Martin Koskinen est le chef de cabinet du premier ministre François Legault et, à ce titre, il est un des hommes les plus occupés au Québec. Un des plus influents, aussi.

Martin Koskinen a aussi un passe-temps de critique médiatique pas très discret, peut-être qu’il se positionne subtilement pour travailler à l’émission Dans les médias, à Télé-Québec, quand il se sera lassé de tirer les ficelles du pouvoir caquiste.

Le 15 mai 2022, l’homme de confiance de François Legault a fait une sortie sur Twitter pour critiquer La Presse, accusant ses éditorialistes et chroniqueurs d’être « interchangeables ».

Le 15 mai 2023, très exactement un an plus tard, M. Koskinen a cette fois décidé de critiquer Le Devoir et Le Journal de Montréal, ciblant les chroniqueurs Jean-François Lisée et Mathieu Bock-Côté pour délit de péquisme.

Avant d’aller plus loin, je le précise : M. Koskinen a tout à fait le droit d’utiliser son compte Twitter comme bon lui semble. Il a le droit d’utiliser la liberté de parole. Je ne conteste pas ça.

Ce que je déplore, c’est que le personnel politique caquiste – du chef de cabinet du premier ministre lui-même à la plus modeste des adjointes à l’attaché de presse du plus inconnu des ministres – se lance souvent dans des guéguerres sur Twitter contre des adversaires ou des commentateurs.

Mais allons plus loin, justement. J’ai connu beaucoup, beaucoup de gens qui ont travaillé dans les cabinets politiques depuis 25 ans. Ce sont pour la plupart des gens de conviction et de talent. Les heures sont longues et la pression, implacable. C’est dur, la politique. Pas seulement pour les personnes qui ont eu le courage de mettre leur face sur un poteau : c’est dur pour les employés de cabinets politiques.

Mais quand je vois ces gens-là se disputer sur Twitter, je suis toujours catastrophé. Quand je vois un attaché de presse inconnu au bataillon contredire une députée qui a été ministre dans une autre vie, j’ai juste envie de dire ceci : jeune homme, si tu veux te quereller publiquement avec des députées, fais-toi donc élire…

Ça vaut pour tous les partis, bien sûr. Mais il me semble que la CAQ, comme parti gouvernemental, a une responsabilité particulière pour imposer un certain ton, une certaine retenue et un certain décorum dans les échanges, même hors du Parlement.

Sauf qu’à voir comment M. Koskinen utilise Twitter pour ventiler contre tout ce qui l’irrite un jour donné, je comprends que ce n’est pas demain la veille que le conseiller politique de 23 ans fraîchement embauché au cabinet de la ministre XYZ va se faire dire de ne pas envoyer un GIF sarcastique à un député élu pour la première fois quand ledit conseiller politique était en 6année…

M. Koskinen s’est donc offusqué de voir le chroniqueur Mathieu Bock-Côté verser dans les thèmes péquistes. C’est d’une ironie savoureuse : Mathieu Bock-Côté a régulièrement soufflé dans les voiles caquistes, dans Le Journal et ailleurs. Il en a parfaitement le droit. Comme il a parfaitement le droit de critiquer les politiques caquistes, si ça lui chante.

Ça trahit une forme de frilosité à la critique dans le camp de la CAQ, depuis bien avant cette victoire à 90 députés.

Je lis M. Koskinen, je lis les tweets hyper-partisans du personnel politique caquiste et il est clair que tout le monde imite le chef, M. Legault, lui-même le frileux-en-chef quand il est question de critiques.

Je rappelle que le PM a quand même bloqué sur Twitter un journaliste de Montreal Gazette, Aaron Derfel, qui posait des questions déplaisantes au gouvernement pendant la pandémie. Le PM a lui-même dit qu’il devait être plus « zen » à l’Assemblée nationale. Et il a récemment cédé honteusement à la mesquinerie en (ne) répondant (pas) à une question de Paul St-Pierre Plamondon, par ces mots : « Si demain matin, il y avait une élection dans Camille-Laurin sans vol de dépliant du PQ… Est-ce que le député de Camille-Laurin serait le député qui est ici devant nous aujourd’hui ? »

Je ne sais pas si M. St-Pierre Plamondon aurait été élu sans ce larcin solidaire filmé, mais je sais que depuis son élection, le chef péquiste fait de la politique sans s’abaisser à ce genre de cheap shot qui déprécie non pas l’adversaire politique, mais la politique elle-même, dans son ensemble.

Je lis les tweets du chef de cabinet du PM, M. Koskinen, et je constate la même intolérance à la critique. Le Québec est un vaste paquebot qui, à plusieurs égards, prend l’eau – santé, éducation, les trous sont béants. M. Koskinen est un des mieux placés d’entre nous pour les boucher, les trous…

Et il perd son temps à gagner des « likes » sur Twitter en pourfendant les chroniqueurs qui osent critiquer le gouvernement, comme s’il s’agissait d’une grande injustice.

À 90 députés sur 125 et à 98,61 % d’approbation des militants caquistes pour le chef, j’imagine qu’on en vient à développer des fantasmes d’unanimité.

Scoop pour M. Koskinen : les critiques, ça vient avec la job.

Et votre job, ce n’est pas de sauver l’honneur caquiste sur Twitter.

Lisez « Le cabinet du premier ministre s’en prend au chroniqueur Mathieu Bock-Côté »

Précision : Nous avons apporté des corrections à la première version de cette chronique, qui indiquait que la CAQ compte 92 sièges à l’Assemblée nationale. C’est plutôt 90. Le pourcentage d’approbation des militants caquistes pour le chef a été de 98,61 %, alors que la première version indiquait 98,5 %.