(Québec) La Fédération des cégeps s’inquiète de l’approche « punitive et inadéquate » du gouvernement Legault dans sa réforme de la Charte de la langue française, qui prévoit imposer la réussite de l’épreuve uniforme de français aux étudiants francophones et allophones qui fréquentent un cégep anglophone.

À l’heure actuelle, un étudiant qui fréquente un cégep anglophone – qu’il soit francophone, allophone ou anglophone – doit réussir une épreuve uniforme d’anglais pour obtenir son diplôme d’études collégiales (DEC). À l’opposé, une épreuve uniforme de français est imposée aux étudiants des cégeps francophones, où le taux de réussite global à cet examen oscille selon les années entre 81 % et 86 %.

Dans le projet de loi 96 qui réforme la loi 101, le ministre Simon Jolin-Barrette propose d’imposer la réussite de l’épreuve uniforme de français aux étudiants francophones et allophones qui étudient dans un cégep anglophone. La Fédération des cégeps comprend que ces étudiants devront aussi réussir l’épreuve d’anglais pour obtenir leur DEC.

« L’imposition de deux épreuves à une certaine partie de la population étudiante serait une source majeure d’iniquité en plus d’être un frein important à la diplomation d’étudiantes et d’étudiants qui auraient par ailleurs réussi l’ensemble de leurs cours », a déploré la Fédération mardi, de passage aux auditions publiques du projet de loi 96.

Si « la question du maintien et du développement des compétences en français pour les étudiants qui fréquentent un établissement anglophone est essentielle », a-t-elle dit, l’approche préconisée par Québec est « punitive et inadéquate ».

Selon la Fédération, imposer l’épreuve uniforme de français aux francophones et aux allophones qui fréquentent les cégeps anglophones nécessitera aussi des modifications au Règlement sur le régime des études collégiales pour augmenter le nombre d’heures de cours en français.

« Si, en dépit de son avis, les dispositions législatives liées à cette épreuve ne sont pas retirées du projet de loi, la Fédération propose qu’elles soient modifiées pour qu’une personne issue du système scolaire anglophone et poursuivant ses études en français au cégep ne soit pas soumise à l’épreuve uniforme visant à évaluer ses connaissances en français, cela de manière à ne pas décourager le passage à des études supérieures en français », a ajouté la Fédération.

Encadrement du privé

Dans sa présentation en commission parlementaire, mardi, la Fédération des cégeps a appuyé la volonté du gouvernement d’encadrer le développement de l’effectif étudiant du réseau collégial anglophone, exigeant que l’exercice « se déroule sur une base pluriannuelle ». Dans le projet de loi 96, Québec propose essentiellement de plafonner la proportion d’étudiants inscrits dans le réseau collégial anglophone à 17,5 % et de limiter la création de nouvelles places.

« Même si, de l’avis de la Fédération, la fréquentation des cégeps anglophones n’est pas un enjeu déterminant dans la situation globale du français au Québec, elle appuie cette idée. D’ailleurs, les cégeps anglophones eux-mêmes ne s’opposent pas à la détermination d’un encadrement concernant leur effectif », a-t-elle dit.

Les cégeps souhaitent toutefois que le poids des collèges privés dans le réseau « ne dépasse jamais celui qu’il était en 2019 », craignant que les dispositions prévues par le projet de loi 96 entraînent « un exode d’une certaine partie de la population étudiante vers les collèges privés qui ne seront pas soumis à un plafonnement de leur effectif ».

Dans un mémoire qui a été soumis aux parlementaires, l’Association des collèges privés du Québec estime pour sa part que la réforme de la loi 101 « ne doit pas se transformer en outil de gestion du réseau collégial ni en occasion pour remettre en question le poids relatif du réseau public vis-à-vis le réseau privé qui est observé depuis plusieurs années ».

De plus, ajoute-t-elle, le projet de loi pourrait mettre en péril des collèges privés subventionnés, qui se verraient imposer une gestion des effectifs comme c’est le cas pour les cégeps publics.

« Sous l’apparence d’instaurer une forme d’égalité […], on crée en fait une iniquité, un déséquilibre dans le réseau collégial puisque plusieurs collèges privés subventionnés risquent de disparaitre à court et à moyen terme », prévoit l’Association.

« L’application de quotas, ce plafonnement des effectifs, pourrait engendrer des conséquences désastreuses. Des établissements comme le Collège O’Sullivan de Montréal et le Collège LaSalle risquent de perdre plus de 60 % de leur clientèle. Pour le Collège Marianopolis, cela pourrait signifier une perte allant jusqu’à 40 % de ses effectifs. Aucune organisation, de surcroît des organismes sans but lucratif comme le sont tous nos membres, ne peut survivre à ce genre de pression », conclut l’Association.