Québec risque de faire face à un problème de recrutement en créant 22 000 nouvelles places en garderie. Le programme de techniques d’éducation à l’enfance attire de moins en moins d’élèves. Entre 2016 et 2020, le nombre d’inscriptions au diplôme d’études collégiales (DEC) est passé de 4167 à 3059, selon les chiffres du ministère de la Famille obtenus par La Presse.

Dans quatre régions du Québec, les inscriptions au DEC ont chuté d’au moins 40 % en quatre ans. C’est le cas en Mauricie, dans Lanaudière, en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent. À Montréal, les inscriptions ont diminué de 24 % pour la même période. L’intérêt pour le programme est resté sensiblement le même à Laval, dans Chaudière-Appalaches et sur la Côte-Nord.

Le ministère de l’Éducation est au fait que le programme de techniques d’éducation à l’enfance éprouve des difficultés en matière de persévérance.

Bryan St-Louis, porte-parole du ministère de la Famille

Le nombre d’admissions à l’attestation d’études collégiales a quant à lui augmenté l’année dernière. Entre 2016 et 2020, les inscriptions sont passées de 3748 à 4191 (+11 %). Les éducateurs qui obtiennent une attestation doivent cependant travailler trois ans avant d’être qualifiés.

Avant la pandémie, les garderies devaient respecter un ratio de deux éducatrices qualifiées sur trois. Depuis la COVID-19, ce ratio a diminué à une sur trois.

« Un goût amer »

Marc Boucher, président de l’Association des enseignantes et enseignants de techniques d’éducation à l’enfance, croit que le gouvernement doit « donner un coup de barre » afin de revaloriser la profession, notamment en offrant de meilleurs salaires. De toutes les techniques, celle d’éducation à l’enfance est la moins bien rémunérée, soutient-il.

En CPE, les éducatrices non qualifiées reçoivent 16,75 $ de l’heure quand elles entrent sur le marché du travail. Les qualifiées gagnent 18,98 $ la première année. Dans les deux cas, leur salaire est plafonné à 25,15 $. Dans les garderies privées, les salaires sont généralement plus bas.

On travaille avec ce qu’il y a de plus précieux dans la province : nos enfants. C’est notre avenir. Pourquoi ça ne peut pas être accompagné d’un salaire à la hauteur de cette responsabilité ?

Marc Boucher, président de l’Association des enseignantes et enseignants de techniques d’éducation à l’enfance

Celui-ci affirme que beaucoup de garderies embauchent du personnel sans expérience à cause de la pénurie de main-d’œuvre. Une éducatrice possédant trois ans d’études peut donc se retrouver à travailler aux côtés de quelqu’un sans formation. « Ça laisse un goût amer, dit M. Boucher. Vous en connaissez beaucoup, des hygiénistes dentaires qui n’ont pas la formation ? »

Problèmes de recrutement

Audrey Laflamme, directrice générale de deux installations privées de 80 et 75 places, affirme que la recherche de personnel qualifié est un véritable problème depuis deux, même trois ans. Elle dépense des centaines de dollars chaque mois pour afficher des offres d’emploi sur l’internet.

Toutes les applications que je reçois n’ont aucun rapport avec l’éducation à l’enfance. Ce sont des candidats qui ne travaillent pas du tout dans le domaine ou ce sont de nouveaux arrivants au Québec.

Audrey Laflamme, directrice générale de deux installations privées

Stéphanie Vachon, représentante des CPE à la FSSS-CSN, est aussi préoccupée par le manque d’intérêt pour le programme de techniques d’éducation à l’enfance. « En ce moment dans les CPE, on a déjà de la difficulté à combler les remplacements, les absences COVID, les congés de maternité. C’est difficile de trouver du monde. Si les 22 000 places sont créées rapidement, il va manquer de personnel pour prendre en charge les enfants. »

Le 26 avril dernier, le ministère de la Famille a annoncé un investissement de 64 millions de dollars pour attirer davantage d’élèves vers l’éducation à l’enfance. Le ministre Mathieu Lacombe a notamment promis de revaloriser le métier d’éducatrice et d’accorder des bourses pour deux stages en milieu de travail.