L’entrepreneur et philanthrope québécois Daniel Langlois a été retrouvé mort vendredi en Dominique, dans les Caraïbes, où il exploitait un hôtel avec sa compagne, Dominique Marchand, elle aussi découverte sans vie. Leurs corps étaient dans un véhicule incendié.

Selon le média local Dominica News Online, qui a d’abord rapporté la nouvelle, le véhicule correspondait à celui que conduisait le couple, porté disparu depuis peu. À l’intérieur, deux corps calcinés ont été découverts.

La Presse a pu confirmer la disparition de Daniel Langlois et de Dominique Marchand auprès de diverses sources.

« Notre petite communauté a perdu un héros », a déploré Simon Walsh, ami du couple et propriétaire d’une entreprise de plongée en Dominique.

Lisez « Les proches de Daniel Langlois en deuil d’un “grand visionnaire” »

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L’entrepreneur et philanthrope québécois Daniel Langlois

Avec sa conjointe, Daniel Langlois était propriétaire du Coulibri Ridge Resort, un hôtel de luxe autosuffisant sur la petite île des Caraïbes, située entre la Guadeloupe et la Martinique.

Les circonstances de la découverte des deux corps demeuraient floues, samedi soir. D’après nos informations, une enquête pour homicide a été ouverte.

Trois personnes auraient été appréhendées et interrogées en lien avec cette affaire, selon le même média local.

Dans un courriel à La Presse, Affaires mondiales Canada a écrit être au fait « d’informations faisant état du décès de deux citoyens canadiens en Dominique », sans toutefois confirmer leur identité.

« Nous sommes de tout cœur avec les familles et les proches des citoyens concernés. Les agents consulaires sont prêts à fournir une aide consulaire et un soutien à la famille, et sont en contact avec les autorités locales pour obtenir des informations supplémentaires », a ajouté la porte-parole d’Affaires mondiales, Marilyne Guèvremont.

« Ils étaient très appréciés »

La disparition du couple ébranle la communauté dominiquaise, selon leur ami Simon Walsh, qui préparait une veillée funèbre avec les employés de l’hôtel quand La Presse l’a joint. « C’étaient des personnes vraiment spéciales. Ils étaient très appréciés », a-t-il partagé.

Né à Jonquière en 1957, Daniel Langlois est considéré comme l’un des pionniers des nouvelles technologies du cinéma au Québec.

Il acquiert une reconnaissance internationale en fondant Softimage, entreprise de logiciels d’animation 3D utilisés dans des superproductions hollywoodiennes comme Jurassic Park et Titanic.

En 1994, il vend l’entreprise à Microsoft contre environ 200 millions de dollars, et, avec une partie de la somme, crée la fondation Daniel Langlois, organisme privé à but non lucratif et philanthropique voué à l’avancement des connaissances en art et en science.

Sa carrière est jalonnée de distinctions. Il est nommé Entrepreneur national de l’année au Canada en 1994 et reçoit trois ans plus tard le Prix scientifique et technique attribué par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences. En 2000, il est fait Officier de l’Ordre du Canada.

« Je sais qu’il était populaire dans son pays d’origine. Nous avons tous beaucoup perdu », a souligné Simon Walsh.

Un projet ambitieux

L’hôtel autosuffisant situé à la pointe sud de la Dominique était le plus récent projet de Daniel Langlois, dans lequel il s’était lancé avec sa compagne.

PHOTO FOURNIE PAR LE COULIBRI RIDGE RESORT

Le Coulibri Ridge Resort, sur l’île de la Dominique

Le Coulibri Ridge Resort a accueilli ses premiers clients en 2021. Récompensé à l’international, le complexe produit l’entièreté de l’énergie nécessaire à son fonctionnement à l’aide de panneaux solaires et de deux éoliennes. « L’hôtel a été entièrement construit en entraînant des employés de l’île. Ça a étendu la durée de construction du projet de probablement quatre à cinq ans », avait déclaré M. Langlois à La Presse en 2022.

Lisez l’article de La Presse sur le Coulibri Ridge Resort

« C’était une passion pour eux de faire un hôtel durable et complètement autosuffisant. C’était admirable. C’était leur bébé. On se sentait chez eux quand on y allait », a souligné le chef québécois du restaurant Lacou Melrose House en Dominique, Sutherland Haskell.

Ça m’a frappé assez fort [vendredi d’apprendre leur décès]. C’étaient nos amis québécois ici. Je les avais vus la semaine [précédente] au resto.

Sutherland Haskell, chef du restaurant Lacou Melrose House en Dominique

Depuis peu, Daniel Langlois consacrait la plus grande partie de son temps à sa fondation Resilient Dominica, créée après le passage de l’ouragan Maria en 2017, dans le but de reconstruire les communautés touchées.

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Daniel Langlois avait été honoré en novembre dernier par le gouvernement de la Dominique à l’occasion de la fête de l’indépendance de la petite nation insulaire.

En novembre dernier, à l’occasion de la fête de l’indépendance de la Dominique, le gouvernement l’avait honoré pour sa contribution au développement durable dans la petite nation insulaire.

Un entrepreneur devenu mécène

Titulaire d’un baccalauréat en design de l’Université du Québec à Montréal, Daniel Langlois a co-réalisé en 1985 le court métrage d’animation Tony de Peltrie, qui avait reçu un accueil élogieux lors de son lancement lors d’un festival à San Francisco. « En créant de Peltrie, l’équipe montréalaise pourrait avoir réalisé une percée : un personnage numérique à qui un auditoire humain peut s’identifier », avait commenté le critique de Time Magazine.

Daniel Langlois a depuis reçu des doctorats honorifiques de l’Université de Sherbrooke, de l’Université McGill, de l’École de gestion John-Molson de l’Université Concordia, de la faculté des arts de l’UQAM et de l’Université d’Ottawa.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Daniel Langlois, en 2009

Parmi les faits marquants de sa carrière, il a fondé en 1999 le cinéma Ex-Centris, qui deviendra un repaire des cinéphiles à Montréal, jusqu’à sa fermeture en 2016.

Il est aussi connu pour avoir acheté le sommet du mont Pinacle, à Frelighsburg, dans le but de protéger la faune et la flore du secteur.

En 1997, il a acquis un ancien édifice de la rue de la Commune Ouest, dans le Vieux-Montréal, qu’il a transformé en club privé du nom de 357C. Le club a fermé ses portes en 2019.

Avec la collaboration de Vincent Larouche, d’Yves Boisvert et d’Ève Dumas, La Presse