Fermer l’unité de réadaptation pour enfants handicapés Le Jardin était « la bonne chose à faire », dit le ministre délégué aux Services sociaux Lionel Carmant en réaction à l’enquête de La Presse sur des allégations de négligence et de maltraitance de cet établissement situé au Centre jeunesse de Laval.

Le ministre Carmant reconnaît qu’« il y a eu plusieurs enjeux dans les derniers mois » au Jardin, mais ne précise pas à quel moment lui ou son cabinet en ont été informés.

Depuis mars 2023, plusieurs signalements ont été faits à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) concernant des allégations de négligence en matière de surveillance, de négligence en matière de soins et de sévices survenus au Jardin. Ce sont des agissements allégués envers sept enfants placés à l’unité qui ont fait l’objet de ces signalements, révélait La Presse mardi.

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Or, l’unité n’a été fermée que 10 mois plus tard, en janvier dernier.

La famille d’un des enfants hébergés – appelé D. pour des raisons de confidentialité – s’est confiée à La Presse. Durant des mois, les parents du garçon autiste et déficient intellectuel de 9 ans racontent ne pas avoir eu le droit d’entrer dans l’unité de vie.

Au fil des semaines, l’état de D., dont le fonctionnement s’apparente à celui d’un enfant de 2 ans, s’est dégradé au point qu’il a atterri plusieurs fois aux urgences.

Fracture au bras à deux reprises, infections de la peau et nombreuses caries faute de soins d’hygiène de base, allergènes donnés malgré des allergies connues, ecchymoses atypiques comme si quelqu’un l’avait serré : la liste d’abus physiques et de négligences allégués est longue.

La famille de D. poursuit aujourd’hui le CISSS de Laval pour 500 000 $ en dommages.

« On ne peut accepter aucun compromis sur les soins offerts aux usagers, particulièrement les plus vulnérables », affirme le ministre Carmant dans une déclaration transmise par courriel. Son cabinet indique ne pas pouvoir commenter davantage la situation en raison des enquêtes en cours.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a ouvert une enquête. Le Service de police de la Ville de Laval également.

Le ministre Carmant insiste sur le fait que « maintenant, l’important est de mettre en place plus de ressources pour les personnes vivant avec un handicap ou une déficience, dans la région de Laval notamment ». Son gouvernement crée « présentement plusieurs projets de logements adaptés pour nos clientèles plus vulnérables ainsi que des places de répit dans toutes les régions du Québec, pour que les parents d’enfants handicapés puissent souffler », dit-il.

Les partis de l’opposition « horrifiés » et « troublés »

« Le récit de cet enfant autiste qui aurait été maltraité me glace le sang », lance la députée libérale Elisabeth Prass, elle-même mère d’un enfant autiste de 10 ans.

Aucun parent qui ressent le besoin de placer son enfant dans le réseau de la santé ne devrait vivre un tel cauchemar, dit la porte-parole de l’opposition officielle pour les personnes vivant avec un handicap ou avec le spectre de l’autisme.

Car, insiste la députée libérale, « les parents ont pris la bonne décision en confiant leur enfant à l’État avant qu’eux-mêmes n’atteignent leurs limites d’épuisement physique et mental ».

Il faut cependant que ces parents soient assurés que nos institutions sont outillées adéquatement pour répondre aux besoins des enfants qui leur sont confiés. Le gouvernement a la responsabilité de leur fournir l’encadrement nécessaire et sécuritaire, ainsi que de s’assurer d’une meilleure surveillance de ce qui s’y passe.

Elisabeth Prass, députée libérale

Le député péquiste Joël Arseneau se dit quant à lui « troublé » que les gestionnaires du CISSS de Laval n’aient pas agi « plus tôt » alors que les « signaux d’alarme », dont plusieurs signalements à la DPJ, étaient nombreux. « On a dormi au gaz ou toléré trop longtemps avant de fermer l’unité », croit-il.

« J’ai beaucoup d’incompréhension sur la façon dont on traite les enfants les plus vulnérables dans notre société », affirme le député solidaire Guillaume Cliche-Rivard, qui admet avoir eu de la difficulté à lire les détails des allégations de maltraitance dont des enfants auraient été victimes dans cet établissement public.

Les révélations de La Presse sur les lacunes du personnel œuvrant au sein de l’unité Le Jardin en ce qui a trait à l’application des mesures de contrôle et sur le roulement important de ce même personnel – entre autres en raison du recours aux agences – sont autant d’éléments « inquiétants », selon ces élus des partis de l’opposition. Sans compter le fait que les parents ont été privés durant 10 mois d’accès à ladite unité, déplorent-ils.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux a rejeté notre demande d’entrevue avec la directrice de la DPJ Catherine Lemay « en raison des enquêtes en cours », mais assure maintenir « un lien étroit avec le CISSS de Laval ».