Le Front commun est finalement parvenu à une entente avec le gouvernement sur le plan des salaires, jeudi, quelques jours après un grand déblocage aux tables dites « sectorielles ». Alors que Québec souligne la « plus grande souplesse » prévue par ces projets de convention collective sur cinq ans, les syndicats mettent de l’avant le rattrapage salarial qu’ils permettent.

« Sur le plan des salaires, les objectifs du Front commun reposaient sur deux principes phares : protéger nos 420 000 travailleuses et travailleurs contre l’inflation et obtenir un certain rattrapage général des salaires pour l’ensemble des travailleuses et des travailleurs. Et c’est ce qui nous a guidés tout au long de ce blitz de négociation pour parvenir à une proposition d’entente », ont expliqué les porte-parole du Front commun François Enault, premier vice-président de la CSN, Éric Gingras, président de la CSQ, Magali Picard, présidente de la FTQ, et Robert Comeau, président de l’APTS.

La teneur de cette entente sur les salaires demeurait confidentielle jusqu’à présent, le Front commun tenant à ce que ses membres soient les premiers informés.

Les quatre fédérations indiquent qu’elles convoqueront leurs délégations au cours des prochains jours dans le but de leur présenter le contenu des propositions d’ententes intervenues à la table centrale et à chacune des tables sectorielles, « afin de déterminer si oui ou non elles constituent une entente de principe globale ».

Selon nos informations, ces rencontres avec les délégués devraient se faire début janvier.

Les membres seront ensuite appelés à se prononcer en assemblée générale pour l’entériner. « La présente ronde de négociation sera officiellement réglée lorsque les conditions de travail et de pratique ainsi que les conditions salariales seront jugées satisfaisantes », précisent les porte-parole du Front commun.

« C’est vraiment une excellente nouvelle. À partir du moment où on convient d’une hypothèse ou d’une proposition d’entente de principe à la table de négociation, c’est significatif », dit l’ex-chef syndical de la CSN Jacques Létourneau. Il est persuadé que la proposition sera qualifiée d’entente de principe. « À mon avis, il va y avoir de bons débats, mais globalement, on risque d’avoir des ententes concluantes à peu près partout », estime-t-il.

Par communiqué, la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, a précisé que l’entente sur la table était d’une durée de cinq ans, de 2023 à 2028. « [Elle] tient compte de l’amélioration des conditions de travail des employés de l’État et de l’organisation du travail par le biais d’une plus grande souplesse dans les conventions collectives », a-t-elle souligné.

Une question de temps

Ce n’était une question de temps avant qu’une entente soit annoncée à la table dite « centrale », où le Front commun négociait les aspects salariaux du prochain contrat de travail des employés du secteur public au nom des quatre fédérations qu’il représente (CSN, CSQ, FTQ, APTS).

En effet, tous les syndicats membres de ces fédérations avaient conclu des ententes avec le gouvernement, ces derniers jours, aux tables dites « sectorielles », où se négocient les conditions de travail propres à chaque corps de métier.

Le Front commun a rappelé dernièrement que faute d’entente satisfaisante d’ici à la fin de l’année à la table centrale, ses 420 000 membres pourraient déclencher une grève générale illimitée en 2024. Ils ont déjà débrayé 11 jours à l’automne, par blocs d’un jour, puis trois et enfin sept.

Le gouvernement et le Front commun avaient tous deux réitéré avant Noël leur objectif d’en arriver à une entente pour le 25 décembre. Or, les parties avaient finalement ajourné les négociations à la dernière minute le 24 au soir.

Des positions éloignées

Aux dernières nouvelles, le Front commun se disait prêt à signer des conventions collectives de cinq ans, mais ne chiffrait plus ses demandes. Il réclamait au départ des augmentations d’environ 23 % en trois ans.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Le déclenchement, après les Fêtes, d’une grève générale illimitée par le Front commun semble désormais improbable.

« Nous n’avons pas chiffré ces demandes, nous avons plutôt indiqué au gouvernement que notre ouverture était liée à deux conditions, soit : qu’elle garantisse la protection du pouvoir d’achat et qu’elle amène un enrichissement. Celui-ci n’a pas été chiffré afin de laisser un espace de négociation à la table », déclarait le Front commun, avant Noël.

Québec, de son côté, avait envoyé le signal qu’il était prêt à bonifier sa dernière offre d’augmentations de salaire de 12,7 % en cinq ans. Pour la même période, le Front commun avait réclamé récemment une clause d’indexation de 18,1 % pour couvrir la hausse du coût de la vie et une augmentation de 7 % — au lieu de 9 % – au titre d’« enrichissement ». Il a remis en question la hausse de 7 % depuis.

Le Front commun répétait également que « pour conclure une entente à la table centrale, il devra y avoir des avancées » au sujet des assurances et des ouvriers spécialisés, « de même qu’en ce qui concerne les conditions de travail aux différentes tables sectorielles ».

Pas de recommandation de la FSE

La Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ) a fait savoir jeudi qu’elle ne formule plus de recommandation à ses membres depuis la dernière négociation à laquelle elle a pris part, en 2020. Le syndicat répondait aux affirmations de l’ancien président de la FAE, Sylvain Malette. En entrevue avec La Presse, mardi, M. Malette avait affirmé que la FSE ne recommandait pas à ses membres de voter en faveur de cette entente puisqu’elle était « décevante », selon lui.

« Dans la foulée des négociations de 2015, la FSE a revu ses façons de faire et ne formule pas de recommandation à ses membres », a indiqué la porte-parole, Sylvie Lemieux. « Nous ne parlons d’ailleurs pas d’entente de principe, mais de proposition de règlement justement pour laisser le soin aux membres de se prononcer. C’est une question de fonctionnement interne. »

Jacques Létourneau s’est dit étonné de la réaction de Sylvain Malette. « Je ne vois pas [la situation] du tout comme M. Malette. J’ai d’ailleurs été très surpris de son intervention. Qualifier l’entente de la FSE-CSQ comme une entente à rabais, c’est un peu singulier de sa part », a-t-il déclaré.

Les délégués de la FSE, qui représente 60 % des enseignants au Québec, avaient entériné le 23 décembre le projet de règlement qui leur avait été présenté, fruit d’un blitz de négociation entre la fédération et le gouvernement.

Avec Alice Girard-Bossé, La Presse