La direction du Collège de Valleyfield s'est souvent sentie isolée pendant la grève, mais jamais autant que le matin du 12 avril 2012.

Rien ne bougeait à Québec. Les semaines de cours perdues s'accumulaient. Le directeur général du cégep, Guy Laperrière, s'inquiétait pour la formation des élèves. Il a joué quitte ou double.

La direction a annoncé que les cours reprenaient, grève ou pas. La nouvelle a fait boule de neige sur les réseaux sociaux. Aux premières lueurs du jour, en ce 12 avril, des centaines d'élèves ont formé une chaîne humaine et bloqué l'accès aux entrées du cégep.

Les policiers surveillaient la scène, prêts à intervenir. Des carrés verts et des carrés rouges se sont invectivés sous l'oeil des médias nationaux dépêchés sur place. La tension était à son maximum. Tous les yeux étaient tournés vers Valleyfield, premier cégep à tenter un retour en classe.

Ç'a été un échec. « C'est là qu'on a compris que le mouvement était d'une telle puissance qu'il était pratiquement inutile de penser qu'on pouvait reprendre ces cours-là », reconnaît aujourd'hui M. Laperrière.

La grève était prévisible, pas sa durée

Cette période a été très difficile à vivre. Dès le début du mois de février, la direction se préparait à une grève. « Le mouvement était très fort à l'interne. Ce qu'on a mal évalué, et ce qui a été mal évalué de la part de tous, c'est la durée », relate le directeur général.

L'établissement a ainsi géré le conflit de semaine en semaine, de vote de grève en vote de grève. Jusqu'à l'intervention ratée du 12 avril. « On a essayé de gérer localement un conflit national, ce qui n'est pas la meilleure des choses », confie M. Laperrière.

S'est-il senti abandonné? M. Laperrière réfléchit longuement. « Le conflit a traîné en longueur. Il a été mal géré et nous [les dirigeants] étions très impuissants. »

La direction devait se montrer prudente tout en gérant une pression qui venait de toutes parts. Les carrés rouges croyaient à leur lutte, les carrés verts voulaient reprendre les cours, les parents s'en mêlaient aussi.

Aujourd'hui, à l'aube du Sommet sur l'enseignement supérieur, M. Laperrière est convaincu que les étudiants « iront au bout de leur cause ». Il appuie certaines de leurs revendications.

« La gratuité scolaire, j'en suis. C'est probablement le plus bel héritage et le plus beau cadeau qu'on puisse donner à une société. Ça ne peut pas se faire en deux jours, c'est un long débat de société », affirme-t-il.