indique l’attaché de presse Florent Tanlet. Le nouveau cours Culture et citoyenneté québécoise abordera aussi l’enjeu des agressions sexuelles, précise-t-il.

Québec rappelle d’ailleurs que « tous les établissements ont l’obligation d’élaborer un plan de lutte contre l’intimidation et la violence ». L’Officier indépendant des plaintes, mis sur pied l’an dernier, est « un outil que les fédérations sportives doivent utiliser pour traiter les plaintes en tout genre », ajoute le cabinet de la ministre responsable des Sports, Isabelle Charest, en réitérant que des ressources sont en place « pour créer un contexte propice à la dénonciation » et engendrer « un réel changement de culture ».

Ce qu’ils ont dit

Ce que les jeunes et les victimes nous disent, c’est qu’elles entendent nos invitations à dénoncer les violences sexuelles, mais qu’elles ne se sentent pas à l’aise de le faire parce que pratiquement rien n’est mis en place dans nos écoles. […] Cette loi est déjà rédigée, je l’ai déposée en octobre. On demande à la CAQ de l’appeler.

Christine Labrie, députée de Québec solidaire

Ce n’est plus suffisant de scander : on vous croit. Ça prend un encadrement clair et les ressources nécessaires dès le premier signalement pour accompagner les victimes tout au long du processus de dénonciation. L’école fait partie de la solution.

Marwah Rizqy, députée du Parti libéral du Québec

Le gouvernement doit absolument déployer à l’ensemble du Québec des protections législatives adéquates. La voix des jeunes compte fait un travail exceptionnel pour interpeller la société. Il doit être entendu.

Méganne Perry Mélançon, députée du Parti québécois