Le ministre de l'Éducation, François Blais, « appuie sans réserve » le recteur de l'UQAM, mais il dit non à sa demande de reconnaître et d'encadrer le droit de grève des étudiants en vue d'apaiser les tensions.

« Nous ne croyons pas à ce droit-là », a-t-il affirmé en conférence de presse jeudi, au lendemain du saccage survenu dans un pavillon de l'UQAM. Ce sont, a-t-il dit, des « événements malheureux, innommables », provoqués par des « individus sinistres ».

« Devant un tel affront à la démocratie, à l'État de droit et à la tradition millénaire de l'université tolérante et plurielle, il n'y a qu'une seule chose à faire comme ministre de l'Éducation, membre du gouvernement et au nom de tous les Québécois : c'est d'appuyer sans réserve la décision du recteur Proulx. Nous appuyons du coup l'ensemble des recteurs qui font respecter aujourd'hui le droit d'étudier au Québec », a ajouté M. Blais.

Selon lui, le recteur Robert Proulx a utilisé les moyens mis à sa disposition de façon « très graduelle » et a bien fait, jeudi, de demander l'intervention des policiers devant la violence croissante des manifestants. « La direction de l'UQAM, après analyse de la situation, a posé les gestes qui s'imposaient pour faire respecter les règles qui régissent une société de droit », a soutenu le ministre. Au total, 22 personnes ont été arrêtées hier - une seule lors de l'occupation d'un pavillon où une centaine de manifestants étaient réunis en soirée. « Je ne commenterai jamais le travail des policiers », a dit M. Blais. Selon ce que lui a signalé M. Proulx, plusieurs manifestants n'étaient pas des étudiants.

Au cours des dernières semaines, le recteur Proulx a décidé d'utiliser plusieurs moyens mis à sa disposition comme l'a recommandé le gouvernement Couillard : il a entrepris les démarches pour expulser neuf étudiants, il a obtenu une injonction pour assurer la tenue des cours, il a demandé l'intervention des agents de sécurité puis de la police devant les levées de cours forcées.

La loi oblige les établissements à dispenser les cours, malgré les votes de grève. Mais ils ont aussi la responsabilité d'assurer la sécurité des étudiants et du personnel.

Se disant coincé entre ceux qui proclament le droit de grève et ceux qui réclament d'avoir leurs cours, le recteur a déclaré en entrevue à La Presse qu'il demande au gouvernement de reconnaître formellement et d'encadrer le droit de grève des étudiants.

« Nous ne reconnaissons pas le droit de certaines personnes, même suite à un processus démocratique quel qu'il soit, d'empêcher d'autres personnes d'étudier », a répondu le ministre. Il a fait valoir que le recteur Proulx ne lui a pas demandé directement, lors d'un entretien téléphonique jeudi matin, d'encadrer le droit de grève. De toute façon, a dit le ministre, cette question « n'est pas l'enjeu actuellement ». Il a déclaré du bout des lèvres qu'« éventuellement, il faudrait qu'il y ait une discussion là-dessus ». « L'enjeu, ce n'est pas le droit de grève, c'est des personnes qui entrent cagoulées, qui terrorisent une institution, qui terrorisent les personnes qui sont dans cette institution. »

Plus tôt cette semaine, lors d'une assemblée qui a duré six heures, les étudiants du cégep du Vieux-Montréal ont reconduit la grève générale illimitée à l'issue d'un troisième vote. Or la grève avait été rejetée lors des deux votes précédents. Chaque fois, le verdict a été contesté et un recomptage a été demandé jusqu'au vote en faveur de la grève.

Alors que des étudiants et des professeurs de l'UQAM exigent la démission du recteur, François Blais a affirmé que M. Proulx « a besoin de sa communauté ». Comme tous les Québécois, « sa communauté, je l'espère, va aussi l'appuyer car la dernière chose dont il a besoin en ce moment, c'est de se sentir fragilisé dans son autorité alors qu'il ne demande que ce qui est normal dans une université : le retour au calme, la reconnaissance pleine et entière du droit à l'éducation pour les étudiants de l'UQAM », a-t-il plaidé.

Volte-face du PQ

De son côté, le Parti québécois fait volte-face et demande maintenant que le droit de grève des étudiants soit reconnu et encadré. Or le gouvernement Marois avait fermé la porte à cette idée en 2013. Les recteurs et les directeurs de cégeps lui avaient pourtant demandé de légiférer.

Par voie de communiqué, le chef intérimaire du PQ, Stéphane Bédard, juge que « les gestes répréhensibles des commandos de manifestants masqués et cagoulés, dirigés contre des personnes et des biens, doivent être dénoncés, car ils discréditent les mouvements de mobilisation citoyenne ».

« Les étudiants peuvent légitimement s'opposer à l'austérité libérale. Or, cela doit se faire dans le respect des lois et sans violence. Toutes les parties ont une responsabilité et doivent dénoncer tout acte de violence et de vandalisme. Le ministre doit, quant à lui, calmer le jeu ». Stéphane Bédard déplore le « laisser-aller » du gouvernement qui « ne profite à personne ».