Pour réduire le bruit émis, l’aéroport Montréal Saint-Hubert (YHU) veut mettre au pas les petites écoles de pilotage. La direction de l’aéroport analyse la possibilité de transférer la formation pratique – donc en vol – des futurs pilotes vers l’apprentissage par simulateur. Ce virage à 180 degrés assurerait une plus grande quiétude au voisinage, exaspéré depuis des décennies par la pollution sonore provenant des aéronefs.

« On veut moins de mouvements aériens, on veut un aéroport à échelle humaine », résume le vice-président, Affaires corporatives, communications et marketing, de YHU, Simon-Pierre Diamond, en faisant visiter à La Presse le chantier du nouveau terminal, en cours depuis le mois d’août. Ce projet est évalué à 200 millions.

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D’ici l’été 2025, un nouveau terminal d’une superficie de 20 000 mètres carrés, doté de neuf portes, sortira de terre à Saint-Hubert.

En plus d’offrir des vols régionaux, l’aéroport Montréal Saint-Hubert accueille sur ses terrains trois écoles de pilotage et l’École nationale d’aérotechnique (ENA). Devant la grogne du voisinage et les démarches devant les tribunaux du Comité anti-pollution des avions – Longueuil, l’aéroport a déjà restreint les heures de vol le week-end et la nuit. Cette fois, M. Diamond annonce qu’une piste asphaltée sera définitivement fermée. En raison de sa configuration, les avions empruntant ce couloir volaient pile au-dessus d’un quartier densément peuplé.

C’était « une nuisance », concède M. Diamond.

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Simon-Pierre Diamond, vice-président, Affaires corporatives, communications et marketing de YHU

On ne s’en cachera pas, l’aéroport a déjà été une véritable usine à fabriquer des pilotes avec des apprentis provenant d’aussi loin que de l’Asie. On a déjà eu 200 000 mouvements aériens par année. Nous en sommes à environ 140 000 mouvements, mais on peut faire mieux.

Simon-Pierre Diamond, vice-président, Affaires corporatives, communications et marketing de YHU

Bon pour la quiétude… et l’environnement

Richard Blackburn est chef instructeur chez Air Richelieu, une école de l’aéroport offrant le programme collégial (DEC) de pilotage. Selon lui, il est tout à fait possible de diminuer les heures d’entraînement grâce aux simulateurs reproduisant en tout point les conditions de vol, même des pannes de moteur.

« Dans le temps, le programme comprenait 250 heures de vol. Aujourd’hui, on offre 180 heures. Et avec les simulateurs qui arrivent sur le marché, on peut penser qu’il est possible de descendre encore ce nombre d’heures. Dans l’ensemble, à ce jour, on a diminué nos mouvements de 40 %. C’est bon pour la quiétude du voisinage, mais aussi pour l’environnement », explique M. Blackburn.

D’ici l’été 2025, un nouveau terminal d’une superficie de 20 000 mètres carrés, doté de neuf portes, sortira de terre à Saint-Hubert. À la nouvelle aérogare, exit les gros avions de plus de 230 passagers, a tranché la direction. Seuls les appareils monocouloirs seront les bienvenus. YHU ambitionne également de devenir un lieu phare pour l’essai et le développement des moteurs d’avion hybrides. Un partenariat n’est pas à exclure, notamment avec Pratt & Whitney, un leader dans la conception et la fabrication de moteurs d’avions commerciaux, dont une usine est à Longueuil.

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Un travailleur sur le chantier du nouveau terminal de l’aéroport Montréal Saint-Hubert

« Nous travaillons sur un modèle d’aéroport qui minimise le bruit, avec des compagnies aériennes qui consomment moins. On travaille sur notre plan de développement durable en ce moment. Nous en sommes à tracer un bilan de nos gaz à effet de serre ; plusieurs mesures sont à l’étude pour réduire notre empreinte carbone », assure M. Diamond.

Les nouveaux dirigeants « plus ouverts »

Président du Comité anti-pollution des avions Longueuil, Mathieu Péladeau accueille favorablement la volonté de réduire le bruit de l’aéroport, mais il rappelle qu’il y a eu plusieurs grandes promesses faites au fil des 20 dernières années.

« Concrètement, nous attendons les résultats. Les nouveaux dirigeants sont plus ouverts, il y a eu des consultations, une table de concertation a été mise sur pied. »

On aimerait un réel comité antibruit, un système pour colliger les plaintes. Et on attend toujours une étude de modalisation du climat sonore à l’approche de l’ouverture du terminal.

Mathieu Péladeau, président du Comité anti-pollution des avions Longueuil

L’aéroport a annoncé en février dernier que Porter Airlines et Pascan Aviation allaient offrir des vols à l’aéroport de la Rive-Sud, qui pourra accueillir jusqu’à 4 millions de passagers par année. D’autres discussions sont en cours avec des compagnies aériennes. L’idée est d’offrir une desserte régionale vers les autres provinces et le nord du Québec.

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Le centre-ville de Montréal, vu de l’aéroport Montréal Saint-Hubert

Les vols internationaux ne seront pas exclus, mais pas à bord de gros appareils. Porter Airlines entend utiliser le modèle d’avion Embraer E195-E2, considéré comme l’un des plus silencieux et écoénergétiques sur le marché. Pascan Aviation utilise surtout le modèle Saab 340B pouvant accueillir une trentaine de passagers.

« On va fermer la porte aux gros transporteurs qui remplissent les resorts pour se concentrer sur de l’aviation plus responsable, avec des avions moins bruyants et plus écoénergétiques », insiste M. Diamond, de YHU. Depuis 2019, Chrono Aviation exploite deux fois par semaine des vols nocturnes de Saint-Hubert à destination de la terre de Baffin, pour des travailleurs de l’industrie minière. L’aéroport a prévu réviser les modalités de ce contrat. Ce transporteur utilise un bruyant Boeing 737, âgé de 45 ans, ayant la particularité de pouvoir atterrir sur une piste en gravier.

En savoir plus
  • 1927
    C’est l’année d’entrée en activité de l’aéroport Montréal Saint-Hubert, une OBNL. Le terrain d’aviation a longtemps été à vocation militaire, avant d’accueillir des écoles de pilotage privées, des compagnies aériennes régionales ainsi que l’École nationale d’aérotechnique et des installations de l’Agence spatiale canadienne. Au fil des ans, des quartiers résidentiels ont vu le jour dans les environs. Devant la grogne citoyenne, la Ville de Longueuil a déjà annoncé que les vols commerciaux cesseront la nuit à partir du printemps 2024.