Il est de retour. On s’en était ennuyés. Le philosophe de la game, le Descartes des cartes de hockey, le Confucius des points de presse : Martin St-Louis. Et ça n’a pas pris de temps, le coach du Canadien a repris là où il avait laissé. Premier jour du camp d’entraînement, premier enseignement : « Tu veux toujours aller chercher la meilleure chaise possible, mais tu dois rester réaliste aussi et tu dois savoir qui sont les joueurs assis dans les chaises devant toi. Tu dois prendre une chaise et jouer le rôle de cette chaise-là, mais toujours en essayant de monter de chaise. Tu dois comprendre le rôle que l’entraîneur cherche à te donner. Il ne faut pas craindre de voler une chaise, même si tu es un gars de la Ligue américaine. Il y a toujours des chaises qui se volent. »

Ainsi soit-il. La parabole de la chaise selon St-Louis. Explications pour les non-initiés : la chaise représente la place à prendre. Il y a 72 joueurs présents au camp d’entraînement du CH, il n’en restera que 23 lorsque débutera la saison. Il y a donc 23 chaises à occuper. Lorsque la musique cessera de jouer, 49 joueurs vont se retrouver le cul à terre. Et si Martin St-Louis encourage le vol des chaises, c’est parce que les 23 chaises sont déjà attribuées ; les nouveaux venus doivent donc tasser les réguliers dessus. À chacune des chaises est attribué un rôle défini. La chaise du scoreur, la chaise du fabricant de jeux, la chaise du spécialiste du désavantage numérique, la chaise du général en défense, la chaise du protecteur. Les recrues doivent repérer la chaise la plus facile à dérober. Il y a des gros fauteuils réservés : ceux de Suzuki, Caufield, Matheson, Dach, Monahan. Vaut mieux ne pas y penser. Mais il y a aussi les petites chaises pliantes, plus faciles à lever, celles de Pezzetta, Evans, Ylönen, Wideman…

Bref, vise les chaises du quatrième trio, des sixième et septième défenseurs, un coup que tu seras à bord, tu pourras te faire surclasser en première classe, sur la rangée du 14 et du 22.

En résumé, ce n’est pas parce que tous les sièges sont déjà occupés que tu ne peux pas trouver ta place. Arrange-toi pour la voler. On vole une chaise en volant sur la glace, en allant dans les coins, en se plaçant devant le filet, en gagnant les batailles à un contre un, en se faisant remarquer.

Ce qu’il y a de bien avec les analogies du hockey, c’est qu’elles s’appliquent à toutes les sphères de la vie. Il ne faut jamais se décourager si la job que l’on convoite semble inatteignable. Il faut croire en ses capacités. La chance ne tombe pas du ciel. La chance, il faut se la gosser. Accepter une chaise dans les blancs, avant de se retrouver sur le banc.

La nouvelle équipe montréalaise de la ligue de hockey féminin a aussi sa chaise à trouver. Ou à voler. Le Canadien de Montréal est assis sur un trône. Les Alouettes et le CF Montréal ont des sièges moins confortables, mais pas éjectables. Le Rocket de Laval est bien en selle. L’amateur de sport est aussi sollicité par d’autres circuits, qu’on suit dans son La-Z-Boy : la NFL, la MLB, la NBA…

L’équipe montréalaise de hockey féminin a donc beaucoup de travail à faire pour obtenir la meilleure chaise possible.

Elle compte sur plusieurs points positifs. Le premier, et non le moindre : évoluer dans le premier circuit rassemblant toutes les meilleures joueuses. Il était temps. Le deuxième, avoir à sa tête une directrice générale qui est une figure emblématique de ce sport : Danièle Sauvageau. Le troisième, avoir dans ses rangs la Maurice Richard du hockey féminin : Marie-Philip Poulin. C’était bien parti.

L’organisation a annoncé, le 15 septembre, que l’entraîneuse-cheffe du club sera Kori Cheverie. Une candidate au CV impressionnant, mais qui ne parle pas français. Dommage. Jamais une équipe de Toronto n’engagerait un coach qui ne parle pas anglais.

Le coach est le principal porte-parole d’une équipe. Oui, la DG et la joueuse vedette ont leur rôle à jouer, mais c’est le coach, l’âme de l’équipe. C’est à Cheverie qu’incombera la tâche de vendre au quotidien non seulement son club, mais aussi le hockey féminin. La maîtrise du français devrait être un prérequis pour occuper cet emploi. Surtout que ce ne sont pas les francophones compétentes en hockey qui manquent.

Danièle Sauvageau a défendu son choix en disant que le talent de coach ne s’apprend pas, tandis que la langue française s’apprend. Vrai. Mais cet air-là, on le connaît. De Saku Koivu à l’actuel vice-président hockey du CH, en passant par la gouverneure générale du Canada et le président d’Air Canada, combien d’unilingues anglophones nous ont fait la promesse d’apprendre notre langue, sans jamais le faire ? En se contentant de nous dire bonjour et merci ? Les probabilités que Kori Cheverie réponde un jour, après un match, aux questions des journalistes dans la langue de Marc Denis sont minces.

Le hockey est la passion des Québécois. Et le talent des joueuses a tout pour nous emballer. Pour voler sa chaise, l’équipe de Montréal doit mettre toutes les chances de son côté. Elle vient de se priver de plusieurs d’entre elles.

On lui souhaite quand même beaucoup de succès. We still wish her much success.