Les deux manuels d'histoire du Québec et du Canada utilisés dans les écoles secondaires sont inadéquats et devraient être retirés, conclut un comité d'experts mandaté par la plus importante commission scolaire anglophone de la province.

Les élèves de troisième et quatrième secondaires apprennent une « version partiale et unilatérale » de l'histoire canadienne et québécoise, conclut le comité dans son rapport, que La Presse canadienne a obtenu. Ce rapport est le fruit du travail de trois historiens mandatés par la Commission scolaire English-Montréal pour examiner le programme d'histoire, qui a déjà été l'objet de critiques de la part d'Autochtones, d'anglophones et de communautés culturelles.

Les auteurs du rapport soutiennent que le programme, obligatoire dans toutes les écoles secondaires du Québec depuis septembre 2017, « se concentre de façon très étroite sur l'expérience et les événements du groupe ethnique/linguistique/culturel des Québécois francophones, depuis les premiers contacts (avec les Autochtones) jusqu'à aujourd'hui ». Les historiens estiment que les peuples autochtones sont présentés tout au long du cours comme « l'autre, antagoniste, plutôt que des êtres humains dont le territoire a été colonisé par des étrangers ».

Les textes des deux manuels d'histoire ignorent dans l'ensemble la contribution des immigrants irlandais, italiens, grecs, portugais, haïtiens et autres, et ils n'expliquent pas comment « ces groupes ont contribué à transformer Montréal », poursuit-on. Selon le rapport, l'histoire des Noirs est pratiquement ignorée, « et les femmes sont reléguées à quelques encadrés ou paragraphes distincts ».

Le rapport conclut que ces manuels « fondamentalement déficients [...] doivent être retirés de toutes les écoles secondaires ». Reconnaissant que les élèves ne peuvent être laissés sans outils, les trois experts recommandent de continuer à utiliser les manuels actuels jusqu'en juin 2021, date à laquelle des versions corrigées pourraient être distribuées.

Un porte-parole du ministère de l'Éducation n'était pas immédiatement disponible jeudi pour commenter le rapport.

Un enseignement toujours controversé

Une source proche de la Commission scolaire English-Montréal (CSEM) a confié à La Presse canadienne que le rapport, daté d'octobre 2018, avait été soumis aux commissaires mercredi soir. Le porte-parole de la CSEM, Michael Cohen, a refusé de spéculer sur les suites que donnera la commission à son initiative.

Le comité d'experts était formé de Terry Copp, historien militaire et professeur émérite à l'Université Wilfrid-Laurier, en Ontario, Jennifer Lonergan, historienne canadienne et entrepreneure sociale à Montréal, et John Zucchi, professeur d'histoire à l'Université McGill.

Comme c'est souvent le cas dans cette science sociale, le nouveau programme d'histoire du Québec et du Canada a fait l'objet de critiques dès sa mise en oeuvre par le gouvernement libéral de Philippe Couillard comme projet pilote dans 30 écoles secondaires entre 2015 et 2017. Le nouveau programme avait été conçu en 2013 sous la supervision du professeur de sociologie Jacques Beauchemin, à la demande du gouvernement péquiste de Pauline Marois.

Les groupes de défense des droits des anglophones ou des Autochtones, et certains professeurs d'histoire, ont adressé les critiques les plus sévères à l'égard de ce nouveau programme, qui reflétait selon eux une idéologie nationaliste rigide et minimisait le rôle des non-francophones dans l'histoire du Québec. Le gouvernement Couillard a dépensé 1,6 million plus tôt cette année pour remplacer notamment le mot « Amérindien » dans les manuels scolaires par « Premières Nations », « Inuits » ou « Autochtones », selon le cas.

Un porte-parole au ministère de l'Éducation déclarait à La Presse canadienne en septembre qu'en plus d'éliminer le terme « Amérindiens », le contenu de l'histoire autochtone avait aussi été modifié. Par exemple, certaines images décrivant les peuples autochtones de manière stéréotypée ont été modifiées, des biographies de personnages historiques autochtones ont été ajoutées, et une plus grande attention a été accordée au rôle des peuples autochtones dans des événements clés de l'histoire du Québec et du Canada.