(Longueuil) Quelque 73 000 enseignants du primaire et du secondaire représentés par la CSQ ont fait l’école buissonnière durant quelques heures ou minutes, selon le cas, mercredi matin avec une grève de nuit qui a pris fin à 9 h 30, comme prévu.

Le fait d’être en grève durant une courte période allant juste au-delà de l’heure d’ouverture des écoles a entraîné des réactions « à géométrie très variable » des centres de services scolaires, selon une représentante de la CSQ, dont les membres avaient choisi ce moyen de pression en guise de coup de semonce au gouvernement Legault.

Ainsi, des établissements ont retardé l’heure de début des cours, d’autres ont décidé de n’ouvrir qu’à midi alors que certains n’ont pas ouvert du tout. Pendant ce temps, le transport scolaire scolaire, lui, a dû s’adapter à un horaire différent ou ne pas desservir certaines routes.

La grogne des enseignants porte sur les conditions salariales, mais aussi sur la charge de travail et le manque de services aux élèves. Les professeurs ne cachent pas leur vive déception face au gouvernement caquiste qui a failli à ses engagements électoraux en telle matière.

Engagements non respectés

« On n’est même pas capable présentement du côté du gouvernement de respecter ses engagements tenus avant la campagne électorale, pendant la campagne électorale et depuis ses premières années de mandat », s’insurge Éric Gingras, président du Syndicat de Champlain (CSQ).

« Après plus d’un an de négociation, on veut arriver à une convention collective qui va permettre d’améliorer les conditions de travail. La pandémie est venue exacerber les problèmes en éducation qui existaient avant, qui existeront après. »

Du côté des salaires, la CSQ note que même l’augmentation supérieure consentie à ceux qui entrent en poste ne correspond pas aux promesses caquistes, pas plus que les éléments de rétention, alors que l’écart entre les salaires et conditions à travers le Canada et ceux du Québec demeure important.

« Le ministre (Jean-François) Roberge avait dit vouloir abolir les premiers échelons pour permettre d’entrer avec un salaire plus élevé, peste M. Gingras. Ce n’est pas ce qu’ils ont offert. Ils ont offert une augmentation plus importante aux premiers échelons qui est loin de l’amélioration souhaitée par l’abolition des premiers échelons. »

Surcharge en croissance

Du côté des conditions de travail, les professeurs dénoncent l’alourdissement constant de leurs tâches avec des classes de plus en plus nombreuses et l’ajout de nouveaux programmes, de même qu’une surcharge de responsabilités imputable à un manque de services aux élèves que plusieurs enseignants assument eux-mêmes.

« Il faut que l’enseignant puisse enseigner. Ça devrait être la base de sa tâche et non pas de s’occuper de comités, de programmes imposés pour le financement, de remplir des tonnes de documents parce qu’il y a un professionnel externe, du secteur privé, qui suit l’enfant parce que l’enfant n’a pas de services dans l’école », a illustré le syndicaliste.

« C’est une chose d’en faire un peu à côté de l’enseignement, mais présentement on en fait beaucoup trop. »

« Un moyen de dernier recours »

À Québec, la porte-parole de Québec solidaire en matière d’éducation, Christine Labrie, a dit comprendre les difficultés que cette grève impose aux parents, dont certains ont dû s’absenter du travail. Mais elle a invoqué à son tour la charge de travail des enseignants, rappelant que « la grève, c’est un moyen de dernier recours que les enseignants prennent pour essayer d’améliorer les conditions d’éducation des élèves ».

La députée de Sherbrooke a fait valoir qu’on pouvait difficilement accuser les enseignants d’être gourmands.

« Les enseignants qui font la grève aujourd’hui sont en train de se battre pour les enfants. Ils sont en train de se battre pour améliorer les conditions d’apprentissage des élèves. Si c’était seulement leur intérêt qui était en cause, ça fait longtemps qu’ils auraient quitté le milieu de l’éducation. »

Elle a de plus invité chroniqueurs et politiciens à ne pas culpabiliser les enseignants pour leur geste, notant au passage qu’il n’y a pas de moment idéal pour déclencher un arrêt de travail, aussi court soit-il.

« À peu près tout le monde remet en question le “timing” quand il est question d’une grève. Moi je serais curieuse que ces gens-là nous disent : c’est quoi le bon “timing” pour faire une grève. Le bon “timing”, c’est quand ça n’avance pas dans la négociation d’une convention collective. Donc on en est à ce point-là. »

Les centres de services scolaires et les commissions scolaires anglophones avaient demandé une injonction à la Cour supérieure pour empêcher la tenue de la grève, mais le tribunal a rejeté la requête, estimant qu’on lui demandait de suspendre l’exercice d’une grève pourtant légale.

La Cour avait ensuite renvoyé les parties débattre devant le Tribunal administratif du travail, mais l’étape de conciliation préalable, habituelle dans les causes de cette nature, avait permis d’établir des paramètres satisfaisants pour les gestionnaires scolaires et le syndicat.

Ils ont dit

On travaille avec des élèves en difficulté, on voit les coupures de service, on nous en demande tout le temps plus, on est épuisés et c’est sûr que ça diminue la qualité de l’enseignement d’avoir des groupes de 36 élèves qui ont tous des besoins.

Émilie, enseignante

Qu’on cesse les coupures dans les services aux élèves, parce que de plus en plus on voit des coupures et les élèves n’ont plus accès aux services. On voit les impacts directement dans nos classes, avec des élèves en difficulté, qui ne sont pas capables de s’en sortir et on n’a pas les outils pour leur venir en aide.

Alexia, enseignante

Ce qui nous ferait plaisir, c’est le bien-être des enfants, des services qui seraient améliorés pour les élèves. Il y a aussi l’aménagement de la tâche des enseignants qui devient de plus en plus lourde.

Ahmed, enseignant

Qu’on s’occupe en priorité de ce que les jeunes ont besoin et qu’on le leur donne. Ce qu’on veut, c’est aider les jeunes à réussir dans une atmosphère, des conditions adéquates. Il nous manque des ressources dans les écoles et il faudrait un nombre d’élèves plus restreint dans les classes.

Annie, enseignante

Qu’on s’approche un peu plus des salaires en Ontario. Au Québec, on est encore les plus sous-payés. On fait le même travail. On veut avoir la même qualité de vie.

Antoine, enseignant

Ce qui nous ferait le plus plaisir, c’est qu’on nous reconnaisse premièrement au niveau de la tâche. C’est lourd, on a des responsabilités. C’est sûr que moins d’élèves par classe, ça aiderait beaucoup, mais ça fait des années qu’on le demande. On demande des services pour les élèves. Les enseignants, on en fait beaucoup. Il faut avoir un respect pour la profession et pour le travail qu’on fait.

Marie-Irma, enseignante