Des éducatrices à bout de souffle et des parents qui peinent à trouver une place subventionnée en service de garde ont manifesté côte à côte en ce dimanche de la fête des Mères.

Les mouvements citoyens « Ma place au travail » et « Valorisons ma profession » réclament des mesures d’urgence remédier à la pénurie, soutenir les familles en difficulté financière et inciter les travailleuses à rester dans le réseau.

Près de 51 000 enfants figurent présentement sur la liste d’attente du guichet d’accès unique, tandis que l’épuisement pousse certaines éducatrices à carrément quitter la profession, dénonce-t-on.

« Il y a beaucoup de départs. Il y a des filles qui envoient leur CV ailleurs. Il y en a qui tombent l’une après l’autre en épuisement, qui sont en arrêt de travail. Ça n’arrête plus », déplore Émilie Dechamplain, éducatrice en CPE et militante pour une plus grande reconnaissance de sa profession.

Des rassemblements se sont déroulés en fin d’avant-midi dans plusieurs villes de la province, dont Montréal, Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières et Rimouski.

Jointe par téléphone à Québec, l’instigatrice de « Ma place au travail », Myriam Lapointe-Gagnon, a fait état d’un seul et même problème au sein du réseau de services de garde.

« Quand on demande à l’opinion à tout citoyen et citoyenne, ils vont nous dire qu’ils pensent que les tout-petits sont importants, mais le financement ne suit pas », souligne-t-elle.

Et cela n’affecte pas que les enfants, rappelle la jeune maman : « Ce sont des milliers de femmes en congé sans solde compte tenu de la pénurie des places en garderie partout au Québec. »

Son propre bébé de six mois n’aura pas de place avant 2023. « C’est un stress constant pour nous », dit-elle, car elle doit reprendre ses études à l’automne afin de compléter son doctorat en psychologie.

Près de 9000 parents s’impliquent dans le mouvement, deux mois seulement après qu’elle l’ait lancé depuis son salon, avec un simple mot-clic.

Depuis, Myriam Lapointe-Gagnon dit avoir obtenu « beaucoup d’écoute, peu d’actions » du ministre de la famille, Mathieu Lacombe. 

Il nous dit d’attendre, d’attendre, d’attendre. Mais on lui dit qu’en attendant, il y a des parents qui sont dans des situations de précarité inconcevable.

Myriam Lapointe-Gagnon, instigatrice de « Ma place au travail »

Elle revendique une aide financière immédiate pour les familles privées d’un salaire en attendant de pouvoir placer leur enfant, une réduction de la charge administrative pour créer des milieux de garde et des mesures pour le recrutement et la rétention des éducatrices, qui n’ont bénéficié d’aucune prime en temps de pandémie.

Selon Émilie Dechamplain, le problème remonte à bien plus loin que la dernière année, avec les compressions budgétaires des gouvernements précédents, entre autres.

« On n’est pas pris au sérieux, souvent. Il y en a encore plein qui pense qu’on est comme des gardiennes. Ce serait l’fun que les gens comprennent qu’on est des spécialistes du développement de l’enfant de 0 à 5 ans », fait-elle valoir.

Le mouvement « Valorisons ma profession », qui se veut sans affiliation syndicale ou partisane, a permis de réunir environ 5600 membres sur un groupe Facebook en un peu plus d’un mois.

« Notre profession est vraiment magnifique, tient à souligner Mme Dechamplain. M. Lacombe, le réseau qu’il a entre les mains, c’est vraiment un joyau. C’est un réseau qui est envié du reste du Canada et ils ont raison de le dire, mais par contre notre réseau est en crise et il faut agir vite. »

Aucun échéancier

Du côté du cabinet du ministre, on réitère la promesse caquiste de compléter le réseau des services de garde, sans toutefois fournir d’échéancier précis.

De 5000 à 7000 places subventionnées en installation verront le jour dans la prochaine année, estime-t-on.

« Il faut aussi dire que depuis 2014, nous perdons des milliers de places en milieu familial chaque année et la perte a été encore plus importante avec la pandémie », a noté l’attaché de presse du ministre, dans un courriel transmis à La Presse Canadienne.

Le processus de construction d’un CPE passera de trois à deux ans grâce à un récent allègement des règles administratives et d’autres annonces sont à venir, affirme Antoine de la Durantaye.

En campagne électorale, le premier ministre François Legault s’était engagé à libérer pas moins de 50 000 places et ainsi éliminer la liste d’attente grâce à la création des maternelles 4 ans.