Amputer l’heure du repas, finir l’école plus tard, commencer les cours plus tôt : bien des écoles au Québec doivent se pencher sur la manière d’intégrer les deux récréations de 20 minutes que souhaite instaurer Québec dès la prochaine rentrée. Chez les parents comme chez les enseignants, les changements d’horaire envisagés font des mécontents.

Deux : c’est le nombre d’écoles primaires de la Commission scolaire de Laval (CSDL) qui ont des récréations l’après-midi. Au cours des dernières semaines, il a donc fallu user d’imagination pour savoir comment intégrer une période de détente — c’est le nom officiel — dans les horaires des 54 autres écoles, déjà gérés à la minute près.

« La possibilité qu’on a, c’est d’allonger la journée. On a travaillé nos horaires pour qu’il y ait le moins de coûts possible. C’est un casse-tête Tetris pour nos autobus. On en a qui font jusqu’à quatre transports le matin et quatre l’après-midi », explique Louise Lortie, présidente de la CSDL.

PHOTO FOURNIE PAR ÉQUIPE LOUISE LORTIE

Louise Lortie, présidente de la CSDL

La présidente se défend d’entrée de jeu : elle est enseignante d’éducation physique de formation et trouve que les deux récréations de 20 minutes sont une « excellente idée ». Mais la réalité est plus complexe.

Comme d’autres parents, le président du conseil d’établissement de l’école Paul-Comtois, qui accueille environ 400 élèves de la maternelle à la deuxième année, aimerait qu’on trouve une autre solution que de rallonger la journée des petits, qui pourraient l’an prochain terminer les classes à 16 h 05.

« L’enjeu qu’on voit, c’est que plus on avance dans la journée, moins les enfants sont attentifs. En ce moment, la cinquième période est déjà difficile. De 15 h à 16 h, l’attention d’un enfant est diminuée. » — Gaétan Vallée, de l’école Paul-Comtois

Comme l’école est un pôle de services spécialisés pour les élèves avec des troubles de langage, certains font jusqu’à 45 minutes d’autobus pour se rendre à l’école, ce qui allonge d’autant leur journée, explique en outre le président du conseil d’établissement.

La CSDL est bien au fait des « insatisfactions » qu’engendrent ces changements d’horaire, tant chez les parents que les enseignants. Elle a officiellement demandé au ministre de l’Éducation Jean-François Roberge de reporter sa décision d’un an.

« Ça nous donnera le temps de travailler nos horaires. C’est pointu, les horaires d’autobus, on fait plus de kilométrage chaque jour que la Société de transport de Laval », dit Louise Lortie. Il faut aussi penser aux élèves handicapés, rappelle la présidente. Qui paiera leurs accompagnateurs s’ils restent 20 minutes de plus à l’école chaque jour ? demande-t-elle.

Québec a déjà opposé une fin de non-recevoir à la Fédération des commissions scolaires du Québec, qui réclame au minimum 20 millions de dollars par année pour financer la mesure.

Des enseignants mécontents

C’est aux enseignants qu’il revient de surveiller les enfants pendant les récréations. Si 20 minutes de plus dans une journée, ce n’est « pratiquement rien pour le commun des mortels », ce sont des minutes qui s’ajoutent à la tâche déjà chargée des enseignants, dit la présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE).

Vendredi dernier, la FSE a mis en ligne une pétition pour demander au ministre de l’Éducation de surseoir à son projet de règlement sur les deux récréations obligatoires. L’organisation des transports scolaires, la petitesse de certaines cours d’école et la pénurie d’enseignants figurent au nombre des obstacles énoncés.

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Josée Scalabrini, présidente de la FSE

« On a besoin d’air : il y a des problèmes en éducation. On veut prendre le temps de faire les choses correctement, tout simplement, pour qu’encore une fois, ça ne soit pas seulement sur les épaules des enseignants. » — Josée Scalabrini, présidentes de la Fédération des syndicats de l’enseignement

Elle assure que ses membres — souvent eux aussi des parents — ne sont pas contre le principe de faire bouger les enfants.

« Ce qu’on déplore, c’est que ce soit une solution qui vient d’en haut sans qu’on ait vérifié pourquoi ça ne se faisait pas dans certains milieux, poursuit la présidente de la FSE. On va ajouter des 20 minutes de récréation, quitte à faire rentrer des enfants à l’heure du midi ? On va couper là-dessus ? », demande Josée Scalabrini, faisant écho à une solution trouvée par certaines commissions scolaires, qui ont choisi d’amputer l’heure du repas.

Il n’est pas dans les plans du ministre de l’Éducation Jean-François Roberge de reporter l’entrée en vigueur du règlement, indique son attaché de presse. « Nous allons prendre en considération les avis reçus durant la période de consultation sur le projet de règlement », assure toutefois Francis Bouchard.