Cinq jours après la publication d'un reportage de La Presse sur les tensions et l'intimidation au collège de Maisonneuve, la direction du cégep a réagi, hier en toute fin de journée, en disant vouloir «rétablir les faits».

Les sources de La Presse, qui souhaitent conserver l'anonymat pour des questions de sécurité, maintiennent toutefois leur version des faits.

Vendredi, nous avons révélé que le collège de Maisonneuve a été le théâtre de plusieurs incidents parfois violents dans les derniers mois, alors que des groupes d'élèves semblent avoir pris le contrôle de certains secteurs du cégep, où ils font la pluie et le beau temps. Des employés se disent intimidés. Une bataille a fait des blessés et forcé la police à intervenir.

Selon nos sources, l'une des personnes impliquées dans l'événement fait partie du groupe de dix jeunes Montréalais arrêtés en mai dernier à l'aéroport de Montréal alors qu'ils tentaient d'aller grossir les rangs d'un groupe islamiste en Syrie. Le jeune homme est un élève du cégep.

On parle aussi de cas d'intimidation et même de menaces contre des employés et des élèves au cinquième étage de la bibliothèque.

Dans un communiqué de presse diffusé hier après-midi sur l'internet, le Collège nie qu'un des protagonistes de la bataille fasse partie du groupe de radicaux interceptés à l'aéroport. «La lecture faite par le Service de la sécurité et le visionnement des caméras de surveillance prouvent qu'il n'y a pas eu d'agression à l'arme blanche, qu'aucun participant à cette bataille ne fait partie du groupe de jeunes interceptés l'an dernier à l'aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau», lit-on. La direction qualifie l'altercation «d'incident isolé». 

Le Collège précise que l'instigateur de la bataille a été expulsé.

Des témoins persistent et signent

Les sources de La Presse, dont deux étaient présentes lors de la bataille qui a commencé en soirée le 7 décembre par un échange d'insultes dans l'établissement avant de se transporter dans le stationnement, ont réitéré le rôle joué par le jeune aspirant djihadiste dans l'événement. Bien qu'il n'ait pas été expulsé, il aurait été présent «durant toute la bagarre» et aurait dit aux victimes qu'elles «avaient eu ce qu'elles méritaient». Il aurait aussi proféré des insultes et dit à un autre élève qu'il «aurait aimé se battre avec lui».

Les deux personnes présentes ont aussi confirmé qu'un des hommes qui attendaient les victimes dehors dans le stationnement de l'établissement, après la première altercation, a sorti un couteau. 

La semaine dernière, le syndicat des professeurs avait aussi parlé d'une «bataille avec une arme blanche».

Jeudi, la directrice des affaires corporatives et des communications par intérim, Line Légaré, a affirmé à La Presse que la direction ne connaissait pas l'identité des élèves qui souhaitaient partir en Syrie.

Vendredi, les révélations de La Presse ont été jugées à ce point sérieuses que deux ministres, soit ceux de l'Éducation et de la Sécurité publique, ont demandé a la direction du collège de Maisonneuve de «prendre ses responsabilités» et d'assurer la sécurité entre ses murs.

La députée du Parti québécois Agnès Maltais avait pour sa part lié les événements survenus au cégep à l'intégrisme religieux.

La version officielle contredite

Depuis la publication de notre reportage, de nombreux employés du collège de Maisonneuve nous ont écrit séparément pour nous faire part de leur inquiétude par rapport au climat qui règne actuellement dans l'établissement et pour contredire la version officielle de leur employeur.

Hier, dans son communiqué, le Collège s'est dit «victime d'un traitement médiatique qui a pris des proportions démesurées. La direction ne veut en aucun cas banaliser les événements survenus, mais dénonce l'amalgame de liens qui ont été faits dans les médias».

«La direction et les représentants de tous les groupes syndicaux et des étudiants affirment sans équivoque que la situation dépeinte dans les médias est à mille lieues de la réalité.»

Cinq élèves du collège de Maisonneuve ont quitté le Canada en janvier 2015 pour se rendre en Syrie et en Irak. Quatre, incluant celui dont il est question dans cet article, ont été interceptés en mai à l'aéroport. Deux autres sont derrière les barreaux en attendant leur procès pour avoir eu des substances explosives en leur possession dans un but terroriste.