« C'est pas vrai qu'en 2017, au Québec, je vais changer mon enfant d'école parce qu'il est noir ! », s'offusque Adrienne Charles. Cette année, ses deux fils de 8 et 11 ans se sont fait traiter plusieurs fois de « nègres » par des camarades de leur école de Rosemère. Or, la commission scolaire anglophone Sir-Wilfrid-Laurier est incapable de mettre fin à ces propos « racistes » et « inadmissibles », s'exaspère-t-elle.

« On est en 2017 et à Rosemère, il y a encore des enfants au primaire, et même dès la maternelle, qui se font traiter de nègres. Ça va vraiment loin ! Il y en a un qui a même frappé mon fils parce qu'il est noir ! », s'indigne Adrienne Charles, une femme noire francophone qui a grandi à Montréal-Nord.

Ses deux fils sont les seuls élèves noirs de l'école primaire anglophone McCaig Elementary School de Rosemère, sur la Rive-Nord de Montréal. Dès leur entrée à l'école, les garçons ont été la cible des autres élèves en raison de la couleur de leur peau, soutient Adrienne Charles. Mais jamais le mot « nègre » n'avait été utilisé pour les insulter dans les deux dernières années.

« Mais cette année, c'est la totale ! J'ai noté cinq évènements à caractère raciste où mes enfants se sont fait traiter de nègres [par d'autres enfants]. C'est des : "Hey, the nigger" dans l'autobus. [Mercredi dernier], mes enfants étaient sur le chemin du retour et un autre enfant a dit : "Hey, the golden nigger !" », s'indigne Adrienne Charles, consternée par l'intimidation dont sont victimes ses enfants. Dans un autre incident, une fillette a refusé de serrer la main de son fils à la demande de la directrice adjointe, parce qu'elle refusait de « toucher à un Noir », ajoute-t-elle.

Son plus jeune fils, en deuxième année du primaire et aux prises avec des difficultés d'apprentissage, a récemment posé des questions crève-coeur à sa mère. « Il m'a dit : "Maman, pourquoi on nous aime pas ? C'est-tu parce que je suis raciste ? Pourquoi les Noirs, c'est pas bon ?" », raconte-t-elle, atterrée.

Adrienne Charles convient que la direction de l'école McCaig intervient à chaque incident et rencontre les élèves concernés. Toutefois, ces interventions sont insuffisantes, martèle-t-elle. 

« Il va falloir faire quelque chose. Sinon, est-ce que ça veut dire que pour encore quatre ans, ils vont se faire traiter de nègres? Je ne dis pas que l'école ne fait rien. Mais elle n'a pas la bonne technique. » - Adrienne Charles

Une mesure préventive pourtant simple pourrait être prise, selon Adrienne Charles : envoyer une lettre à tous les parents de l'école pour leur rappeler que « certains propos sont inadmissibles ». Or, l'école a refusé de le faire. Adrienne Charles a également porté plainte à la commission scolaire. Elle s'est toutefois butée à un refus d'en faire « plus que ce qui est dans le programme du Ministère » en matière de lutte contre l'intimidation, déplore-t-elle. « Si on ne corrige pas ça, ça va se répéter ! On peut-tu trouver une solution ? On m'a dit : "Il n'y a rien de plus à faire", lance-t-elle, abasourdie. Comme mère, je ne peux pas dire : il n'y a rien à faire, on va laisser ça comme ça ! »

UN PROBLÈME PLUS PROFOND?

Appelée à réagir, la direction de l'école McCaig nous a dirigés vers la commission scolaire, laquelle a refusé de nous accorder une entrevue et de commenter le cas de Mme Charles. « La commission scolaire prend toujours ces cas très au sérieux et s'assure, avec diligence, de faire les suivis et interventions nécessaires afin d'assurer la sécurité et le bien-être de tous nos élèves. D'ailleurs, chacune de nos écoles s'est dotée d'un plan d'intervention afin de contrer toute forme d'intimidation ou de violence. Il nous est impossible de discuter du cas particulier d'élèves », a indiqué par courriel Paul Lamoureux, directeur général de la commission scolaire Sir-Wilfrid-Laurier, la troisième institution scolaire anglophone en importance au Québec.

Adrienne Charles se questionne sur la provenance de tels propos racistes prononcés par des enfants parfois âgés d'à peine 7 ou 8 ans. « Ce sont peut-être des enfants qui n'ont pas l'habitude de fréquenter des gens à la peau noire. Mais où est-ce qu'ils trouvent ces mots-là ? Ça ne leur est pas sorti de la tête. Est-ce que la communauté de Rosemère est comme ça ? Je ne peux pas m'avancer pour dire ça », dit-elle.

Environ 9 % de la population de Rosemère, une ville de 14 268 habitants, est née à l'étranger, soit un peu moins que la moyenne québécoise. Les anglophones sont toutefois deux fois plus nombreux que dans le reste de la province (12,9 % contre 7,7 %). Outre le français et l'anglais, l'arabe, le portugais et le russe sont les langues les plus parlées à la maison par les Rosemérois.