(Québec) Le gouvernement Legault a ciblé cinq projets de transport collectif, mais aussi 12 projets routiers qui pourraient éventuellement être confiés à sa nouvelle agence, Mobilité Infra Québec, a appris La Presse. Le hic, c’est qu’il n’a pas trouvé à ce jour l’essentiel des 67 milliards de dollars nécessaires à leur réalisation.

Déposé à l’Assemblée nationale jeudi par la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, le projet de loi créant Mobilité Infra Québec ne règle pas le problème déterminant du financement.

Selon des prévisions produites par le gouvernement, la nouvelle agence « indépendante » pourrait éventuellement hériter de 17 projets qui sont à l’étude ou en planification à Québec. Il n’est pas certain que Mobilité Infra Québec sera chargée de tous les réaliser.

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Les cinq projets de transport collectif représentent une facture estimée pour le moment à 37 milliards. Les « réseaux structurants » de Québec, de l’est de Montréal et de la Rive-Sud en font partie. Ce sont les trois projets prioritaires de Geneviève Guilbault.

Seuls 4 milliards ont été mis de côté pour les cinq projets dans le Plan québécois des infrastructures (PQI), qui prévoit les investissements sur un horizon de 10 ans. Québec a déjà des dépenses prévues de 153 milliards pour rénover ou construire des infrastructures publiques de toutes sortes dans son PQI.

Les 12 projets routiers, dont la nature est entourée de mystère, coûteraient 29,5 milliards au total. Environ le quart de cette somme, 7,5 milliards, a été réservé dans le PQI afin de les réaliser.

Le projet de loi de Geneviève Guilbault se limite à indiquer que le Fonds des réseaux de transport terrestre (FORT) financera les projets et les mandats sous la responsabilité de Mobilité Infra Québec.

Or ce fonds, qui sert à la fois à payer les routes et le transport collectif, est déficitaire. Ses dépenses grimpent en flèche, notamment à cause de l’inflation, alors que ses revenus, qui proviennent de la taxe sur l’essence et des droits sur l’immatriculation, entre autres, stagnent.

La Presse a fait état la semaine dernière de résistances au gouvernement quant à la création de Mobilité Infra Québec, entre autres au sujet du financement. Aux Transports, on avait proposé en vain différents scénarios pour que l’agence touche, par exemple, une partie des dividendes versés au gouvernement par Hydro-Québec ou une part des revenus réservés au Fonds des générations, qui sert à réduire le poids de la dette.

Contribution des villes

En conférence de presse, Geneviève Guilbault s’est contentée de dire que le « montage financier sera fait » lorsque le gouvernement « va confier la réalisation d’un projet » à Mobilité Infra Québec. « Et on dépose un nouveau PQI chaque année, alors tout ça va être aménagé en conséquence », a-t-elle ajouté.

Le gouvernement ne veut être le seul à régler les factures. Il entend faire pression sur Ottawa pour qu’il devance l’entrée en vigueur de son nouveau programme d’infrastructures en matière de transport collectif, prévu en 2026. Il veut aussi cogner à la porte de la Banque de l’infrastructure du Canada.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, a déposé son projet de loi créant Mobilité Infra Québec jeudi.

Les villes devront apporter leur contribution. Selon le projet de loi, dans le cas d’un projet de transport collectif confié à Mobilité Infra Québec, « le ministre doit convenir avec les municipalités locales, les sociétés de transport en commun, le Réseau de transport métropolitain ou l’Autorité régionale de transport métropolitain, lorsqu’ils sont visés par le projet, du montant d’une contribution financière de leur part ».

Cette disposition ne sera « pas une surprise » pour les villes selon la ministre Guilbault, dans la mesure où elles doivent déjà payer une partie des projets. « Je m’attends à ce que les municipalités collaborent et qu’on s’entende sur un montant. C’est prévu aussi [qu’à défaut d’entente], c’est le gouvernement qui va déterminer la contribution en question », a-t-elle affirmé.

Le projet de loi indique que « la responsabilité relative à l’exploitation » d’un nouveau système de transport réalisé par Mobilité Infra Québec doit aussi faire l’objet d’une entente avec la ville ou la société de transport en commun.

« La responsabilité financière de l’exploitation d’un système de transport collectif relève » de la ville ou de la société de transport concernée, ajoute-t-on.

« Les besoins les plus urgents »

Selon le projet de loi, Mobilité Infra Québec aura notamment pour mandat d’analyser, de planifier et de réaliser « des projets complexes de transport ». Il s’agit de projets de transport collectif et de projets routiers – comme la construction d’un pont.

« Les premiers projets qui vont être confiés à cette agence-là, ce sont des projets de transport collectif d’envergure », a indiqué Geneviève Guilbault. « Pour moi, en ce moment, les besoins les plus urgents, c’est Québec, l’est de Montréal et la Rive-Sud de Montréal. Tout ça ne va pas se réaliser du jour au lendemain », mais il est important « de pouvoir envoyer un signal [disant qu’]il y a quelqu’un aux commandes de ces projets-là et [qu’]il y a quelque chose qui va se passer. Parce qu’en ce moment, on fait juste en parler, et ça, ça me tape un peu sur les nerfs ». Elle a aussi évoqué les projets de Gatineau et de Sherbrooke.

Mobilité Infra Québec, dont le siège sera à Québec, ne sera pas assujettie à la Loi sur la fonction publique, mais bien à la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État. Cela permettra d’y offrir des salaires plus élevés que ceux des fonctionnaires.

Mobilité Infra Québec sera administrée par un C.A. composé de neuf membres, dont le président du conseil, le président-directeur général et le sous-ministre des Transports ou son représentant. La durée de leur mandat sera d’au plus cinq ans. Des dirigeants seront recrutés dans des firmes privées, voire à l’étranger, selon la ministre.

L’agence comptera jusqu’à 50 employés au départ. Ce nombre pourrait varier, « ça va dépendre du nombre de projets qui vont lui être confiés », a précisé Mme Guilbault. Le projet de loi prévoit des modalités de transfert d’employés du ministère des Transports vers la nouvelle agence.

Mobilité Infra Québec pourra, avec l’autorisation du gouvernement, « acquérir ou constituer des filiales ». Pour se doter d’une « équipe plus spécialisée » ou pour piloter un projet particulier, a précisé Geneviève Guilbault.

Si le projet de loi est adopté à l’automne comme prévu, Mobilité Infra Québec sera opérationnel l’an prochain. Elle disposera d’un budget de fonctionnement de 6 millions la première année et de 9,5 millions par la suite, a indiqué la ministre. L’agence sera soumise à la Directive sur les projets majeurs du Conseil du trésor et à la Loi sur les infrastructures publiques.