(Montréal) Le milieu nationaliste québécois applaudit la décision du gouvernement Legault d’abolir le cours d’éthique et culture religieuse, ou du moins de vouloir le transformer.

En janvier, le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge avait fait observer en annonçant une consultation pour la révision en profondeur du cours que celui-ci faisait l’objet de nombreuses critiques d’experts et dans le milieu scolaire.

Les nationalistes reprochaient notamment au cours de favoriser le multiculturalisme canadien dans l’esprit des jeunes Québécois.

Nadia El-Mabrouk, une professeure du département d’informatique de l’Université de Montréal, une des plus vives opposantes au cours, disait que le cours définissait les citoyens par leur religion. Selon elle, le cours est responsable de la faible popularité de la Loi sur la laïcité auprès des jeunes.

Elle n’est pas la seule à le croire.

En janvier, l’ancien chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, a écrit sur son blogue qu’il est « difficile de ne pas voir une relation de cause à effet entre ce cours et le fait que les Québécois de 18 à 24 ans, donc qui ont été exposés au cours, soient les moins favorables à l’interdiction des signes religieux pour les personnes en autorité ».

Pour Sabrina Jafralie, une enseignante qui donnait le cours dans une école secondaire de Montréal, la décision est un autre signe de l’influence croissante du nationalisme québécois sur le gouvernement caquiste.

Mme Jafralie dit que le cours montrait aux élèves que le Québec était peuplé de gens dotés de croyances différentes. On n’enseigne pas aux jeunes à être plus religieux, souligne-t-elle, on leur explique pourquoi certains le sont.

« Mais le gouvernement veut remplacer cette capacité à examiner et à explorer le sentiment religieux par leur propre religion - la laïcité », déplore-t-elle.

Le cours visait à exposer les élèves aux religions que l’on retrouve sur la planète. « On s’intéresse aussi au judaïsme et aux spiritualités des peuples autochtones, qui ont marqué ce patrimoine, de même qu’à d’autres religions qui contribuent aujourd’hui à la culture québécoise », pouvait-on lire dans le curriculum du cours.

Selon Mme El-Mabrouk, cette description est au cœur du problème.

Elle déplore que toutes les pratiques religieuses soient placées sur un pied d’égalité, qu’elles soient contraires ou non aux valeurs québécoises comme l’égalité entre les femmes et les hommes.

« Le cours est fondé sur une vision du vivre ensemble liée au multiculturalisme, mais nous avons changé de direction », fait valoir Mme El-Mabrouk en rappelant l’adoption de la Loi sur la laïcité.

Un porte-parole du ministre de l’Éducation, Francis Bouchard, dit que le gouvernement québécois reconnaît que les élèves doivent avoir des connaissances sur les religions importantes pour mieux comprendre le monde. Toutefois, la religion « occupe une place trop grande » dans le cours, ajoute-t-il dans un courriel. L’objectif du futur cours ne sera pas de retirer l’aspect religieux, mais de rééquilibrer le contenu avec « d’autres concepts afin de préparer les jeunes à la société québécoise. »

Cela inclut des thèmes comme l’environnement, la littératie numérique et la participation à la vie démocratique, mentionne M. Bouchard.

Mme El-Mabrouk croit qu’on devrait abandonner purement et simplement. Enseigner les religions à l’école est correct, mais à condition de ne pas lier le cours à l’éthique, argue-t-elle. Le discours religieux doit être étudié dans des cours portant sur la politique, la science ou la géographie, poursuit l’universitaire. Ce cours devrait être réservé aux élèves plus vieux qui ont les « outils intellectuels » pour digérer la matière.

« Quelle est la meilleure façon d’apprendre aux enfants de vivre en société, de vivre avec les autres ? C’est de leur donner plus de temps pour le sport, les activités culturelles, leur donner la chance de se parler. C’est dans les vraies situations de la vie que les enfants apprennent à être ensemble. »

Mme Jafralie continue de défendre le contenu du cours, disant qu’il reflétait la réalité québécoise. Le changer est un déni.

« On semble vouloir éradiquer cette [réalité], on veut que les valeurs des jeunes soient plus “québécoises”, mais c’est le [gouvernement] qui définit ce qu’est être québécois. »