Les arts sont le parent pauvre de l'école montréalaise et la situation empire en raison du manque d'espace, ont dénoncé hier soir des enseignantes devant les commissaires de la Commission scolaire de Montréal (CSDM).

S'il semble acquis qu'une école doit avoir un gymnase où on enseigne l'éducation physique, la surpopulation dans les écoles montréalaises a mis à mal les locaux d'art, ont déploré une dizaine d'enseignantes.

Elles ne manquent pas d'exemples pour illustrer leur réalité : des cours d'art dramatique donnés dans la cuisine d'un service de garde ou dans un corridor, des professeurs d'arts plastiques qui doivent transporter de l'eau dans des seaux, faute d'évier en classe, des professeurs de musique qui déplacent leurs instruments sur un chariot depuis des années parce qu'ils n'ont pas de local réservé.

« Ce n'est pas normal que la majorité des enseignantes se déplacent de classe en classe avec un chariot. Ce n'est pas un enseignement de qualité, ce n'est pas ce pour quoi on est formées », a déploré devant les commissaires Isabelle Veilleux, qui enseigne les arts plastiques.

La perte des locaux traditionnellement réservés aux arts dans une école a un « impact majeur » sur l'enseignement, disent les enseignantes. Comme les locaux d'art sont souvent les premiers amputés lorsqu'une école manque de place pour accueillir ses élèves, la disparition physique de ces lieux donne à croire que la matière n'est pas importante, ajoutent-elles.

« Pourquoi attend-on de couper les bibliothèques et les locaux d'art avant de finalement se décider à agrandir une école ou à ajouter des modulaires ? C'est un désaveu de ce qu'on fait. » - Dominique Lachance, enseignante d'arts plastiques à la CSDM

Une de ses collègues qui a refusé d'être identifiée croit que la volonté politique d'accorder de l'importance aux arts n'y est tout simplement pas.

« L'an dernier, on m'a attribué la cuisine d'un service de garde pour enseigner l'art dramatique. Je me suis fait dire que j'allais apprendre à m'adapter. Ce n'est pas mon local, c'est le local de mes élèves ! », dit-elle. Après une année où elle estime « avoir fait ses preuves », la direction de l'école lui a trouvé cette année un local.

La présidente de la CSDM a assuré aux enseignantes que les locaux d'art demeuraient une « préoccupation » dans l'agrandissement et la construction d'écoles.

Classes dans les écoles anglophones

Le manque criant d'espace dans les écoles de la CSDM ne pourra pas être réglé simplement en louant des classes dans les écoles anglophones, a par ailleurs relevé sa présidente Catherine Harel Bourdon, hier.

En conférence de presse plus tôt cette semaine, le ministre de l'Éducation Jean-François Roberge a affirmé que dès janvier, des classes seraient louées dans les écoles anglophones pour y installer des élèves qui étudient en français.

Ce n'est pas si simple, nuance la présidente de la CSDM. Dans certains quartiers comme Notre-Dame-de-Grâce ou Mercier, les écoles tant francophones qu'anglophones débordent, dit Catherine Harel Bourdon.

« S'il reste trois classes dans une école, est-ce qu'on va transporter des élèves de 4 ans en autobus ? Ça prend un volume de classes, on ne va pas séparer les enfants d'un même secteur à trois endroits. Imaginez-vous s'il y a des frères et soeurs là-dedans. » - Catherine Harel Bourdon, présidente de la CSDM

Au conseil des commissaires hier soir, la présidente de la CSDM a assuré qu'elle allait « continuer les démarches auprès [de la commission scolaire] English-Montréal, avoir une rencontre politico-administrative comme l'an dernier ».

Le porte-parole de la commission scolaire English-Montréal (CESM) affirme pour sa part ne pas avoir été sollicité cette année par la CSDM pour la location de locaux ou d'écoles même si, dit-il, les deux commissions scolaires ont « de bons dialogues ».

« Ils ne nous ont pas demandé d'espace cette année. Ils l'ont fait il y a deux ans quand il y a eu un problème avec une école primaire dans NDG. On a proposé deux endroits, mais ce n'était pas bon pour eux », explique Michael J. Cohen, porte-parole de la CSEM.

Silence du côté du ministère

S'il est une chose sur laquelle les deux commissions scolaires s'entendent, c'est qu'elles n'ont pas entendu un mot du ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge.

« J'ai fait plusieurs demandes pour une rencontre. Il devait me voir après la session parlementaire et je n'ai pas eu de nouvelles. Ça urge de se rencontrer au retour des Fêtes, cette question d'espace est importante », dit la présidente de la CSDM, Catherine Harel Bourdon. « On a quand même 10 % des élèves du Québec », ajoute-t-elle.

« Je pense que c'est important que le ministre communique avec nous pour préciser quelles sont ses demandes, abonde Michael J. Cohen. On ne comprend pas ce que le ministre dit quand il dit qu'il veut abolir les commissions scolaires. Ce n'est pas un très bon moment pour les commissions scolaires, ce n'est pas une bonne atmosphère pour travailler », dit le porte-parole de la CSEM.