(Québec) Il y a 10 ans, la Coalition avenir Québec (CAQ) faisait campagne contre l’ajout d’une voie réservée sur une autoroute de la capitale, estimant qu’elle nuirait aux automobilistes. Voilà qu’aujourd’hui le parti de François Legault se dit favorable à la réduction d’une autoroute de Québec pour « redonner le fleuve aux citoyens ».

La transformation de l’autoroute Dufferin-Montmorency en boulevard urbain est essentielle pour réussir la phase IV de la promenade Samuel-De Champlain, a insisté mercredi le ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale. Jamais Jonatan Julien n’avait été aussi clair sur son intention de réduire cette autoroute située dans l’est de la capitale.

« Un boulevard urbain, c’est sine qua non », a lâché M. Julien en conférence de presse. « Si on ne pense pas à ça, arrêtons de travailler là-dessus, les amis. Pour moi, ça, c’est acquis. »

Le ministre et le maire de Québec, Bruno Marchand, ont participé mercredi au dévoilement des trois concepts primés à l’issue d’un concours d’idées international. Les firmes devaient imaginer la requalification d’une bande de terre entre le fleuve et l’autoroute sur 8,6 km, de la baie de Beauport jusqu’au parc de la Chute-Montmorency.

Ce projet, baptisé phase IV de la promenade Samuel-De Champlain, survient dans la foulée des trois premières phases, qui ont connu un succès monstre. Mais ces dernières ont été réalisées dans l’ouest de la capitale.

La phase IV doit se faire dans l’est de la ville, où une autoroute de six voies sous-utilisée bloque l’accès au fleuve. Dufferin-Montmorency a été construite en 1978 sur les battures de Beauport, un milieu naturel prisé des oiseaux et des poissons que le Canada considérait alors comme « un biotope particulièrement rare dans l’ensemble des écosystèmes de notre planète ». Le ministre péquiste Marcel Léger l’avait qualifiée de « bêtise du siècle ».

Le projet primé par le concours d’idées, celui des firmes québécoises Atelier L’Abri, Écoterritoire, Ghost et Le Picbois, prévoit le retrait de deux des six voies de l’autoroute. Retirer certaines des voies réservées aux voitures permettrait en effet de donner plus d’espace aux citoyens pour la construction d’une piste multifonctionnelle ou encore pour rendre au secteur sa biodiversité.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE LA COMMISSION DE LA CAPITALE NATIONALE DU QUÉBEC

Le projet lauréat prévoit retirer certaines voies de l’autoroute réservées aux automobilistes.

Consultez les détails du projet primé par le concours d’idées

« Je l’emprunte assez régulièrement et il y a à notre avis une capacité excédentaire, a dit Jonatan Julien à propos de l’autoroute. Donc il faudra trouver l’équilibre. On souhaite une mobilité active, mais pas au détriment d’autres mobilités. Je pense que le boulevard se prête à cette transformation. »

La voie autoroutière a une capacité d’au moins 90 000 véhicules par jour. Mais selon les données les plus récentes, les tronçons de l’autoroute devant les battures de Beauport voient passer 30 000 véhicules par jour dans les secteurs les plus occupés, et à peine 18 000 par endroits.

M. Julien a indiqué que le ministère des Transports devrait analyser ce qui était réaliste comme scénario. « Je vois l’appui de la communauté, a-t-il dit. Mon premier ministre et la ministre des Transports sont derrière le projet avec moi. »

Un échéancier vague

Le gouvernement reste vague quant à l’échéancier. La Commission de la capitale-nationale du Québec, qui porte le projet, devra s’asseoir « avec les différents partenaires », dont le ministère des Transports. Cinq millions de dollars ont été prévus au dernier Plan québécois des infrastructures pour parfaire la conceptualisation.

Le maire de Québec dit souhaiter que la phase IV se fasse le plus vite possible, mais admet qu’il s’agit d’un projet à haut niveau de complexité. « J’ai l’impression qu’il y a une volonté réelle pour l’est de la ville », a-t-il dit, ajoutant que selon lui la CAQ est sincère dans sa volonté d’aller de l’avant.

Jonatan Julien a modéré les attentes du public en rappelant que les trois premières phases, qui ont permis d’aménager les berges dans l’ouest de la ville, ont mis 20 ans à être réalisées. « J’aimerais que ça aille plus vite », a tout de même concédé le ministre.

La nécessité de transformer l’autoroute en boulevard urbain et de réaménager les berges dans ce secteur suscite l’unanimité au conseil municipal de Québec.

Le conseiller du district de la Chute-Montmorency–Seigneurial, Stevens Mélançon, était présent à la conférence de presse mercredi. Le parti de M. Mélançon, Équipe priorité Québec, ne manque jamais une occasion d’accuser le maire Bruno Marchand de livrer une supposée « guerre à l’auto ». Mais même lui presse la CAQ de transformer le secteur et de réduire l’autoroute.

« Si j’étais à la CAQ, c’est certain que je mettrais ce projet-là en haut de la pile pour la Capitale-Nationale, suggère M. Mélançon. Surtout qu’on sait qu’ils éprouvent certaines difficultés ces temps-ci. »