Plusieurs universités du Québec enregistrent une baisse du nombre d’étudiantes inscrites au premier cycle d’études en sciences infirmières cette année. Le gouvernement assure faire des pieds et des mains pour attirer plus de recrues, mais les répercussions de la pandémie se font encore sentir dans les établissements d’enseignement.

À l’Université de Montréal, 840 étudiants sont inscrits à la formation initiale du baccalauréat cette année, contre 943 en 2020. Au programme DEC-BAC, ils sont actuellement 199 inscrits, soit une baisse de 21 % par rapport à l’an dernier.

Des baisses dans les inscriptions sont aussi notées dans d’autres universités, particulièrement du côté du programme du DEC-BAC.

Président de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), Luc Mathieu estime que ces baisses des inscriptions dans les universités ne sont « pas alarmantes pour l’instant ». Mais l’OIIQ continuera de suivre la situation de près. « Depuis quelques années, on enregistrait plutôt une hausse des admissions, notamment au DEC-BAC. On pense que c’est plutôt un effet temporaire de la pandémie », dit-il.

Impact de la pandémie

Avec les décrets ministériels adoptés durant la pandémie, plusieurs mesures incitatives ont été offertes aux infirmières et aux étudiantes voulant travailler à temps plein dans le réseau de la santé, explique M. Mathieu.

Vice-doyenne aux études de premier cycle à la faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal, Marjolaine Héon explique que les étudiantes détenant un DEC ont « subi de fortes pressions pour rester dans le réseau de la santé et y travailler à temps plein » pour aider. Nombre d’entre elles ont donc repoussé leur projet de poursuivre une formation universitaire. Une situation qui peut en partie expliquer la baisse de 55 étudiantes au DEC-BAC à l’Université de Montréal cette année.

Mme Héon reconnaît qu’à l’heure où la province a un brûlant besoin d’infirmières, il serait souhaitable que les établissements d’enseignement en forment de plus en plus chaque année. Mais pour elle, les baisses actuelles ne sont pas dramatiques et s’expliquent principalement par « la situation exceptionnelle » de la pandémie.

Au baccalauréat, moins de candidats ont pu être admis cette année à l’Université de Montréal, car des étudiants des cohortes précédentes ont annulé des cours ou suspendu leurs études au plus fort de la pandémie avant de reprendre leur formation cette année.

L’enseignement à distance, ce n’est pas fait pour tout le monde. On a donc un peu moins de nouveaux étudiants parce que certains font un retour.

Marjolaine Héon, vice-doyenne aux études de premier cycle à la faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal

Depuis des semaines, l’Université de Montréal s’affaire à « soutenir la réussite » des étudiantes infirmières au baccalauréat « pour pouvoir augmenter les capacités d’accueil dans les prochaines cohortes », explique Mme Héon.

« Un problème de rétention »

L’attrait pour le baccalauréat en sciences infirmières à l’Université de Montréal, comme dans d’autres universités, était toutefois important cette année, se réjouit Mme Héon. « On a même eu une liste d’attente. Une première depuis plusieurs années », note-t-elle.

Mme Héon juge rassurant de voir que l’attrait pour la profession n’a pas été trop touché par la pandémie. « Les conditions de travail sont souvent décriées. On se demandait si on allait être en mesure d’être aussi attrayants. Et on voit que oui », dit-elle.

Est-ce que la pandémie est venue chercher le côté humaniste des gens ? Peut-être. C’est une profession qui change des vies.

Marjolaine Héon, vice-doyenne aux études de premier cycle à la faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal

À l’Université Laval, on se réjouit aussi « de voir que la profession infirmière demeure populaire et que la qualité de l’enseignement est reconnue et appréciée », indique le porte-parole Jérôme Pelletier.

Pour M. Mathieu, la pénurie d’infirmières qui touche le Québec actuellement est « liée à un problème de rétention plutôt qu’à un problème d’attraction ». Au début de la semaine, l’OIIQ a publié son portrait annuel des effectifs infirmiers et révélé que la province compte 80 491 infirmières inscrites, en hausse de 1,9 % par rapport à l’an dernier.

Au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), on dit « mettre en place des conditions de travail et d’exercice visant à assurer l’attraction et la rétention du personnel, grâce à des initiatives qui permettront de diminuer rapidement la pression sur les équipes de travail et de rééquilibrer la charge de travail du personnel ». Le MSSS tente « d’offrir des horaires de travail plus stables, de réduire le temps supplémentaire et de favoriser la conciliation travail-vie personnelle ».

La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) se dit « fort préoccupée par la baisse de 10 % des inscriptions en soins infirmiers depuis 10 ans ».

Vice-présidente responsable du secteur de l’organisation du travail et de la pratique professionnelle à la FIQ, Isabelle Groulx affirme que « malgré une récente hausse des inscriptions dans certains cégeps de Montréal et de Québec, nous accusons une perte importante dans nos régions ».

Selon Mme Groulx, « il est évident que le gouvernement doit en faire davantage pour l’attraction des futures infirmières et pour contrer cette tendance lourde, notamment au niveau de la promotion de la profession dans les écoles ». Mais « pour arriver à convaincre la relève de choisir cette profession, encore faut-il que les conditions de travail soient attrayantes », soutient-elle.

Les différents chemins

Au Québec, différents cursus peuvent être suivis pour devenir infirmière, notamment :

  • Diplôme d’études collégiales (DEC) de 3 ans en soins infirmiers (infirmière technicienne)
  • DEC de 3 ans en soins infirmiers suivi d’un baccalauréat de 2 ans en sciences infirmières pour devenir infirmière clinicienne (DEC-BAC)
  • DEC de 2 ans en sciences suivi d’un baccalauréat de trois ans en sciences infirmières pour devenir infirmière clinicienne (baccalauréat)

L’Ordre des infirmières et le racisme systémique

Un énoncé de position pour « améliorer les soins aux Premières Nations et aux Inuits en contrant le racisme systémique » sera présenté lundi aux membres de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec lors de leur assemblée générale annuelle. « Cet énoncé met de l’avant des pistes d’action et des recommandations concrètes pour promouvoir la sécurisation culturelle et des relations partenariales optimales auprès des Premières Nations et des Inuits », peut-on lire sur le site de l’Ordre. Une proposition visant à ce que l’OIIQ adopte le « principe de Joyce » sera également discutée. De même qu’une autre visant à ce que l’OIIQ « rappelle que l’obligation de loyauté envers l’employeur dans les services de soins infirmiers vient après les obligations des infirmières et infirmiers à l’égard du public ».